Sondès Louati Jarraya, une architecte du vêtement

Quel a été votre parcours avant d’atterrir dans l’univers de la mode ?

Je suis née à Sfax, dans le sud de la Tunisie, il y a 54 ans. Ma mère et ma grand-mère sont aussi couturières. Je suis maman de trois grands enfants et avant de devenir entrepreneure, j’ai eu un BEP couture, un bac et un Deug de droit. Puis je suis arrivée en France avec mon mari, qui devait suivre des études de stylisme et de modélisme. Quelques années plus tard, j’ai effectué une mission d’intérim au Bon Marché pour y faire des retouches, avant d’intégrer Chanel.

Que représente pour vous la marque Chanel ?

Le luxe. Quand je vivais en Tunisie, j’ai toujours rêvé d’y travailler. J’ai d’ailleurs envoyé de nombreuses “lettres d’amour” à Chanel, avant d’y entrer ! J’ai commencé en bas de l’échelle, en tant que rangeuse-piqueuse. A force de talent, de persévérance et de volonté d’apprendre, j’ai réussi à évoluer, en touchant à tous les métiers de la couture.

Quel était votre constat dans votre métier ?

Les vêtements fabriqués avec les techniques traditionnelles ne peuvent pas évoluer dans le temps, car ils dépendent de la taille et du genre de chaque personne. L’amour pour mon métier et mon désir d’apporter du confort et de l’élégance aux clients m’ont permis d’imaginer cette nouvelle méthode de fabrication. 

Et c’est ce constat qui vous a amené à créer votre entreprise ?

Mon idée a progressivement germé à l'occasion de vacances à Rome, en 2015. J’avais pris un congé sabbatique d’un an de chez Chanel. Je n’ai jamais rêvé de monter ma propre entreprise, mais il était devenu vital pour moi de créer. J’avais besoin d’apporter quelque-chose et de vivre pleinement ma passion à l’aube de mes 50 ans. Mais, cette volonté ne s'est pas immédiatement concrétisée. Avant de me lancer dans l’aventure entrepreneuriale, j'ai repris mon poste chez Chanel.

Votre technique de conception est novatrice et brevetée, pouvez-vous nous en dire davantage ?

Concrètement, j'utilise des bandes de tissus rectangulaires que je façonne en fonction des mensurations de chaque personne. De plus, la technique de coupe n’engendre aucun déchet textile, car le tissu excédentaire est inséré dans des coutures à l’intérieur du vêtement. Ce procédé, que j’ai breveté au niveau mondial, permet d’agrandir ou de rétrécir des vêtements en fonction de l’évolution de la morphologie des personnes. Cette technique est durable et même écologique, car elle ne nécessite pas de thermo-colle.

Avez-vous été accompagnée dans la création de votre entreprise ? 

La Chambre de Commerce m’a accompagnée à mes débuts. C’est désormais l’association BGE qui m’a suivie dans la création d’entreprise. Pour financer la société, j’ai eu recours à mes deniers personnels et bénéficié également de l’aide de mes proches. Je me suis installée dans le Marais à l’été 2018, et je m’en réjouis ! J’ai visité ce lieu sans y croire, car je n’avais pas de dossier solide. J’avais beaucoup de craintes, en raison des charges à payer. C’est l’une de mes filles qui m’a encouragée à me lancer. Quand j’ai signé, j’ai déménagé tout le matériel que j’avais accumulé au fil des années. Mais je compte bien soumettre des dossiers pour obtenir des subventions, afin de pouvoir développer mon activité. 

Pourquoi avez-vous choisi la SASU comme statut juridique ?

En 2017, le choix de la SASU (société par actions simplifiée unipersonnelle) a été décidé pour sa flexibilité. Ce statut me convient le mieux, car je ne suis pas obligée d’intégrer des associés immédiatement. Je pourrai le faire ultérieurement si besoin. Cela m’a permis de participer au salon Fashion Tech. Lorsque j’ai présenté mes créations, j’ai accompli mon rêve... C’est clairement ma plus grande fierté.  

Vous avez plusieurs projets en gestation ?

Certes, pour l’heure, je prends mon temps pour peaufiner mon modèle économique, mais cela ne m’empêche pas d’avoir des projets plein la tête. Et pour que de futurs clients puissent prendre eux-mêmes leurs mensurations à distance, j’ai notamment inventé un instrument, qui a fait l’objet de deux dépôts de brevets. Dans un avenir proche, je souhaite créer un site de e-commerce pour proposer mes vêtements, mais aussi recruter et transmettre mon savoir-faire.
 

 

Propos recueillis en novembre 2019

Décembre 2019