Stéphane Distinguin met le Futur en Seine

En tant qu'organisateur du Festival du numérique Futur en Seine, vous avez été amené à imaginer "l'Entreprise du futur", quel sera son visage ?

L'entreprise de demain doit combiner et favoriser les rencontres en son sein. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'édition 2014 de Futur en Seine s'intitule "Made with". Elle est dédiée aux "Makers", à ceux qui font ensemble, aux synergies entre organisations, grands groupes, startups, fablabs… Ma vision de l'entreprise du futur suit donc la même logique que Futur en Seine qui est un festival très concret. Il met sur le devant de la scène des acteurs qui imaginent le futur, mais surtout des acteurs qui prennent des risques pour le réaliser. Imaginer l'entreprise du futur, ce n'est pas être dans le fantasme.

Dans le cadre de votre mission à la tête du pôle de compétitivité Cap Digital, vous avez déclaré vouloir tout "faire pour que Paris soit la deuxième place internationale après la Silicon Valley", comment y parvenir ?

La réussite d'un secteur économique, quel que soit le domaine d'activité, mais plus encore dans le domaine du digital, tient beaucoup à la vigueur de son écosystème. L'écosystème parisien, cela fait plus de 10 ans que je m'attache avec beaucoup d'autres à le faire vivre et à lui faire prendre conscience de sa force. Car en effet, l'émulation tient au fait de se connaître, de se rencontrer et collaborer. C'est un des atouts majeurs de la Silicon Valley aujourd'hui. Une toute petite région du monde parfaitement identifiée comme le centre névralgique des nouvelles technologies et de l'économie numérique. Derrière les géants Google ou Facebook, c'est tout un écosystème qui est sans cesse débattu et discuté à travers les caisses de résonnance que sont les événements comme SXSW au Texas ou les médias comme le magazine américain Wired. Il faut créer le même foisonnement en France. Le mouvement French Tech qui se développe n'est pas anodin et témoigne de ce besoin. C'est pourquoi, je m'attache à travers Fabernovel ou Cap Digital à faire se rencontrer les grands acteurs et les jeunes pousses, à faire parler du numérique à travers des événements comme Futur en Seine, en un mot, à créer des synergies.

Vous avez fait de l'innovation un leitmotiv de votre parcours professionnel, quelle en est votre définition et quelles sont les conditions qui favorisent l'innovation au sein d'une entreprise ?

Innover, c'est remettre constamment en cause l'ordre établi. C'est avoir cette capacité à bouleverser l'existant. Dans une entreprise, il faut être capable de remettre en cause les structures hiérarchiques pour ne pas tuer les processus créatifs dans l'œuf. La prise d'initiative et l'esprit d'entreprise doivent être des notions centrales, même au sein d'une structure installée. Bien sûr, il faut également être capable de réunir les bons talents au même endroit et leur offrir les conditions idéales pour s'épanouir. De manière assez basique mais toujours très vraie, un jeune diplômé talentueux sera plus innovant s'il est responsabilisé, s'il doit faire face à des challenges, si son environnement de travail est agréable et s'il est bien payé ! Enfin, l'esprit d'innovation est avant tout une mentalité qu'il faut savoir transmettre et partager. Elle s'illustre à travers le “Think different” d'Apple. C'est un goût du mouvement, qui pousse à sortir de sa zone de confort, à oser, et à oser plusieurs fois face à l'échec. Et par là je n'entends pas faire feu de tout bois, l'innovation recouvre cette idée de progrès, elle implique d'être capable de se doter d'une grille de lecture du monde, pour oser dans le bon sens.

Vous êtes le fondateur et PDG de Fabernovel qui est une agence d'innovation, pouvez-nous dire en quoi consiste votre métier ?

Fabernovel est une aventure qui a eu 10 ans en septembre dernier. Et même si c'est une entreprise bien réelle, qui emploie plus de 70 personnes de Paris à San Francisco en passant par New York et Moscou, j'aime présenter Fabernovel comme un mouvement. Et, comme son nom l'indique, un mouvement dédié à fabriquer du nouveau. Cela passe par une multitude d'activités. Au centre, on trouve le travail d'agence à proprement parler, une activité de service qui consiste à associer les technologies, le design et les usages émergents pour inventer de nouveaux produits, services et expériences pour nos clients, principalement des grands groupes qui souhaitent tirer le meilleur du digital. Mais c'est une partie seulement de l'activité de Fabernovel. Nous développons également une activité d'investissement afin de pousser des jeunes startups ou de soutenir des initiatives innovantes. Nous gérons, selon le site américain Business Insider, un des meilleurs espaces de coworking de San Francisco, Parisoma. Nous développons également une activité d'évangélisation très importante, à travers des événements comme APIdays, premier événement international sur les APIs[1], qui s'est tenu mi-juin à San Francisco.

Vous valorisez notamment un modèle "d'excubation" qui s'adresse à de grandes entités. En quoi est-il différent d'autres modèles de soutien à la création d'entreprises comme l'essaimage ou l'intrapreneuriat ?

Ce que nous appelons excubation s'inscrit dans la lignée de l'intrapreneuriat ou de l'essaimage. C'est un modèle opportuniste, nous n'avons pas de programme ou de planning précis. Simplement, notre activité de service nous permet d'être en contact permanent avec les dernières innovations et tendances en termes d'usages et de technologie. Nous posons un regard prospectif sur le monde. Dans ce contexte, nous identifions régulièrement des opportunités qui méritent une structure indépendante pour se donner les moyens de réussir. Une fois que nous sommes convaincus de la viabilité du projet, nous le laissons prendre son envol, souvent avec un “désormais ancien” employé de Fabernovel à sa tête. Notre dernière excubation en date est celle de Bureaux à Partager, qui met en relation des professionnels qui cherchent à partager des locaux et s'inscrit dans la tendance forte de l'économie collaborative. [1] Une API (Application Programming Interface) est une interface de programmation permettant à deux sites web, applications, services ou objets de communiquer ensemble d'une manière automatisée et programmable. Propos recueillis par Vincent Le Brech en juin 2014
Juin 2014