D'enseignant à entrepreneur, le parcours de Morad Attik, fondateur d'Evolukid

Vous avez commencé votre carrière en tant qu’enseignant de mathématiques, qu’est-ce qui vous a mené vers le monde de l’entrepreneuriat ? 

Dans ma conversion à l’entrepreneuriat, il n’y a pas eu un déclic comme on peut l’entendre dans d’autres storytelling. C’est une suite logique de mon parcours, liée à une envie d’avoir plus de liberté. Je travaille depuis mes 18 ans dans le domaine de l’éducation, de la pédagogie et de l’encadrement des jeunes. J’ai commencé par être animateur jeunesse dans la ville où j’ai grandi, à Meaux. J’ai ensuite participé à des colonies de vacances, j’ai enseigné en France et à l’étranger, dans un lycée international.

Quand je suis revenu en France, mon frère Rabah, qui est ingénieur en robotique, m'a proposé de mettre à profit nos expertises en lançant une structure de coaching scolaire. C'est comme ça qu'est né notre premier projet entrepreneurial, Scolaruis. 

Evolukid est votre deuxième projet, d’où vient cette idée d’enseigner le code, l’IA et les nouvelles technologies aux plus jeunes ?  

A l’origine d’Evolukid, une anecdote que j’aime raconter :  on a suivi, dans le cadre de Scolaruis, un jeune en échec scolaire, au début ça ne fonctionnait pas, il n’accrochait pas. Ensuite, on l’a pris en stage et là il a tout explosé, il a codé un jeu, il a beaucoup appris et maintenant il est dans une école de programmation aux Etats-Unis. Nous avons ainsi pris conscience que certains élèves ont besoin d’exprimer leurs capacités en dehors des sujets scolaires, c’est ainsi qu’est né Evolukid avec une approche plus ludique de l’enseignement et des sujets moins théoriques.  

Avez-vous le projet d’exporter votre savoir-faire à l’international ?   

En ce qui concerne l’international, nous sommes toujours ouverts aux nouvelles opportunités. En 2019, nous avons réalisé 3 projets en Guinée sur six mois où nous avons formé une cinquantaine d’enseignants et des centaines d’enfants autour de la Smart City, de l’impression 3D, etc. L’idée est de consolider notre position sur le marché français en 5 ans pour aller sonder le marché international par la suite. Je pense notamment au marché de l’Afrique où la French Tech peut jouer un rôle important dans la transition numérique.  

Selon vous, en quoi cet apprentissage des nouvelles technologies est essentiel aux jeunes de nos jours ?  

On vit dans un monde de transition technologique, ça fait des années qu’on entend parler de cela ! Au niveau de la sémantique, nous nous sommes lancés il y a cinq ans dans l’emploi du terme :  révolution numérique.  La crise liée à la Covid-19 est venue exacerber encore tout ça en accélérant cette révolution. Il y a donc un enjeu majeur, celui d’outiller les jeunes générations mais aussi les plus anciennes pour être acteurs du monde de demain et ne pas simplement subir les transformations. Nous essayons aujourd’hui d’élargir notre offre et de toucher les collaborateurs en entreprise, les jeunes éloignés de l’emploi. 

Pourquoi avez-vous décidé de participer à l’édition de cette année de la Journée des pratiques pédagogiques en entrepreneuriat (JOPPE) ? 

Le mindset est extrêmement différent entre le monde de l’enseignement et celui de l’entrepreneuriat. La personne qui devient entrepreneure alors qu’elle était cadre en entreprise connaît les tenants et les aboutissants d’une entreprise. Pour moi, professeur, il a fallu partir de zéro. Je trouve que c’est très intéressant de participer à ce genre d’évènements pour montrer aux enseignants les étapes par lesquelles on passe pour entreprendre, mais aussi leur prouver que c’est possible de sortir du moule classique et d’aller vers l’entrepreneuriat au sein de son métier.  

Quand on grandit dans un QPV, outre les métiers classiques, le schéma pour entreprendre c’était tout de suite un restaurant, une pizzeria, un commerce, etc. sans forcément de lien avec son domaine d’études. Il faut aujourd’hui ouvrir le champ des possibles aux jeunes, en leur enseignant qu’ils peuvent entreprendre en lien avec leur formation, dans des domaines très différents, et c’est le rôle des enseignants de le faire.

De son côté, comment participe votre entreprise à l’initiation des jeunes à l’entrepreneuriat ?  

Qui dit entrepreneuriat en 2020 et 2030 dit nouvelles technologies. Il y aura une accélération de ces technologies : 60 à 70 % des métiers du futur n’existent pas aujourd’hui et seront liés au digital. Il faut donner aux jeunes les moyens et les compétences de demain sous l’angle des hard skills et leur enseigner la confiance en soi pour entreprendre. C’est ce qu’Evolukid met en pratique.  

Quels sont vos horizons d’évolution 2025 ?  

Dans un premier volet, aller chercher un marché chez les moins jeunes sous l’angle de la vulgarisation du concept. Nous voulons développer l’apprentissage ludique en entreprise, nous l’avons déjà fait avec des grands groupes comme L’Oréal et la Maif. Aujourd’hui, nous avons 50 formateurs et 10 chefs de projets, nous aspirons à devenir plus nombreux en élargissant notre cible.   

Dans un second volet, nous créons des contenus digitaux sur une plateforme numérique qui est une sorte de Netflix de la tech pour les enfants. Elle est disponible maintenant pour les parents avec des Mooc dynamiques. Nous voulons développer des contenus pour les entreprises et aller vers un marché BtoB en proposant quelque chose de similaire pour des groupes, des PME et des ETI.  

De plus en plus d’enseignants sont intéressés par l’entrepreneuriat dans le domaine pédagogique mais appréhendent de se lancer, quels sont vos meilleurs conseils pour leur donner confiance ? 

Ce qui m’a aidé personnellement, c’est ma manière d’enseigner. Quand j’ai commencé il y a 12 ans, j’essayais d’apporter mon expérience d’animateur jeunesse, avec trois fois rien je faisais une scénarisation de contenus, un projet. L’entrepreneuriat, c’est ça ! C’est essayer de s’améliorer et sortir de sa zone de confort. Au-delà des conseils typiques, c’est un conseil concret que je donne.  

L’entrepreneuriat peut paraître intangible pour un professeur. Je lui dis : commence à te questionner sur ta pratique de l’enseignement. Nous avons des directives en tant qu’enseignant, certes, mais on peut avoir une démarche entrepreneuriale dans ses cours : travailler l’art oratoire, bousculer les tables, créer une expérience nouvelle ! En faisant ce genre de choses, on se dit pourquoi ne pas faire ça dans mon quartier, dans ma ville, dans ma région, etc. On va à chaque fois pousser ses limites. Tester sa posture d’entrepreneur dans sa classe avant de la quitter, dans un premier temps, voilà mon conseil pour avoir confiance !  

Novembre 2020