Le projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire doit permettre à l'ESS de changer d'échelle. Quels sont les enjeux du développement de cette économie au niveau national et dans les territoires ?
L'économie sociale et solidaire, ce sont des associations, des mutuelles, des coopératives, des fondations et des entreprises sociales qui répondent à des besoins sociaux qui ne sont pas pris en charge par le marché. Ce sont des structures à fort impact social et qui, de surcroît, sont économiquement performantes. La preuve en est : l'ESS a mieux résisté à la crise que l'économie traditionnelle, et en 2012 elle est créatrice nette d'emploi malgré la crise. L'enjeu est ainsi de développer l'ESS afin de créer de l'emploi dans les territoires. Les emplois créés par les entreprises de l'ESS sont le plus souvent des emplois de proximité non délocalisables. Le Crédoc évalue à 114 000 le potentiel annuel de recrutement annuel dans le secteur sur des postes non qualifiés et durables. Développer l'ESS, c'est donc agir pour la croissance et l'emploi.
L'entrepreneuriat social vise à concilier viabilité économique et impact social. Quelle place occupe-t-il dans cette dynamique ?
L'entrepreneuriat social occupe une place à part entière dans l'économie sociale et solidaire ! Concilier impact social et viabilité économique, c'est le fondement même de ma conception de l'ESS. C'est bien pour cette raison que mon ministère se trouve à Bercy : l'ESS est une des facettes de la biodiversité économique dont notre pays a besoin pour être compétitif. Concernant l'entrepreneuriat social, mon projet de loi va justement reconnaitre sa place au sein de l'ESS. La loi va définir le périmètre de l'économie sociale et solidaire, qui intégrera non seulement les acteurs historiques du secteur, mais aussi les entreprises sociales, sous la forme de SA ou de SARL, qui auront fait le choix de s'appliquer à elles-mêmes les principes de l'ESS. Ma volonté est ainsi de reconnaitre et d'entretenir la biodiversité économique au sein de l'ESS.
Votre projet de loi va être présenté en conseil des ministres prochainement. Quels en sont les grands objectifs ? Pouvez-vous présenter ses principales orientations ?
Ce projet de loi reposera sur trois piliers : la reconnaissance du secteur, sa structuration et son développement. La reconnaissance du secteur passera par la définition de son périmètre qui intègrera, comme je le disais, les entreprises sociales qui respecteront des principes tels que la gouvernance démocratique et le réinvestissement majoritaire des bénéfices dans l'activité.La structuration du secteur correspond au deuxième pilier. Elle se traduira par la mise en uvre d'un cadre institutionnel tant au niveau national que dans les territoires. La loi prévoira également le déploiement de pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), qui présentent de nombreux points communs avec les pôles de compétitivité : la loi donnera une assise législative à ces pôles originaux créés par les acteurs territoriaux, et permettra ainsi la réplication sur tout le territoire de ces initiatives. Ces PTCE peuvent mêler entreprises de l'ESS, territoires, entreprises classiques et acteurs de la formation continue et/ou professionnelle etc., en vue de créer des synergies dans les territoires et de redynamiser le tissu économique local.Enfin, le troisième pilier de mon projet de loi : le développement de l'économie sociale et solidaire. Pour cela, je vais donner au secteur les moyens de son développement. Une définition légale de la subvention permettra de sécuriser les relations entre les associations et les acteurs publics. La loi prévoira une généralisation des clauses sociales dans les schémas nationaux et territoriaux des achats publics. Un nouveau statut de Scop va par ailleurs être créé. Plus souple, il facilitera la reprise d'une entreprise par ses salariés afin d'éviter que, faute de repreneur, ceux-ci se retrouvent sans emploi.
Quels sont les besoins et les spécificités des entreprises sociales en matière de financement ? Quelles seront les grandes lignes de l'intervention de la BPI dans ce domaine ?
Les financements dédiés à l'ESS vont connaître un véritable coup d'accélérateur : 500 millions d'euros de bpifrance, 80 millions d'euros du Programme Investissements d'Avenir pour de nouveaux appels à projets, et 20 millions d'euros avec le Fonds d'Innovation Sociale dont la création a été annoncée par le Président de la République lors de la clôture des Assises de l'entrepreneuriat. Ce sont autant d'opportunités pour les acteurs de l'économie sociale et solidaire. Les outils de financement seront adaptés aux besoins des structures concernées, allant par exemple d'avances remboursables, pour soutenir des initiatives au stade de l'amorçage, à des apports en fonds propres pour financer le développement de projets. La véritable force de cet environnement financier réside avant tout dans la diversité des outils, qui permettra d'encourager tous les différents types d'acteurs de l'ESS, à tous les stades de leur développement.
Comment favoriser le développement de l'entrepreneuriat social, en particulier auprès des jeunes ?
Le plus important est d'informer les jeunes sur l'existence de cette forme d'économie afin d'éveiller les curiosités et de créer des vocations. Avec mon collègue Vincent Peillon, ministre de l'Education nationale, j'ai signé en juin le premier accord-cadre de coopération visant à promouvoir l'économie sociale et solidaire dans l'enseignement secondaire. L'idée est de faire infuser les valeurs de l'économie sociale et solidaire dans le système éducatif, avec par exemple la création de la « semaine de l'ESS » à l'école, et de montrer aux jeunes que l'ESS est un secteur porteur en matière d'emploi. Je me félicite d'ailleurs de l'augmentation du nombre de formations aux métiers de l'ESS de niveau master dans les universités comme dans les écoles de management. C'est bien le signe d'un intérêt croissant des jeunes pour cette économie qui représente déjà 10% du PIB français.
Propos recueillis par Catherine Sid en juin 2013
Juin 2013