La France, un terreau fertile pour l'entrepreneuriat

L’édition 2021 de l’Indice Entrepreneurial Français (IEF) se place sous le signe de la résilience et révèle qu’en dépit d’un contexte a priori peu favorable, la tendance en France est résolument à l’engagement entrepreneurial.

Cet IEF 2021 est fondé sur une enquête nationale menée par Ifop pour le compte de l’Observatoire de la création d’entreprise de Bpifrance Création auprès de 5 500 personnes représentatives de la population résidant en France et de ses Quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

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Cette édition 2021 de l’IEF illustre l’optimisme et la résilience des Français en matière entrepreneuriale face aux aléas conjoncturels et montre qu’il est possible de s’accomplir en France en créant ou en reprenant une entreprise. L’entrepreneuriat peut s’imposer comme une réponse à la fois au souhait d’émancipation et d’épanouissement professionnels des Français, et aux urgences sociétales et économiques de notre temps.

Même si la crise a marqué les esprits, l’envie d’entreprendre reste fermement ancrée dans l’esprit des Français : 30 % de la population participe à la chaîne entrepreneuriale en 2021. Une situation qui résiste pleinement à la dégradation de la conjoncture économique de 2020 en demeurant au même niveau qu’en 2018. D’ailleurs, plus d’1 Français sur 10 se déclare chef d’entreprise, une proportion constante par rapport à 2018 ; la part des ex-chefs d’entreprise est également fixe en dépit de la récession économique subie en 2020, ce qui montre qu’il y a eu peu de transfert d’une catégorie à l’autre. La forte augmentation des porteurs de projet (à 11 %) souligne bien, quant à elle, la vitalité du vivier entrepreneurial.

IEF 2021 - Indice Global

En parallèle, si 1 Français sur 5 se dit affecté professionnellement par la crise sanitaire, ils sont toutefois 20 % à envisager de lancer leur propre entreprise – la crise galvanisant une envie d’indépendance déjà présente. La baisse des intentionnistes, à laquelle s’ajoute la forte hausse des porteurs de projet, montre d’ailleurs que beaucoup de Français ont franchi le pas entre 2018 et 2021. La crise a, en outre, eu un impact positif sur une large part des intentionnistes et porteurs de projet : avec davantage de temps pour réfléchir à leur projet ou pour explorer de nouvelles opportunités de création, de reprise (en augmentation à cause de la crise), ou d’innovation, bon nombre de Français ont pu profiter de cette « pause » pour se jeter à l’eau.

Qu’elles soient subies ou volontaires, les cessations d’activité présentent des origines hétérogènes, bien que 4 ex-chefs d’entreprise sur 10 établissent un lien de cause à effet direct avec la pandémie. Un constat équilibré par le fait que 4 chefs d’entreprise sur 10 disent avoir repris une entreprise dans le cadre d’une procédure collective liée à la crise sanitaire.


Un cinquième des Français qui ont entrepris des démarches de création dans les douze derniers mois déclarent que la pandémie a coupé court à leur projet, et autant l’ont mis en suspens ou reporté à une échéance de 6 à 24 mois majoritairement.


Un cinquième des interviewés déclare que la crise sanitaire a changé leur situation professionnelle – mais pas forcément en mal...


La situation est stable du côté des chefs d’entreprises : leur proportion au sein de la population (13 %) n’a pas évolué par rapport à 2018, en dépit de la récession de 2020. Les trois quarts se disent impactés par la crise, mais pas nécessairement de manière négative. En effet, 24 % témoignent de difficultés liées à la gestion de leur entreprise (distanciation, arrêt de l’activité), mais au total 36 % concèdent avoir profité de cette situation pour réfléchir à leur vision des choses et à l’évolution de leur stratégie (20 %), pour travailler sur l’entreprise (18 %), ou encore pour proposer de nouveaux produits ou services (17 %).

 

IEF 2021 - Impact Pandémie

 

À l’autre extrémité de la chaîne entrepreneuriale, les intentionnistes dont la réflexion a été positivement affectée par la crise sanitaire sont aussi nombreux que ceux qui ont subi son impact négatif (41 % de part et d’autre). Ils sont 21 % à estimer que l’atmosphère d’instabilité induite par la crise n’a pas été pas propice au développement de leur projet tandis que 18 % jugent qu’elle a renforcé leur intention de créer ou de reprendre une entreprise ; 17 % des intentionnistes ont quant à eux fait mûrir leur projet au cours de cette période. Enfin, un quart d’entre eux assure que la pandémie n’a pas eu d’incidence sur leurs intentions entrepreneuriales – un chiffre très élevé par rapport aux porteurs de projet (3 %). Dans les Quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), près de la moitié des intentionnistes disent ne pas avoir changé leur projet de création-reprise.

Les motivations des acteurs de la chaîne entrepreneuriale sont en mutation et se posent en reflet des besoins de la société. Contrairement à certaines idées reçues, la priorité n’est pas d’augmenter ses revenus, mais plutôt de s’émanciper en devenant son propre patron, de s’épanouir en réalisant ses rêves, en affrontant de nouveaux défis, ou encore en se lançant dans une activité alignée sur ses valeurs : plus de la moitié des porteurs de projet, deux tiers des chefs d’entreprise et encore plus d’intentionnistes citent l’innovation et l’inscription dans une démarche environnementale comme des sujets qui leur tiennent particulièrement à cœur. De manière générale, si la plupart des acteurs de la chaîne entrepreneuriale sont conscients des enjeux de développement durable, ils sont moins attentifs à la numérisation ou à l’internationalisation comme axes de développement stratégique pour leur entreprise. Est-ce à dire que l’usage du digital est aujourd’hui devenu un aspect incontournable du modèle d’affaires pour les nouvelles générations de créateurs ?

Chez les chefs d’entreprises, si le niveau de revenu jugé insuffisant ou trop instable (24 %) constitue la principale difficulté rencontrée lors du lancement du projet, c’est la volonté d’être son propre patron (24 %) qui se place au cœur des motivations, l’augmentation des revenus ou du capital arrivant en deuxième position (22 %), voire en cinquième position chez les femmes (18 %).

Quant aux porteurs de projet, 22 % souhaitent réaliser un rêve et 20 % affronter de nouveaux défis, bien que les préoccupations d’ordre matériel demeurent pour 17 % d’entre eux. À noter que les femmes se distinguent par une volonté particulièrement forte de réaliser un rêve (31 % contre 17 % chez les hommes), un moteur aussi puissant que chez les cheffes d’entreprise (26 % contre 17 %).

Pour les intentionnistes, la plus grande motivation est celle d’être son propre patron (38 %) ; vient ensuite la réalisation de rêves (34 %, et jusqu’à 38 % dans les QPV). Ces objectifs sont donc encore plus prononcés que pour les maillons avancés de la chaîne entrepreneuriale. Ils sont également nombreux à souhaiter un changement : soit en affrontant de nouveaux défis (22 %) soit en faisant le choix d’une reconversion professionnelle (21 %). Les intentionnistes des QPV se distinguent par une volonté nettement plus marquée de créer leur propre emploi ou celui de leurs proches (34 % pour 13 % de l’ensemble des intentionnistes). D’ailleurs, par rapport à la population totale, les habitants des QPV voient davantage dans l’entrepreneuriat une porte de sortie face au chômage ainsi qu’une alternative au salariat.

IEF 2021 - Indice global Motivations

Les Français semblent davantage à l’aise avec l’idée de créer leur entreprise. Si 20% des chefs d’entreprise disent ne pas rencontrer de difficulté particulière à développer leur activité, 25 % des intentionnistes trouvent les démarches administratives trop pesantes. Un chiffre qu’il est intéressant de mettre en résonance avec le ressenti des chefs d’entreprise, qui sont seulement 16 % à relever des contraintes administratives – laissant deviner une réalité moins complexe que de prime abord. Toutefois, cette défiance envers la création d’entreprise s’amenuise à mesure que les Français baignent dans une culture entrepreneuriale, ou sont proches d’un environnement entrepreneurial. La volonté d’entreprendre est en effet fortement influencée par une sensibilité à cet écosystème : lorsque l’exposition entrepreneuriale est faible, la création d’entreprise s'impose moins comme un choix de carrière, alors que côtoyer des chefs d’entreprise permet de se dire : « pourquoi pas moi ? ».

IEF 2021 Indice Global Carrière

Les porteurs de projet craignent avant tout un revenu insuffisant ou trop instable et un investissement à réaliser trop important (17 % pour les deux motifs) ; 14 % redoutent un manque de crédibilité, et autant un manque d’appui ou d’accompagnement ; 13 % appréhendent un potentiel impact sur leur vie personnelle, et autant des responsabilités et un stress excessifs. Le risque d’échec trop important est vecteur de peur chez 13 % des porteurs de projet, particulièrement chez les femmes (18 % contre 10 % des hommes). À noter cependant que 14 % ne font état d’aucune crainte en particulier.

IEF 2021 Indice Global Craintes

 

La perspective d’un revenu instable ou insuffisant arrive également en tête chez les intentionnistes (31 %) et demeure persistante chez les chefs d’entreprise jusqu’à deux ans après la création/reprise de leur entreprise. Pour les intentionnistes, cette crainte s’expliquerait par des ressources financières plus ténues. En second lieu, des craintes se dessinent chez les intentionnistes plus vivement que chez les porteurs de projet et chefs d’entreprise, même si elles sont beaucoup moins saillantes dans les QPV. En effet, les intentionnistes jugent le risque d’échec trop important (à hauteur de 26 % mais seulement 14 % en QPV), les démarches administratives trop complexes (25 % mais 15 % en QPV) et les responsabilités ou le stress trop élevés (23 % contre 8 % en QPV). En général, les intentionnistes des QPV sont moins craintifs face à l’entrepreneuriat (20 % déclarent n’avoir aucune crainte, contre 11 % au niveau national). Quant aux intentionnistes femmes, elles soulignent davantage la crainte d’avoir trop de responsabilités ou de stress (29 % contre 16 % chez les hommes) tout comme elles redoutent le manque d’appui ou d’accompagnement par des professionnels lors du montage du projet (11 % contre 6 % de leurs homologues masculins).

 

Parmi les Français en dehors de la chaîne entrepreneuriale, la crainte de manquer de financement est moins forte que pour ceux inscrits dans la chaîne entrepreneuriale, bien qu’elle reste le frein majoritaire dans les Quartiers prioritaires de la politique de la ville. Par ailleurs, le rapport à l’échec des Français évolue aussi dans le bon sens : plus ils sont proches de l’entrepreneuriat, moins ils sont susceptibles de stigmatiser ceux qui essuient des revers. Au sein de la chaîne entrepreneuriale, 80 % des maillons estiment que l’échec fait partie de l’aventure ; en dehors de cette chaîne, ils ne sont plus que 67 % à considérer qu’échouer constitue une expérience utile.

IEF 2021 Indice global Freins

La plupart des personnes en dehors de la chaîne entrepreneuriale ne font état d’aucun frein par rapport à un projet de création/reprise d’activité : 29 % n’y ont tout simplement pas songé et une même proportion y a pensé, mais sans aller plus loin. Les autres (42 %) évoquent des appréhensions très diverses, relatives au risque financier (17 %, dont 9 % en lien avec le niveau d’investissement à réaliser et 10 % en rapport avec la crainte d’un revenu insuffisant ou instable) ou à la complexité du projet (14 %).

Le risque financier est également davantage une préoccupation pour les habitants des QPV (28 %), notamment en matière d’investissement de départ (19 %), tout comme la complexité du projet (22 %) et le manque d’expérience (17 % contre 9 % pour l’ensemble du territoire).