Portrait d'une fratrie de jeunes entrepreneurs
Collégienne et lycéen le jour ; entrepreneurs préparant leur prochaine prise de parole en plateau TV ou sur l’estrade d’un raout entrepreneurial après les cours : Abdallah et Allyah Semiai forment une fratrie étonnante. C’est presque une double vie, un grand écart entre le monde des adultes et celui des ados, que leur quotidien.
Ils n’ont pas 30 ans à eux deux, mais comptent déjà à leur actif une conférence TedX chacun et un début de parcours entrepreneurial. Un CV impressionnant à respectivement 15 et 14 ans, dont sont loin de se douter leurs camarades de classe : « Je n’ai pas envie de passer pour quelqu’un qui se la raconte », se justifie d’une voix posée mais discrète Allyah, quand son frère Abdallah évacue d’emblée l’hypothèse : « Je pense que les autres lycéens n’en auraient que faire, et puis tout cela n’a pas sa place à l’école ».
Dans ce tout cela, on trouve notamment un prix Margaret Junior remporté par Allyah pour son projet d’application web Kid Share, qui vise à lutter contre le harcèlement scolaire, et pour lequel elle vient d’obtenir un accompagnement par des étudiants de l’école 42 ; et pour Abdallah un club d’art oratoire créé dans son collège, avec là aussi un projet de site web pour aider les jeunes à acquérir cette aisance oratoire qui lui semble si précieuse : « je pense que tout le monde devrait avoir ces compétences », plaide-t-il.
Le jeu comme porte d'entrée vers la gestion de projet
Pour donner corps à leurs projets, les deux ados se conseillent et se soutiennent, « comme des associés » ; et ils apprennent à développer des sites web après les devoirs, ce sans s’aider des systèmes de gestion de contenus qui faciliteraient le travail : « On veut faire nous-même », explique sur le ton de l’évidence Abdallah. Dopés à la curiosité, les Semiai apprennent en jouant : là où d’autres simulent le négoce en jouant à la marchande, Abdallah et Allyah ont poussé le jeu à un niveau supérieur, dès l’été 2016 (ils avaient respectivement 9 et 8 ans), en vendant des glaces au voisinage. Des glaces faites maison, et écoulées à force de réunions marketing, organisées de la manière la plus professionnelle possible. Gestion, arithmétique, prise de parole en public… les compétences acquises transforment les enfants : « Cela m’a permis d’être plus à l’aise pour m’exprimer avec des gens, mais aussi pour compter la monnaie », résume Allyah.
Derrière ces jeux si intelligemment organisés, se dresse une éminence grise : leur mère. Créatrice de plusieurs sociétés, en reconversion professionnelle, elle suit des cours à l’école 42. Un bagage entrepreneurial et un pied dans un écosystème qui sont indéniablement des atouts… mais qui ne font pas tout.
Un rôle clé d'accompagnement bienveillant
« Lorsque j’ai été confrontée au harcèlement scolaire, ma mère m’a soutenu par de nombreux conseils sur les réactions à apporter », se rappelle Allyah, qui a su ensuite transformer cette épreuve en projet prometteur. Dans la famille Semiai, ce sont autant des liens familiaux forts qu’une curiosité encouragée avec bienveillance qui alimentent des expérimentations entrepreneuriales en commun. « Avec leur père, nous ne sommes qu’un accompagnement, on a pour seul but de développer leur soft skills et de leur donner confiance dans leur capacité d’agir », insiste la maman des deux apprentis entrepreneurs. « Tout le mérite leur revient », souligne-t-elle, comme un mentor pourrait le faire pour ses mentorés.
De quoi donner une idée de l’approche éducative derrière l’essor de cette fibre entrepreneuriale si précoce, dont a bien conscience Abdallah : « je pense que c’est l’éducation qui fait de nous qui nous sommes », comme un mentoré reconnaissant pourrait le dire.
De quoi mettre sur une bonne voie Abdallah et Allyah, pour qui le jeu et la curiosité restent les principaux moteurs de leurs projets.
Abdallah et Allyah Semiai étaient aux Journées des pratiques pédagogiques en entrepreneuriat organisées le 1er et le 2 décembre par Bpifrance, à Paris.