Entretien avec Oliver de Bussac, repreneur de l'entreprise Panibois

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Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

Ingénieur de formation, j’ai débuté ma carrière dans les Télécom à l’International dans un grand groupe. Je suis parti en expatriation en Pologne dans une filiale de télévision câblée, pour rapidement y prendre le rôle de directeur Stratégie et Développement et membre du comité de Direction. Lorsque la filiale a été vendue, j’ai choisi la société Polonaise en contrat local et j’ai investi dans le capital de la société auprès de fonds. Lors de sa revente, j’ai quitté la société et la Pologne, pour devenir Directeur Général – Technique et Opérations, dans une PME Internationale de medias pour points de vente. J’ai finalement quitté cette structure en mai 2011 pour me consacrer à la reprise de mon entreprise.

Vous avez alors suivi la formation du CRA ?

Oui, et c'est un des piliers du succès de ma reprise ! Au delà de l’intérêt technique des différents modules pour aborder la reprise bien armé, j’ai surtout apprécié les cas concrets et faits réels sur lesquels les intervenants se sont appuyés. Ils ont mis l’accent sur les aspects humains, psychologiques et émotionnels de la cession entre personnes physiques, qui la différencient d’une simple transaction financière. Dès le lendemain du stage, j’ai pu mettre en mouvement mon approche systématique de la recherche, jusqu’au closing le 24 juillet 2012. Le second pilier de ma reprise a été le "groupe repreneur". Il m’a permis d’être entouré, tout au long de ma recherche, d’un groupe d’amis avec qui nous avions tissé des liens forts pendant la formation, en qui je pouvais avoir confiance, et qui passaient par les mêmes "hauts et bas" que moi. Nous nous sommes tous entraidés et nous avons tous progressé grâce à ce groupe repreneur, qui est pour moi une suite logique de la formation. Cerise sur le moule, le dossier Panibois m’a été apporté par un ami de mon groupe repreneur qui m’a dit que le dossier lui faisait penser à moi, alors que la société oeuvrait dans un secteur que j’avais exclu de mes critères de recherche !

Quelle cible aviez-vous défini initialement ?

Je recherchais une PMI avec un vrai produit ou savoir-faire, innovante et avec un fort potentiel de développement à l’International, si possible sur un marché de niche. J’orientais mes recherches dans le Grand Ouest, alors que j’habitais en région parisienne. Ma recherche a réellement débuté au lendemain de la formation du CRA (fin septembre 2011), et s’est achevée le 24 juillet 2012, soit 10 mois plus tard. J’ai constitué pour ma reprise une liste de 530 contacts, fait 320 rendez-vous, étudié 80 dossiers, rencontré 17 cédants, fait 2 LOI pour une reprise.

Quelle est l'activité de Panibois ?

Depuis 1993, Panibois dessine et produit une large gamme de moules de cuisson et de barquettes en bois, utilisés pour de nombreux besoins : boulangerie, pâtisserie, charcuterie, traiteurs, fromagers, restaurants, confiseries ou chocolateries ... Le bois donne son image au contenu, dès que celui-ci est "fait maison", naturel, traditionnel, bio ou artisanal. Les produits peuvent être personnalisés selon les besoins du client, à ses messages et à sa marque, avec une technique d’impression inégalée. Le bois utilisé pour les barquettes et les moules est naturel, non traité et vient de forêts gérées durablement. Ils sont biodégradables. Leur production est française, avec des standards de qualité élevés. Le pain ou les plats qu’ils contiennent peuvent être cuits, congelés ou réchauffés dans le moule en bois. Panibois a une longue tradition d’innovation, depuis l’invention de la cuisson du pain dans sa barquette en bois, mettant l’innovation au service de la tradition. Elle emploie 44 personnes et exporte 50% de sa production dans plus de 30 pays.

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Comment s'est passée la phase de négociation ?

J’ai entendu parler de la société pour la première fois le 20 mars 2012. Je l’ai visitée le 11 avril, fait une LOI le 13 avril, dont une version a été contresignée par le cédant le 15 mai, pour un protocole signé le 5 juin, des conditions suspensives levées le 3 juillet. Le closing, prévu initialement le 12 juillet, a été reporté in-extremis au 24, pour une question de nantissement de brevets. J’ai pu négocier un prix proche du prix affiché sur la base des prévisions, avec 2 compléments de prix en fonction de résultats futurs.

Avez-vous rencontré des difficultés particulières ?

Le principal risque du dossier était lié à un fournisseur unique en Russie. Pour me convaincre et convaincre les partenaires financiers de me suivre malgré ce risque, je l’ai mis en avant, avec un plan de mitigation qui constituait l’essentiel de l’objectif de ma première année : accompagnement spécifique du cédant sur ce sujet (9 mois) ; recherche de fournisseurs alternatifs pour avoir au minimum 2 fournisseurs à tout moment (ce qui s’est traduit dans mon business plan par une marge dégradée). J’ai aussi présenté deux scénarios dégradés du business plan, liés à une carence d’approvisionnement, mais qui ne remettaient pas en cause le remboursement de la dette d’acquisition. J’ai recherché des financements complémentaires post-reprise (Sofired, le Réseau Entreprendre et Total Développement) afin de rétablir un coussin de sécurité et de me permettre d’investir sereinement.

A propos de financement, comment avez-vous procéder pour l'achat de l'entreprise ?

Ma problématique était la suivante : comment reprendre une affaire avec un apport personnel d’environ 10% du prix de cession tout en restant majoritaire ? La solution : j’ai conforté mon apport personnel par un montant identique en quasi fonds propres du fonds d’investissement Sodero Gestion (fonds lié aux caisses d’épargne de l’Ouest, dont une mission est d’investir durablement dans le tissus local de PME), dont 25% en capital et 75% en OC. Levée de dette LBO pour 40%, levée de dette immobilière pour 23% sur la SCI. Remontée de trésorerie pour le reste, avec 2 compléments de prix pour atteindre le prix demandé sur la base des résultats futurs. Cette levée de fonds m’a permis d’acquérir la société d’exploitation, les murs et les brevets exploités par la société.

Avez-vous été accompagné dans vos démarches ?

Oui, j’ai sélectionné mon équipe d’accompagnement (1 avocat d’affaires et 1 expert comptable) dans les 15 jours qui ont suivi la formation. Ils sont, selon moi, impératifs et incontournables. Il faut les choisir spécialistes de la reprise, habitués à travailler ensemble, dans de petites structures pour ne pas être un client trop petit. Travailler ensemble sur la durée permet de développer une confiance et de se sentir bien épaulé et confortable au moment des négociations. Le seul inconvénient d’une équipe préconstituée est que certains experts n’ont pas voulu me présenter leurs dossiers, peut-être pour ne pas les perdre. Malgré cela, si c’était à refaire, je referais pareil. Je ne souhaitais pas me faire accompagner d’un conseil repreneur, car je souhaitais m’occuper de ceci par moi même, ce qui constituait à mon avis un bon exercice pour la suite.

Pouvez-vous parler du businness plan et de son utilité ?

Il est fondamental pour vendre son projet, pour mettre en musique sa stratégie et pour avoir un point de repère tout au long du projet. Il m’a aujourd’hui permis de comparer la réalisation des 3 premiers mois à mes prévisions, de faire un tableau de bord, de constituer un budget pour 2013 et de voir l’impact sur le plan de remboursement des emprunts.

Avez-vous été accompagné par le cédant ?

Oui, la durée demandée était l’équivalent de 3 mois à mi-temps (soit 1,5 mois au total), et 9 mois sur la problématique de l’approvisionnement en bois (qui est importé par une société appartenant au cédant). Le cédant s’occupe toujours de l’approvisionnement en Russie. Pour le reste, il m’accompagne depuis plus de trois mois, mais sur un rythme moins soutenu que prévu. Il m’a fait une introduction très sympa auprès des équipes, m’a laissé prendre la société en main tout en me faisant part de ses impressions, son expérience et ses conseils.

Comment se sont déroulés les 100 premiers jours ?

Les bonnes surprises : - les équipes, performantes, impliquées, accueillantes et ouvertes, - l’introduction par le cédant et son accompagnement, à la fois en support utile, et me laissant prendre en main les équipes sans interférer, - 2 fournisseurs alternatifs de bois étaient actifs à mon arrivée, avec 2 autres en préparation. En effet, suite à une panne que le fournisseur unique avait mis 3 mois à réparer, le cédant a recherché et activé des sources alternatives. Mon objectif de la première année était donc très bien engagé, avant même mon arrivée … Les mauvaises surprises : - l’impact de la rupture d’approvisionnement de bois des 3 derniers mois précédant la reprise sur les délais de livraison, la stabilisation en qualité des nouveaux fournisseurs, les coûts et l’organisation, - un risque lié à une astreinte qui court depuis près de 2 ans, et que je n’avais pas identifié.

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Vos commentaires personnels ?

Merci au CRA et à mon groupe repreneurs, car je ne serais pas ici aujourd’hui sans eux. La reprise est une super aventure, surtout quand elle répond à un souhait de longue date, et qu’elle est préparée longtemps à l’avance. J’ai été agréablement surpris par l’accueil des entrepreneurs que j’ai contactés tout au long de ma reprise et leur temps passé à me recevoir et me conseiller. C’est une véritable force qui unit ceux qui entreprennent, et que j’essaie à mon tour de rendre en recevant des candidats à la reprise et en témoignant de ma propre reprise. Il existe de belles sociétés et de belles histoires, et il faut en parler, surtout dans ces périodes moroses. Il est très important pour moi que ce projet ait été partagé avec ma famille, soutien essentiel dans les moments difficiles que j’ai traversés.

Et si c’était à refaire …

… je le referais à l’identique, même si je me suis parfois dit qu’il y avait une dose d’inconscience à quitter un job bien payé pour se lancer dans l’inconnu ! En revanche, je reste fondamentalement persuadé que le plus grand risque est de ne pas en prendre, même (ou surtout) en cette période.

Mai 2013