Focus - 10 ans de création d'entreprise en France - L'essentiel

L’écosystème de la création d’entreprise en France a forgé sur la dernière décennie les conditions d’un accroissement naturel du vivier d’entreprises qui se traduit par un nouveau record de créations chaque année. Ce dynamisme tire sa force de 3 facteurs : il s’alimente des énergies entrepreneuriales en provenance de tous les territoires, même les plus reculés, même les plus fragiles. Il est résilient, même face à l’imprévu d’une crise sanitaire. Et il fait preuve d’une grande plasticité pour tirer le meilleur parti des transformations sociétales à l’œuvre. Mais rien ne serait possible sans cette appétence croissante des Français pour l’entrepreneuriat, à l’origine de tout… et stimulée en tant que de besoin par un coup de pouce des politiques publiques !

 

 

La dynamique entrepreneuriale française : du simple au double en dix ans

Entre 2012 et 2022, plus de 8 millions d’entreprises ont vu le jour en France, 8,2 M exactement. La barre du million de créations est dépassée en 2021 et en 2022 ; un niveau presque deux fois plus élevé qu’en 2012 et 2013

C’est le résultat d’une dynamique entrepreneuriale en hausse sur l’ensemble de la période (+ 7 % en moyenne par an de 2012 à 2022), qui connaît un vrai décollage à partir de 2016 (+ 2 % en moyenne par an de 2012 à 2016 puis + 10 % par an de 2016 à 2022). Dès lors, un nouveau record de créations d’entreprises est atteint chaque année – y compris en 2020, année de la pandémie de Coronavirus – porté à la fois par des réformes réglementaires et juridiques en faveur de l’entrepreneuriat [1] , une conjoncture économique propice, mais également une prédisposition plus favorable des Français à l’égard de l’entrepreneuriat [2]. 

La création d’entreprise par statut juridique en France, 2012-2022

Champ : France entière, unités légales productives et marchandes, exerçant une activité non agricole (données brutes).
Source : Insee (Sirene). Traitements Observatoire de la création d’entreprise

 


[1] Voir les Annexes 1 et 2.
[2] L’Indice entrepreneurial français (IEF), qui mesure, tous les deux ans, l’appétence des Français à entreprendre à partir d’une enquête nationale menée par l’Ifop pour le compte de Bpifrance Création, montre que, malgré une baisse de la part des intentionnistes sur la période 2016-2021, la part des porteurs de projet progresse (Annexe 3). Par ailleurs, d’après le Global Entrepreneurship Monitor, la part des Français percevant des opportunités entrepreneuriales (dans les six mois à venir dans leur région) est également en hausse, tandis que de plus en plus de Français voient l’entrepreneuriat comme un bon choix de carrière (Annexe 5) ; un résultat également observé dans l’IEF 2021 : un quart des Français jugent que travailler à son compte ou avoir sa propre entreprise est le choix de carrière le plus intéressant (Annexe 4).

Un « accroissement naturel » du stock d’entreprises

Sur la décennie 2012-2022, le nombre annuel d’immatriculations d’entreprises dépasse régulièrement le nombre de radiations, se concrétisant par un « accroissement naturel » du stock d’entreprises. Ainsi, le stock d’entreprises en France progresse sur la période, traduction concrète de l’effet vertueux de l’adhésion croissante des Français pour la carrière d’entrepreneur et du récidivisme entrepreneurial des dirigeants d’entreprise [3].

Le registre des entreprises et des établissements de l’Insee recense 5,9 M d’immatriculations d’entreprises individuelles (y compris les micro-entrepreneurs) de 2012 à 2022. En tenant compte des taux de pérennité, le nombre d’entreprises radiées est estimé à 3,6 M. La création nette s’élèverait alors à 2,2 M d’entreprises individuelles. Sur cette période, les greffes des tribunaux de commerce recensent 2 M de nouvelles sociétés [4] pour 1,5 M de radiations, soit 545 000 sociétés de plus en dix ans. La France compte ainsi 2,8 M d’entreprises de plus en 2022 par rapport à 2012, soit un solde de 250 000 créations nettes par an en moyenne [5]. Ce « solde naturel » s’est stabilisé sur les six dernières années, entre 200 000 et 250 000, traduisant une similitude (naturelle ou corrigée) de sensibilité des créations et des radiations d’entreprises.

Estimation de la création d’entreprise nette, 2012-2022

Champ : France entière, unités légales productives et marchandes, exerçant une activité non agricole (données brutes).
Sources : Insee (Sirene) ; Greffes des tribunaux de commerce. Traitements Observatoire de la création d’entreprise.

 

Estimer la création d’entreprise nette des radiations
Deux sources sont utilisées pour estimer le solde de créations d’entreprises net des radiations :
-    Les données d’immatriculations et de radiations de sociétés mises à disposition par les greffes des tribunaux de commerce, qui permettent de connaître le solde net de créations de sociétés en France, après retrait des sociétés qui ne sont pas localisées sur le territoire.
-    Pour les entreprises individuelles classiques et les micro-entrepreneurs, à défaut de connaître les radiations par année, l’estimation est faite à partir des taux de pérennité issus de l’enquête Sine de l’Insee. Chaque année, la cohorte d’entreprises créées est ainsi diminuée selon le taux de pérennité de l’année en cours et est ajoutée aux soldes des années suivantes. 

Pour en savoir plus : consulter les jeux de données du site des greffes des tribunaux de commerce pour les données relatives aux sociétés et les résultats de l’enquête Sine pour le taux pérennité des entreprises individuelles et celui des micro-entrepreneurs.

[3] D’après l’IEF 2021, 3 chefs d’entreprise sur 10 étaient déjà des indépendants ou à leur compte avant de créer leur dernière entreprise et 1 sur 2 porte un projet de création en parallèle de diriger une ou plusieurs entreprises en activité. D’après les données sur les créateurs de la génération 2018 (INSEE, Sine), ce comportement est peu fréquent chez les micro-entrepreneurs (6 %).
[4] L’évolution du stock d’entreprises, qui est passé de 4,5 M d’unités légales en 2012 à 6,5 M en 2020 (tel que recensé par l’Insee), semble confirmer cette estimation. Ce chiffre est sensiblement différent des 2,3 M du registre des entreprises et des établissements (INSEE, REE), qui permet d’obtenir 8,2 M d’immatriculations en dix ans. Pour en savoir plus, voir la méthodologie.
[5] Voir l’Annexe 7.

 

Un engouement fort pour le régime du micro-entrepreneur en raison de la facilité à créer, mais une pérennité nettement moins élevée

La forte croissance de la dynamique entrepreneuriale des dix dernières années, et notamment l’accélération à partir de 2016, s’explique en grande partie par le succès grandissant du régime du micro-entrepreneur, mis en place en 2009 : il concerne 6 entreprises créées sur 10 en 2022 pour 47 % en 2016. La création sous ce régime, en berne de 2012 à 2016 (- 2 % en moyenne par an), a connu un réel essor à partir de 2016 (+ 15 % en moyenne par an jusqu’en 2022).

Le porteur de projet français moyen est aujourd’hui davantage micro-entrepreneurial. La popularité croissante de ce régime s’explique par la facilité administrative et fiscale qu’il offre, permettant ainsi une concrétisation de projets qui n’existeraient pas dans un autre cadre juridique. Choix privilégié notamment pour de petits projets ou pour tester une nouvelle idée, ce régime du micro-entrepreneur l’est davantage encore chez les étudiants et les retraités qui cherchent un revenu de complément, mais également chez les femmes dont la nature des activités s’accorde particulièrement bien avec (voir infra).
 
Un effet de transfert s’est opéré au détriment des entreprises individuelles classiques moins prisées : leur part a été divisée par deux en dix ans (1 création sur 10 en 2022 contre 2 sur 10 en 2012), tandis que celle des sociétés est restée constante sur la période à 3 créations sur 10, alors même que leur nombre total est de plus en plus important (163 000 en 2012, 293 000 dix ans plus tard). Là aussi, un transfert significatif s’est opéré au profit des SAS, qui comptent désormais pour 64 % des sociétés (19 % en 2012), les SARL reculant à 26 % (72 % dix ans plus tôt). Les sociétés maintiennent ainsi leur position de pilier de la dynamique entrepreneuriale : + 5 % par an en moyenne de 2012 à 2016, puis + 7 % jusqu’en 2022. Un point positif au regard de leur pérennité et de leurs performances économiques et sociales plus élevées par rapport aux formes individuelles de création d’entreprise : 7 sociétés sur 10 sont encore actives à 5 ans pour 1 entreprise individuelle classique sur 2.

Avec des taux de pérennité et des taux de démarrage largement inférieurs à ceux des entreprises classiques, respectivement 66 % vs 100 % et 22 % à 5 ans vs 61 %, et des motivations à créer significativement différentes, les projets des micro-entrepreneurs se distinguent nettement par leur envergure et leur potentiel de création d’emploi et de valeur ajoutée beaucoup plus limités [6] . Néanmoins, ces projets micro-entrepreneuriaux permettent, pour certains, d’amorcer un projet grâce à une première expérience entrepreneuriale : en 2017, parmi les 150 000 micro-entrepreneurs qui ont quitté ce statut, près de 1 sur 10 (7,3 %) a poursuivi une activité en tant qu’entrepreneur individuel classique ou en tant que gérant majoritaire de société. Il convient aussi de souligner les risques de ce type d’entrepreneuriat qui, dans certains secteurs, tend à effacer la frontière entre salariat et entrepreneuriat, engendrant parfois des situations précaires : la moitié des micro-entrepreneurs en 2017 percevait moins de 290 euros par mois pour leur activité « non salariée » (principale et complémentaire confondues) [7]. 


[6] Voir l’Annexe 6 pour les résultats de l’enquête Sine. 
 [7] INSEE. « Emploi et revenus des indépendants, édition 2020 », Insee Références, avril 2020

Des dynamiques sectorielles cycliques, mais en hausse tendancielle bien que bousculées par les transformations sociétales actuelles

La création d’entreprise a augmenté dans tous les secteurs depuis 2012, mais moins dans la construction et le commerce, où le nombre d’immatriculations d’entreprises n’a augmenté en dix ans que de + 14 % et + 30 % respectivement.

Cette dynamique entrepreneuriale concerne surtout les activités de services : + 154 % dans la finance et l’immobilier sur la période, + 136 % dans les activités scientifiques et techniques, + 139 % dans les activités de soutien aux entreprises, + 120 % dans l’information et communication et + 107 % dans les services en direction des personnes.

Pour le secteur transports et entreposage, il faut davantage parler d’hyper-croissance, avec une ruée des porteurs de projet, d’abord vers les activités de transports de voyageurs par taxis (y compris les VTC) de 2013 à 2016, puis vers les autres activités de poste et de courrier (services de livraison à domicile ou sur le lieu de travail, coursiers urbains, taxis-marchandises…) de 2015 à 2021. Ce phénomène qui démarre avant les confinements, persiste post-crise, traduisant une des transformations sociétales en cours, celle en lien avec les pratiques d’achat des Français (voir infra).

Évolution de la création d’entreprise par secteur d’activité, 2012-2022

Note de lecture : l’évolution du rythme de création d’entreprise se lit sur l’axe de gauche pour tous les secteurs, à l’exception des transports et entreposage dont les niveaux très élevés se lisent sur l’axe de droite.
Lecture :  en France, la création d’entreprise dans l’industrie a augmenté de + 123 % entre 2012 et 2022 (axe de gauche).

Champ : France entière, unités légales productives et marchandes, exerçant une activité non agricole (données brutes).
Source : Insee (Sirene). Traitements Observatoire de la création d’entreprise.

À un niveau sectoriel plus fin, force est de constater que la dynamique entrepreneuriale est fortement cyclique, car potentiellement plus sensibles à la conjoncture économique ou sanitaire (effet d’opportunisme), mais aussi impulsée par les grandes transformations sociétales actuelles ou des évolutions législatives et réglementaires. Ainsi, sur les dix dernières années, seulement dix activités suffisent à expliquer 61 % de l’évolution globale de la création d’entreprise en France :

  • La vente à domicile et la vente à distance, avec le développement du commerce en ligne.
  • Les transports de voyageurs par taxis (y compris les VTC), puis les autres activités de poste et de courrier avec l’essor des plateformes d’intermédiation en ligne.
  • Les autres services personnels sur fond de regain d’intérêt pour les médecines douces et les services à la personne (SAP).
  • Le conseil pour les affaires et autres conseils de gestion, le nettoyage courant des bâtiments et le conseil en relations publiques et communication dans le sillage des services aux entreprises et du B2B.  La production d'électricité, avec les incitations réglementaires récentes.

Les dix plus fortes contributions sectorielles à l’évolution de la création d’entreprise, 2013-2022