Frédéric Bigo : "Le Vivier, un restaurant qui sort gagnant de la crise"

Depuis la fin du premier confinement, on entend beaucoup parler des difficultés à embaucher dans le secteur de la restauration. Est-ce un constat que vous partagez ? 

Frédéric Bigo : Effectivement, les établissements ont du mal à trouver du personnel. Le confinement a éveillé les consciences : les gens veulent une vie en dehors du travail et des niveaux de salaire corrects. Ce que l’on voit aujourd’hui est le résultat d’un problème ancien dans le secteur de la restauration. J’y travaille depuis 20 ans, dans des brasseries comme dans des restaurants gastronomiques ou des relais châteaux. Partout, on constate des salaires trop bas, comparativement à la pénibilité du travail. Sans compter un rythme très soutenu et, trop souvent, un manque de considération du bien-être des équipes. C’est pour ça que, bien avant la crise sanitaire, j’ai toujours fait le choix de bien traiter les personnes qui travaillent avec moi.  

Et cela passe par des salaires plus élevés ?  

FB : Bien sûr. J’ai toujours proposé des salaires largement supérieurs à la moyenne du secteur. Et j’ai décidé, à la sortie du premier confinement, d’augmenter encore le niveau des salaires. Pourtant, la situation était difficile, les systèmes d’aides n’étaient pas encore en place, et j’avais dû vendre ma voiture pour maintenir mon restaurant à flot. Mais augmenter les salaires, c’était évidemment la bonne décision. Vous imaginez sans doute que cela coûte plus cher, qu’il faut en avoir les moyens. Certes, toutefois, mal payer ses équipes, c’est un calcul perdant. Quand vous payez mal, vous avez un fort taux d’absentéisme – ce qui s’explique par le rythme effréné à tenir pendant une saison touristique. Or, quand il manque du personnel, cela signifie que vous servez moins de couverts. Vous avez aussi plus de mal à recruter. 

Vous avez aussi augmenté vos effectifs ? 

FB : Oui à la sortie du confinement, j’ai également augmenté les effectifs, en passant de 18 à 22 personnes. Je ne voulais pas épuiser mes équipes, surtout dans ces moments difficiles. Là encore, le pari a été gagnant, car les terrasses éphémères nous ont fait gagner 60 couverts en plus, et nous étions en capacité de les servir. Vous n’imaginez pas le nombre de restaurateurs qui m’ont appelé car ils n’avaient pas assez de personnel. Ils devaient fermer un jour dans la semaine pour laisser leurs équipes récupérer, alors qu’ils auraient été complets. Outre le manque de respect, tirer les salaires et le nombre de salariés vers le bas n’est pas un bon choix financier.

Y a-t-il d’autres facteurs que le salaire qui expliquent la fidélité de vos équipes, dans un secteur où le turn-over est très important ?  

FB : Vous savez ce qui occupe 80 % du temps d’un gérant de restaurant ? La gestion du personnel. Alors je crois fermement à l’importance d’une bonne relation mutuelle. Votre succès dépend de leur implication, c’est donnant-donnant. Voilà pourquoi je propose aussi un logement gratuit à 11 de mes salariés. Ça me permet de recruter partout en France et d’attirer les meilleurs profils. J’emmène aussi mes équipes une semaine en vacances. Il y a deux ans, nous sommes partis à New-York. Et la semaine prochaine, nous partons au ski. Ces moments ensemble créent un bel esprit d’équipe.  

Ensuite, je pense que tout est une question d’état d’esprit. Comme je le disais, c’est donnant-donnant. Mes équipes ont donné sans compter pendant la saison touristique. Maintenant que les choses se calment, j’ai décidé de ne plus ouvrir le soir, sauf le week-end. Ils terminent donc à 16 heures, mais toujours avec le même salaire.

On voit que votre management porte ses fruits 

FB : Absolument ! Je peux compter sur une équipe fidèle et engagée. Je n’ai pas d’absentéisme ou s’il y en a exceptionnellement, nous avons suffisamment de personnel pour que cela n’impacte pas le service. Même les saisonniers sont fidèles et reviennent année après année ! De même que les stagiaires et étudiants qui travaillent chez nous, ils sont régulièrement augmentés. Résultat, grâce à l’implication de tous, nous avons réalisé une saison exceptionnelle après le premier confinement. Ensuite, j’ai pu profiter de toutes les aides mises en place pour les restaurateurs pendant le deuxième confinement. Et je suis très confiant sur notre capacité à rembourser nos PGE (prêts garantis par l’Etat), justement car je peux m’appuyer sur une équipe efficace et fidèle, et que cela se répercute aussi bien sur notre chiffre d’affaires que sur le ressenti de nos clients.  

Décembre 2021