Portrait
Installée en France depuis ses 24 ans, Noreen O’Shea se définit volontiers comme une Irlandaise de l’extérieur : plus à l’aise dans la culture française, loin des pesanteurs conservatrices d’un pays plongé dans un catholicisme étriqué, mais revendiquant malgré tout son identité ; elle jure même qu’elle pourrait enseigner le jig, la danse traditionnelle du pays de James Joyce.
Son mantra ? « Il faut qu’il y ait une cohérence entre la personne que je suis et ce que je fais ». Alors plutôt que le jig, c’est sur l’entrepreneuriat qu’elle planche en France, en tant que professeur émérite à l’ESCP Business School, car elle souhaite lutter contre les croyances limitantes chez les jeunes, comme l’expatriation lui avait élargi ses horizons.
Sa carrière d’enseignante-chercheuse a débuté sur le tard, vers la cinquantaine, loin du parcours structuré à la française, mais alimenté par une « soif de connaissances » qui n’a d’égal que son aspiration pour une égalité des chances réelle.
Élargir le champ du possible chez les moins favorisés
Car la devise « Liberté égalité fraternité » lui semble manquer de réalité : après avoir créé une société d’enseignement de l’anglais pour les jeunes afin de leur donner des chances de s’insérer sur le marché du travail, elle a rejoint l’école Advancia (fusionnée ensuite dans Novancia). « A l’époque, on avait un vrai projet de société », se rappelle-t-elle, évoquant des « programmes pour faire venir des jeunes de milieux défavorisés ».
Marier l’égalité par l’éducation à la démarche entrepreneuriale est toute sauf une contradiction pour elle, qui invoque aussi bien le sociologue américain Mark Granovetter, connu pour ses travaux sur les liens forts et faibles, que le français Pierre Bourdieu, pour son concept de capital social : « J’invite les jeunes à identifier les ressources qu’ils possèdent déjà, et à entrevoir à partir de là la gestion de leurs liens forts et faibles, comment maintenir et entretenir ce réseau », explique-t-elle.
Transmettre une démarche de co-construction
Aux jeunes, elle tente de leur apprendre le sens du réseautage : « identifier des contacts, comprendre les règles du réseautage, adopter une démarche de co-construction, en se demandant ce qu’on peut apporter à l’autre » guident ses enseignements.
Aux moins jeunes, elle tâche de partager ses découvertes, en vulgarisant les résultats de la recherche en entrepreneuriat, dans le cadre de ses fonctions de membre du comité éditorial de la revue Entreprendre et innover : « Les grands mots sont inutiles », tranche-t-elle, convaincue qu’il « faut être praticien et ne pas rester dans notre tour d’ivoire de chercheur ».
Derrière cette œuvre, toujours, l’envie de permettre à chacun de se réaliser pleinement. A l’image de ce qu’écrivait l’écrivain irlandais Oscar Wilde : « Le but de la vie est le développement personnel. Parvenir à une parfaite réalisation de sa nature, c'est pour cela que nous sommes tous ici. »
Noreen O'Shea est intervenue aux Journées des pratiques pédagogiques en entrepreneuriat organisées le 1er et le 2 décembre par Bpifrance, à Paris.