L'entrepreneuriat a le vent en poupe dans les QPV

L’édition 2021 de l’Indice Entrepreneurial Français (IEF) montre une dynamique entrepreneuriale en forte progression dans les Quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Elle y concerne 1 habitant sur 5, une hausse significative par rapport à 2018. Malgré ce fort attrait pour l’entrepreneuriat, le passage à l’acte y demeure faible : dans les QPV, la proportion de porteurs de projet est quatre fois inférieure à celle des intentionnistes.

Cet IEF 2021 est fondé sur une enquête nationale menée par Ifop pour le compte de l’Observatoire de la création d’entreprise de Bpifrance Création auprès de 5 500 personnes représentatives de la population résidant en France et de ses QPV.

Il y a davantage d’intentionnistes dans les QPV que dans l’ensemble du pays (12 % et 9 % respectivement), ce qui y confirme l’existence d’un vivier important d’entrepreneurs potentiels. La majorité de ces intentionnistes souhaitent avant tout créer une nouvelle entreprise (55 %) plutôt que d’en racheter ou d’en reprendre une qui existe déjà. Toutefois, la création ex nihilo est moins prisée qu’au niveau national (71 %), et la reprise d’entreprise familiale est au cœur de plus de projets chez les intentionnistes des QPV qu’en moyenne sur le territoire français (respectivement 16 % et 4 %).


La proportion de chefs d’entreprise (anciens et actuels) y est significativement plus faible qu’au sein de l’ensemble de la population française… ce qui ne veut pas dire que l’appétence pour l’entrepreneuriat y est moindre : au contraire, 35 % des habitants des QPV affirment qu’exercer à son compte constitue le choix de carrière le plus intéressant, contre 24 % pour l’ensemble des Français. Une option qui devance l’exercice dans la fonction publique (19 %) ou le salariat en entreprise, quelle que soit sa taille (16 %).

Dans les QPV plus qu’en moyenne sur le territoire, les femmes sont sous-représentées au sein de la chaîne entrepreneuriale : 1 habitant des QPV sur 3 évoluant dans une dynamique entrepreneuriale est une femme, contre presque 1 sur 2 au niveau national. Elles sont aussi moins impliquées que la moyenne des Françaises  : 14 % des femmes des QPV sont dans la chaîne entrepreneuriale pour 26 % en moyenne en France. Elles le sont aussi moins en comparaison de la participation masculine (25 % des habitants des QPV).

Par ailleurs, les habitants des QPV inscrits dans une dynamique entrepreneuriale sont plus jeunes et plus diplômés et plus souvent en situation d'emploi que la moyenne des habitants des QPV. Ils sont davantage issus de l’immigration ou de nationalité étrangère, par rapport à la moyenne nationale.

La pandémie de la Covid-19 semble avoir un impact assez diffus au sein de la population française résidant en QPV : 8 habitants des QPV sur 10 déclarent que la crise n’a pas changé leur situation professionnelle, soit autant que pour la population française dans son ensemble. Parmi ceux qui ont vu leur situation professionnelle affectée par la crise sanitaire, certains réfléchissent à travailler à leur compte (14 % contre 20 % pour l’ensemble des Français). Cette envie concerne deux fois plus d’hommes que de femmes (19 % vs 8 %).

Chez les intentionnistes, ceux qui estiment avoir été positivement impactés par la crise sanitaire sont plus nombreux que ceux qui attribuent à cette période des conséquences négatives (4/10 vs 3/10). En parallèle, près de la moitié des intentionnistes des QPV affirme que la pandémie n’a pas eu d'influence sur leur intention de créer une entreprise, une résilience deux fois plus élevée que pour la moyenne des Français.

Si la situation professionnelle des habitants des QPV n’a pas été plus affectée par la pandémie que la moyenne des Français, pour autant ceux qui ont été impactés l’ont été plus vivement : parmi les 2 habitants des QPV sur 10 qui déclarent que la crise a changé leur situation professionnelle, la plupart sont désormais en recherche d’emploi (40 %) ou ont été licenciés (25 %) – deux conséquences beaucoup plus présentes que dans l’ensemble de la population française affectée par la crise sanitaire (19 % et 7 % respectivement).

Au sein des intentionnistes des QPV, comme partout en France, une part importante reconnaît des répercussions positives à la crise : temps de réflexion, moment pour changer de vision sur son projet, nouvelles opportunités de reprise, etc. Pour près de la moitié d’entre eux, la pandémie n’a pas affecté leur envie de se lancer dans l’entrepreneuriat !

Les intentionnistes* des QPV affichent les mêmes motivations principales que l’ensemble des intentionnistes en France : ils souhaitent en priorité être leur propre patron (59 %), augmenter leurs revenus (45 %) ou réaliser un rêve (38 %). Si ces 3 motivations arrivent aussi en tête chez l’intentionniste français moyen, la préoccupation financière est plus présente dans les QPV (+ 19 points), ce que confirme aussi le fait que les intentionnistes souhaitent plus souvent créer leur propre emploi ou celui d’un proche au sein des QPV qu’à l’échelle nationale (34 % contre 13 %).
 


Autre différence : les intentionnistes des QPV affichent moins de défiance face à l’entrepreneuriat ; 20 % déclarent ainsi n’avoir aucune crainte, contre 11 % au niveau national. Pourtant, les habitants des QPV sont moins exposés à l’entrepreneuriat que les Français dans leur ensemble : 6 sur 10 ont des liens plus ou moins distendus avec l’entrepreneuriat, que ce soit en termes de fréquentation de chefs d’entreprise, d’exercice du rôle de dirigeant d’entreprise, de sensibilisation durant leur cursus scolaire ou professionnelle, voire de participation à des projets entrepreneuriaux de tiers ; ils sont 5 sur 10 au niveau national.

Outre une appétence plus marquée pour l’entrepreneuriat que chez le Français moyen, les habitants des QPV semblent davantage se reconnaître des qualités de chef d’entreprise. Plus positifs face à l’échec (86 % contre 71 % au niveau national), ils ont plus confiance en eux. Ils estiment plus largement savoir trancher en cas d’incertitude (68 % contre 62 %), être créatif (71 % contre 58 %), négocier facilement (69 % contre 58 %) et présenter des résultats (68 % contre 58 %).

* En raison de la faiblesse de l’échantillon des répondants pour les profils de chef d’entreprise et de porteur de projet, seules les réponses des intentionnistes peuvent être analysées dans la plupart des questions.

Par rapport à l’ensemble des intentionnistes français, les intentionnistes de QPV sont également confrontés à des ressources financières plus ténues, et citent donc davantage la crainte d’un revenu insuffisant (32 %) parmi les appréhensions associées à leur démarche. En seconde position vient le manque d’expérience dans le métier, un sentiment beaucoup plus marqué que pour l’ensemble des intentionnistes en France (20 % contre 12 %). Ils regrettent enfin un manque de compétences pour créer ou reprendre une entreprise (18 %), un sentiment partagé par l’ensemble des intentionnistes en France.
 

Pour plus de 3 intentionnistes en QPV sur 4, une démarche respectueuse de l’environnement ainsi que l’exploitation d’outils numériques représentent les deux premiers axes sur lesquels reposera le développement de leur entreprise. L’usage des TIC, qui n’est qu’en 4e position pour l’ensemble des intentionnistes en France (48 %), occupe la 1ère place ex-aequo chez les intentionnistes des QPV (78 %) : il est particulièrement présent chez les hommes (9 sur 10, contre 6 sur 10 chez les femmes). Les femmes intentionnistes des QPV mettent, quant à elles, nettement plus l'accent sur une démarche RSE que leurs confrères (8 sur 10 vs 4 hommes sur 10), voire que des Françaises en général (61 %).
 

La plupart des habitants des QPV qui sont en dehors de la chaîne entrepreneuriale (c’est-à-dire qui ne sont pas chef d’entreprise, qui ne l’ont jamais été et qui n’ont pas l’intention de l’être) ne font état d’aucun frein à la création ou à la reprise d’une entreprise : 40 % n’y ont simplement pas songé et 13 % y ont vaguement pensé, sans pour autant aller plus loin.

Près de la moitié des habitants des QPV hors chaîne entrepreneuriale évoque des appréhensions très diverses à créer leur entreprise qui ont trait soit au risque financier pour 28 % (19 % en raison d’un investissement jugé trop élevé ; 14 % en lien avec un revenu insuffisant ou instable), soit des démarches trop complexes pour 11 % ou encore un manque de compétences ou de crédibilité.

Ces freins principaux à la création sont très différents de ceux de la moyenne des Français hors chaîne entrepreneuriale pour lesquels arrivent en tête le poids des responsabilités, le risque d’échec et le manque de revenu. Ils sont donc plus prégnants dans les QPV.

Il existe peu d’écart de comportement entre hommes et femmes dans les QPV lorsqu’ils ne sont pas dans la chaîne entrepreneuriale. Toutefois, les femmes sont plus nombreuses à n’avoir jamais songé à créer ou reprendre une entreprise. De leur côté, les hommes appréhendent davantage la complexité des démarches administratives ou savent moins comment s’y prendre.