Entrée en vigueur du brevet européen à effet unitaire : entre intérêts et stratégie

Pouvez-vous décrire le nouveau système du brevet européen à effet unitaire ?

Le nouveau système, entré en vigueur le 1er juin 2023, se compose de deux piliers distincts.

Le premier est le brevet européen à effet unitaire, attendu depuis très longtemps, et dont les premières discussions remontent au début des années 80. Ce nouveau titre de propriété industrielle est un brevet applicable sur le sol européen qui apporte une protection uniforme dans tous les Etats membres européens participants à une coopération renforcée dans un but de simplification et de rationalisation des procédures d’examen et d’application.

Le second pilier est la nouvelle Juridiction unifiée du brevet (JUB) qui centralisera les litiges relatifs aux brevets unitaires et sera également compétente pour traiter les litiges concernant les brevets européens non unitaires.

Quel est l’apport de l’entrée en vigueur du brevet européen à effet unitaire ?

En pratique, le brevet européen à effet unitaire permettra la protection de l’invention via une procédure administrative unique auprès de l’Office européen des brevets (OEB), sur la totalité des territoires – et de manière indivisible – des Etats participants. A ce jour, 17 Etats ont ratifié l’accord relatif à une juridiction unifiée du brevet, dont la France. A terme, la coopération renforcée pourrait compter jusqu’à 27 Etats, soit tous les membres de l’UE. 
Ce nouveau titre de propriété industrielle présente a minima deux intérêts : 

  • Une simplification : il est immédiatement valide auprès des Etats membres ayant ratifié l’accord à partir d’une seule demande déposée auprès de l’OEB. De plus, il ne requiert que le paiement centralisé d’une seule taxe annuelle de renouvellement auprès de l’OEB. 
  • Un gain de coût : la procédure centralisée auprès de la JUB sera moins coûteuse et moins contraignante que devoir mener des procédures devant différentes juridictions nationales. A noter que le brevet à effet unitaire sera moins coûteux qu’un brevet européen sans effet unitaire validé et maintenu dans au moins 4 des États membres participants au système du brevet unitaire.
Le Brevet européen à effet unitaire :
Date d’entrée en vigueur : 1er juin 2023.
Pays participants : 17 Etats membres dont l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, le Danemark, l’Estonie, la Finlande, la France, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, le Portugal, la Slovénie et la Suède.
Organisme de délivrance : Office européen des brevets (OEB). 
Langues officielles de dépôt des demandes de brevet auprès de l’OEB : Anglais, Français et Allemand.
 

Quelles sont les démarches pour obtenir un brevet européen à effet unitaire ?

Le déposant doit, en premier lieu, déposer une demande de brevet européen. L’OEB établira alors une recherche et un examen, conformément aux dispositions de la Convention sur le brevet européen. Dans un délai d’un mois à compter de la délivrance du brevet européen, le titulaire du brevet pourra alors demander l’effet unitaire auprès de l’OEB.

Un titulaire pourra-t-il cumuler en France un brevet français et un brevet européen à effet unitaire pour une même invention ?

C’est possible, à condition que le titulaire paye les annuités du brevet français et du brevet à effet unitaire.

Parmi les changements introduits par la juridiction unifiée du brevet, il est désormais possible, sous certaines conditions, de bénéficier de la protection du brevet européen sans effet unitaire et du brevet français pour une même invention. A cette fin, le titulaire devra :
-    payer les annuités des deux brevets (brevet français et brevet européen désignant la France) ;
-    ne pas déroger à la compétence de la Juridiction unifiée du brevet pour traiter les affaires de contrefaçon et de validité de son brevet européen (en d’autres termes, il ne devra pas demander la dérogation à cette juridiction supranationale, compétente par défaut).

Quels pourraient être les avantages de maintenir les deux titres en vigueur ?

La protection conférée par le brevet à effet unitaire est uniforme et indivisible dans les Etats membres participants. Ainsi, si un brevet à effet unitaire est annulé dans le cadre d’un litige judiciaire du fait d’un usage antérieur, l’annulation s’appliquera à l’ensemble des Etats membres ayant ratifié l’accord relatif à la juridiction unifiée du brevet.
 
A l’inverse, un brevet français ne peut pas être annulé autrement que par la juridiction française. Toute remise en cause d’un brevet étranger ou d’un brevet à effet unitaire n’aura pas d’impact sur la validité de celui-ci. Par conséquent, il peut être intéressant voire stratégique de maintenir les deux brevets en vigueur, d’autant plus si le marché visé est stratégique pour l’entreprise.
 
Enfin, en cas d’existence d’une antériorité pertinente sur un autre territoire, la protection conférée par le brevet français pourra être plus large que la protection conférée par le brevet à effet unitaire. Il est primordial que chaque brevet européen du portefeuille soit examiné au regard de la stratégie commerciale et de l’impact individuel de ces brevets pour l’entreprise.
 
L’entreprise doit faire le point sur ses concurrents, ses marchés stratégiques pour identifier les pays dans lesquels elle veut protéger l’invention. Avant la fin du délai de priorité, elle devra choisir les pays d’extension de son brevet national. Le choix de l’outil juridique adapté entre brevet européen "classique" et brevet européen à effet unitaire interviendra au moment de la délivrance du titre par l’OEB. 
La décision de l’entreprise doit notamment prendre en compte la couverture géographique, les brevets clés de la concurrence et l’écosystème concurrentiel.

Qu’est-ce que la priorité d’un brevet ?

En premier lieu, la priorité doit être revendiquée. En second lieu, la demande de brevet qui veut bénéficier d’une priorité doit être déposée dans le délai de 12 mois à compter du dépôt de la demande de brevet dont la priorité est revendiquée.

Si la priorité est valablement revendiquée pour une seconde demande de brevet, elle a pour effet de faire rétroagir les conditions de sa brevetabilité au jour du dépôt de la première demande dont la priorité est revendiquée.

Les PME françaises peuvent-elles bénéficier d’aides de l’Etat pour protéger leur propriété industrielle et déposer des brevets ?

Pour les dépôts et demandes de brevet français (devant l’Inpi) :
- Une réduction de 50 % sur les principales redevances de procédure pour les personnes physiques, les organismes à but non lucratif (OBNL) du secteur de l’enseignement ou de la recherche, et les entreprises de moins de 1 000 salariés dont le capital n’est pas détenu à plus de 25 % par une entité ne remplissant pas ces conditions ;
- Les taxes de dépôt et de maintien en vigueur sont inférieures à 40 € les 5 premières années (avec une réduction de 50% pour les déposants cités ci-dessus) pour un niveau de qualité équivalent à celui de l’OEB.

En outre, les PME françaises de moins de 250 salariés et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions d'euros ou un total de bilan n'excédant pas 43 millions d'euros peuvent également bénéficier :
- de l’accompagnement gratuit par un chargé d’affaire de l’Inpi, et
- d’un co-financement par l’Inpi, sous certaines conditions, des honoraires du Conseil en propriété industrielle pour la rédaction et le dépôt d’une demande française. 

Quel est l’intérêt de la mise en place de la JUB ?

Avant le 1er juin 2023, les litiges judiciaires concernant les brevets européens étaient exclusivement traités par les juridictions nationales compétentes selon les dispositions législatives, réglementaires ou jurisprudentielles propres à chacune. 

La mise en place de la JUB permet d’éviter aux titulaires de brevets de mener des procédures dans chaque Etat où une contrefaçon est constatée. Les premières décisions de la JUB sont très attendues et il ne serait pas étonnant que des pratiques nationales influencent les interprétations du droit. 
 

Septembre 2023