Cédric Favier : les fondamentaux pour une start-up deeptech !

Quelle est la place du dirigeant dans une start-up deeptech en croissance ?

Une accélération, cela se prépare ! Les entrepreneurs de la deeptech sont souvent des primo-entrepreneurs n’ayant pas occupé de fonction de management au préalable. Le vrai enjeu pour eux est d’endosser le costume de dirigeant. Et le rôle de ce dernier est d’être à la fois un leader et un manager. Il faut qu’il incarne la culture et les valeurs de la société. Il devra ensuite organiser et structurer l’organigramme. 

Au départ, mieux vaut avoir une organisation sans définition précise de fonctions pour que tout le monde trouve sa place, puis, dès que la société commence à se développer, mettre en place un management intermédiaire et bâtir l’organisation en fonction des objectifs. Enfin, le dirigeant doit s’accorder du temps de réflexion, penser à des sujets stratégiques - sans oublier de se ménager, puisqu’il a un rôle clé dans la société.

Quels sont les points forts qu'un dirigeant doit avoir ?

Il y a des qualités clés pour être dirigeant et il faut les connaître avant d’aller plus loin dans l’aventure. Tout d’abord, la résilience face aux difficultés de la création d’entreprise, autrement dit, la capacité de rester motivé quoiqu’il arrive. Ensuite, l’enthousiasme qui se communique à ses salariés, associés, clients, partenaires, à toutes les parties prenantes du projet.

Il faut trouver un marché pour la technologie développée. Souvent, les start-ups combinent différentes approches et procèdent par essais et erreurs. Trouver la solution demande ainsi beaucoup de créativité, mais aussi d’ouverture d’esprit, d’écoute de ses clients et de leurs besoins. Il faut être passionné tout en étant agile. Ces qualités ne sont pas innées, mais elles peuvent s’apprendre et se développer.

Comment bien s’entourer ?

Une gouvernance, ce sont les règles et les institutions qui permettent de cadrer la direction, l’administration et le contrôle de la société. Cela commence par un comité consultatif, par exemple des entrepreneurs expérimentés qui vont accompagner les dirigeants fondateurs. La gouvernance s’établit ensuite progressivement de manière plus structurée dans le cadre de la première levée de fonds.

Autre point, pour attirer les meilleurs talents, l’élément clé est de rendre l’entreprise attrayante, communiquer, se mettre en avant, donner une crédibilité à la société. Il s’agit également de choisir des outils de recrutement adaptés à son stade de développement : le réseau, les chasseurs de tête, les sites de recrutement… Même chose pour les dispositifs de fidélisation, comme les stock-options, qui permettent d’impliquer au capital de la société les nouvelles recrues.

Quels sont les défis commerciaux d’une deeptech ?

Pour trouver l’adéquation produit/marché, il est nécessaire de sortir du bureau et de passer du temps avec ses clients pour comprendre leurs besoins, puis de répéter cela dans différentes industries pour confirmer le besoin et l’affiner. Par ailleurs, il ne faut pas sous-estimer le budget business. Au démarrage, pour chaque euro investi dans la R&D, je conseille d’investir la même somme dans le business. Puis, très vite, il faut décupler l’investissement dans ce dernier. Il est également essentiel de bâtir des relations durables tant avec ses clients qu’avec ses partenaires et notamment avec les grands groupes, qui sont souvent les premiers clients des jeunes entreprises deeptech.

Plus en détail, en matière de pricing, j’ai constaté que les entrepreneurs BtoB deeptech ont tendance à sous-estimer leur prix. Pour définir un pricing adapté, il faut bien comprendre la valeur que l’on apporte comparée aux solutions existantes.

Comment s'envisage l'international dans une start-up deeptech ?

Toute start-up deeptech a, dès le départ, une vocation internationale, même si elle doit d’abord prouver son marché et trouver ses premières références clients localement. On peut progressivement bâtir la stratégie de déploiement à l’étranger grâce à des « learning expeditions », et des événements pour se rendre compte du potentiel d’un marché, de l’adéquation du produit et de la réalité d’une géographie particulière. Puis, il est indispensable de faire une étude complète avant d’y lancer une activité.

Quand et comment lever des fonds ?

Les start-ups de la deeptech ont levé plus de 4 milliards d’euros en Europe en 2018. Autant dire que c’est le bon moment pour lever de l’argent dans la deeptech ! Mais si les investisseurs sont là pour gérer l’écart entre le moment où l’on développe le produit et le décollage commercial (surtout dans les projets deeptech qui exigent un long développement et des investissements lourds avant d’arriver à la commercialisation), il ne faut pas perdre de vue que les premiers financeurs d’une société sont ses clients.

“Levez des fonds lorsqu’on en a besoin”. Mon conseil est de ne pas attendre le dernier moment, car le processus de levée peut prendre de deux à six mois. Deuxième conseil, il faut lever des fonds quand on connaît précisément les objectifs à atteindre à l’issue de cette phase. C’est important d’avoir une vision claire de ce que l’on ambitionne et un business plan précis pour définir le besoin financier associé. Les objectifs peuvent être, de compléter l’équipe, développer un nouveau produit, attaquer une nouvelle zone géographique… C’est un projet qu’on partage avec l’investisseur et qu’on peaufine avec lui.

Enfin, comment s’y prendre ? Je préconise de bien préparer les rencontres avec les fonds en amont, en se renseignant sur leur stratégie d’investissement et le profil des personnes rencontrées. Quant à l’intérêt de faire appel à un leveur de fonds, au stade de l’amorçage, cela peut être utile, mais plus pertinent dans les tours suivants. Dans certains secteurs, comme la cybersécurité, il existe quelques fonds experts du domaine et il n’y a donc pas besoin d’avoir recours à un leveur de fonds. D’autant que les fonds sont de plus en plus ouverts : il suffit aujourd’hui d’envoyer un email à un partenaire et il vous répondra.

Février 2020