Vous venez de lancer le "Projet stratégique territorial Cher 2021". Pouvez-vous présenter votre démarche et en expliquer les principaux enjeux ?
Le projet territorial « Cher 2021 » est une démarche prospective, stratégique, volontariste, concertée et citoyenne. Notre objectif : avoir une vision stratégique cohérente globale à long terme pour nous donner les moyens d'anticiper les évolutions de notre territoire, de dessiner son avenir et celui de ses habitants. Nous avons voulu associer à cette démarche le maximum d'acteurs parmi lesquels les acteurs institutionnels et socio-économiques, avec bien sûr les entrepreneurs, la jeunesse, les agents du Conseil général et bien évidemment les habitants du Cher. Pour cela, des réunions publiques, des visites d'entreprises et des séances de brainstorming ont été organisées et des cahiers d'acteurs ont été rédigés. Des élèves de l'IUT de Bourges ont, dans le cadre de leur projet d'étude, interrogé des collégiens, des étudiants, des apprentis et de jeunes adultes. A l'issue de ces rencontres, la collectivité départementale a mené une réflexion et élaboré des propositions. Le 9 décembre dernier, le projet a été adopté par l'Assemblée départementale.
Votre démarche a débuté par la réalisation, en 2011, d'un diagnostic territorial mené par l'Observatoire départemental. Quels ont été les principaux constats dans ce domaine ?
Ce diagnostic nous a permis de définir les forces et les faiblesses du département mais aussi de détecter des opportunités de développement. Parmi nos forces, nous avons identifié la jeunesse avec la présence de plusieurs établissements d'enseignement supérieur, une agriculture diversifiée et performante, la présence historique d'une industrie de la défense qui a permis le développement d'un réseau de PMI sous-traitantes qui se développent aujourd'hui dans différents secteurs high-tech. Parmi les atouts nous avons également une bonne desserte en termes de transports.
Quant à la faiblesse du département, nous le savons tous, elle réside dans le vieillissement da sa population, même si parallèlement nous identifions la jeunesse comme une force.
Au niveau du développement de l'activité économique nous avons travaillé en lien avec les organismes consulaires. Nous nous sommes projetés dans le futur. Dans l'agriculture, la situation est plutôt favorable car un certain nombre de jeunes reprennent les exploitations. Pour les autres secteurs, il y a une interrogation sur la transmission des entreprises, le passage d'une génération à une autre. Cette interrogation n'est pas propre au Cher d'ailleurs.
Quels sont les principaux axes de développement ?
Le secteur de la défense est un moteur important dans la vie économique de notre département. Le secteur du numérique offre également de belles perspectives. Nous avons d'ailleurs conclu un partenariat dans ce domaine avec le Conseil général de l'Indre-et-Loire. Mais aujourd'hui, notre principal axe de développement est tourné vers l'enseignement supérieur pour lequel nous agissons dans le cadre des relations avec les établissements en soutenant des actions de formation et les contrats de recherche et d'innovation. En janvier dernier, a été créé un nouvel Institut national des Sciences appliquées (Insa) qui développe ses activités entre Blois et Bourges. Nous nous situons dans une dynamique de formation des jeunes, de recherche et d'innovation, en relation avec les entreprises qui ont exprimé une forte attente en matière de formation et d'élévation des compétences. C'est pour nous une des perspectives importantes du territoire. Nous avons également un projet de pôle de formations sanitaires et sociales à Bourges. Enfin, nous participons au financement et à l'accompagnement de pôles d'excellence rurale notamment dans le domaine de l'agroalimentaire.
Parmi les "piliers" de développement définis dans le projet Cher 2021, quels sont ceux qui peuvent impacter l'entrepreneuriat ?
Concernant l'entrepreneuriat, deux piliers sont plus particulièrement concernés : le pilier 2, "Le Cher, territoire attractif et connecté" et le pilier 3, "Le Cher, territoire dynamique et productif", à travers les dynamiques d'innovation et les filières d'avenir. Plusieurs orientations concernent très directement le développement des entreprises et l'entrepreneuriat. J'en citerai ici quelques-unes.
Le département souhaite tout d'abord favoriser l'installation et l'accompagnement des entreprises. Pour soutenir la création d'entreprises, nos priorités seront de favoriser le conseil aux entrepreneurs, d'offrir des espaces à vocation économique de qualité, diversifiés et complémentaires et de favoriser le développement d'une animation économique territoriale coordonnée et lisible à l'échelle du département.
Nous développerons également des actions pour accompagner les dynamiques d'innovation en optimisant les relations entre enseignement supérieur, recherche et entreprises, en aidant à l'émergence de projets et en créant une synergie autour des entreprises spécialisées dans l'armement en vue, notamment, d'une application civile de leurs recherches et innovations (grappes, clusters).
Enfin, dernier exemple, nous avons pour ambition de favoriser les filières d'avenir, porteuses d'emplois nouveaux, comme la filière bois, l'agroalimentaire, le luxe avec le pôle de Saint-Amand-Montrond, les énergies du futur en lien avec les industries de la défense, l'économie sociale et solidaire et la silver économie en lien avec le pôle Capteur de Bourges.
Pouvez-vous citer quelques exemples d'actions concrètes prévues dans le cadre du plan stratégique pour atteindre les objectifs en matière d'entrepreneuriat ?
Oui bien sûr. Je mentionnerai ici quelques exemples. Pour favoriser l'émergence de nouvelles entreprises nous continuerons de soutenir le développement des couveuses. A Bourges, le département finance le fonctionnement d'une couveuse située en face d'une pépinière d'entreprises créée et gérée par le conseil général. Cette pépinière, installée dans les locaux de l'AD2T[1], a été conçue en lien avec l'école d'ingénieurs voisine. Un maillage de proximité très intéressant pour l'avenir.
Aux côtés des établissements consulaires impliqués dans le soutien à la transmission d'entreprises, nous favoriserons la reprise d'entreprises par les salariés, notamment sous forme de coopératives. Pour faciliter l'installation des entreprises, nous mettrons à leur disposition un recensement des offres immobilières et foncières. Les initiatives locales de soutien à l'innovation, menées en coopération avec l'Agence régionale pour l‘innovation et le transfert de technologie (Aritt), seront développées. Nous soutiendrons l'innovation dans l'artisanat et l'implantation d'incubateurs, de pépinières et d'hôtels d'entreprises.
Le développement durable tient une place particulièrement importante dans le plan Cher 2021. Pouvez-vous expliquer ce choix ?
A travers la démarche Cher 2021, le département a souhaité être fédérateur et associer les projets territoriaux liés à la démarche Agenda 21. Notre objectif est d'apporter une réponse aux besoins du territoire qui s'inscrive dans la durée. Les créations d'activités en lien avec le développement durable génèrent le plus souvent des emplois non délocalisables comme ceux créés dans l'économie sociale, la silver économie ou encore dans le tourisme. Ainsi, le projet Loire à Velo, réalisé en lien avec la Région Centre, permettra le développement d'activités touristiques.
Les régions ont la responsabilité d'accompagner le développement économique de leur territoire. Quel a été le rôle de la Région dans la démarche de prospective économique du département ?
Le projet Cher 2021 s'inscrit dans la démarche de prospective régionale « Ambition 2020 » qui a été notre référence, bien sûr pour la rédaction du document général, mais aussi pour la rédaction des propositions émises par les Pôles d'équilibre territoriaux et ruraux (PETR) pour lesquels la Région avait identifié des potentialités. La Région a été présente à nos côtés tout au long de notre démarche. Par ailleurs, nous travaillons ensemble sur différents projets comme celui du développement de l'aéroport de Châteauroux Déols. Nous sommes également engagés dans l'immobilier d'entreprise au travers d'une SEM patrimoniale qui rassemble 4 collectivités et 4 organismes financiers. Nous assurons la construction de l'immobilier d'entreprise en contrepartie de quoi l'entreprise verse un loyer, ce qui lui permet de ne pas mobiliser ses fonds sur de l'immobilier mais plutôt sur l'outil de travail voire sur la R&D, porteuse d'avenir.
En quoi, le niveau départemental joue-t-il un rôle dans le développement de l'entrepreneuriat sur son territoire ?
L'attractivité et l'accompagnement sont des dimensions très importantes en termes de développement économique et d'entrepreneuriat. L'élément clé est la proximité. C'est la force des départements. Concrètement, cela se traduit par des actions qui visent à renforcer l'attractivité de notre département en termes d'infrastructures par exemple, ou encore de soutien à l'innovation. Nous avons ainsi mis en place un accompagnement des contrats de recherche dans le cadre de partenariats entreprises-écoles d'ingénieurs.
Autre illustration, le Parc technologique de Sologne porté par l'intercommunalité et soutenu par le Conseil général, créé en 2008, a vocation à créer des entreprises et de l'emploi. Il est composé d'une pépinière d'entreprises, d'un hôtel d'entreprises et d'un espace innovation réunissant des acteurs de l'innovation et du transfert technologique.
Parallèlement à Cher 2021 nous menons une réflexion sur la thématique « nouvelles ruralités » avec l'Allier, la Nièvre et la Creuse, en complémentarité de la démarche nationale qui regroupe actuellement 34 départements. L'objectif est de renforcer l'attractivité de ces territoires, mais aussi de travailler sur la question des mutations sociétales qui marquent le pays. Nous pensons qu'il est possible de proposer un modèle de développement propre à nos territoires « ruraux » dans lesquels il y a des potentialités et où il fait bon vivre !
En matière de développement de l'entrepreneuriat, le département s'appuie sur l'AD2T qui a pour objectifs, entre autres, de développer la création d'entreprises et d'accroître l'attractivité du territoire.
Propos recueillis en février 2014 par Catherine Sid
[1] L'AD2T, Agence de développement du tourisme et des territoires du Cher, est née du rapprochement de l'Agence de développement touristique et de l'Agence de développement économique du Cher.
Avril 2014