Portrait
Quand il évoque sa rencontre avec les huit étudiants des grandes écoles qui ont défrayé la chronique en mai dernier lorsqu’ils ont « saboté » la cérémonie de remise de leurs diplômes en dénonçant les plans de carrière écocidaires et dénués de sens promis aux jeunes diplômés par le marché du travail, le tout relayé par une vidéo sensation, Stéphane Foliard aborde un sujet qui lui tient visiblement à cœur.
« Ce mouvement de désertion, ça m’interpelle », explique l’enseignant-chercheur, vice-président de l’université Jean Monnet de Saint-Etienne, en charge de l’entrepreneuriat et de la formation continue, qui constate, au contact avec ses étudiants, que « la question du sens devient omniprésente ».
Le virage a été rapide : « Il y a 5 ou 6 ans, la moitié de la salle de cours était remplie de jeunes qui voulaient devenir Elon Musk, tandis que maintenant il doit y en avoir un ou deux tout au plus ». L’époque n’est plus la même, pour une génération dont le rapport au travail et à la consommation s’est construite alors que des films brûlots comme Fight club ou 99 francs étaient déjà de vieux classiques. Si le salariat ne fait plus rêver à l’ère de la société de consommation de masse et des bullshit jobs dénoncés par l’anthropologue David Graeber, pas étonnant de relever, comme le fait Stéphane Foliard, que « de plus en plus d’étudiants s’engagent dans des projets à impact, pour changer le monde, en quelque sorte ».
Des créations pour bifurquer utilement
Face à ce moule vide de sens dans lequel le salarié est invité à se fondre, Stéphane redoute la tentation de « basculer dans la lutte, pour casser le moule », préférant équiper les jeunes pour parvenir à « déformer le moule ». Cela peut passer par le fait de monter des communautés, des collectifs, ou « une épicerie solidaire, comme des étudiants sur le campus de Roanne l’ont justement fait, avec un franc succès », se réjouit Stéphane.
Car c’est là, à l’IUT de Roanne, où il a créé le Campus des entrepreneurs, que Stéphane tire des leçons sur les bonnes pratiques pédagogiques en matière d’entrepreneuriat.
Ancien banquier, Stéphane continue ainsi de rencontrer des porteurs de projet, et d’entretenir ses connaissances de plusieurs domaines d’activités. En passant de l’agence bancaire à l’établissement d’enseignement supérieur, Stéphane est également devenu membre du comité scientifique de la revue Entreprendre et innover, référence pour le partage des pratiques pédagogiques innovantes et qui a fait du dialogue entre praticiens et chercheurs sa véritable raison d'être.
Car dans le champ de ces pratiques d’accompagnement, les ajustements se font continuellement : « On a remarqué que les étudiants risquent de s’enfermer dans ce qu’ils maîtrisent déjà, surtout quand le temps vient à manquer, or l’objectif c’est d’apprendre à être entrepreneur en observant les autres ». Cet apprentissage vicariant permet aux étudiants de développer des compétences, en donnant à chacun un cadre pour expérimenter et sortir de sa spécialité, inspiré par celles des pairs et des membres de l'écosystème.
Former à l'entrepreneuriat... sans le dire
Reste que pour promouvoir ces méthodes pédagogiques par projet et en groupe, et précisément à des jeunes animés de projets alternatifs, il n’est pas toujours simple d’employer le mot entrepreneuriat. « C’est un terme que je n’utilise pas dans certains contextes, dans certaines facultés car il est fortement connoté », confirme Stéphane, pour qui le salut passe par l’accompagnement à la réalisation de projets, l’organisation d’expositions, de festivals, etc.
La connotation capitaliste accolée au mot entrepreneuriat occulte le large éventail des projets, « des associations aux coopératives en passant par les collectifs d’entrepreneurs les plus horizontaux », s’enthousiasme Stéphane, au point que la démarche connaît plus de succès que le terme qui la désigne. De quoi rappeler que derrière ce mouvement dit de bifurcation, une génération de porteurs de projet est aussi (surtout ?) en quête d’un imaginaire alternatif.
Stéphane Foliard fait partie des intervenants de l'édition 2024 des JOPPE (Journées des pratiques pédagogiques en entrepreneuriat) organisées à Angers les 7 et 8 novembre