Clause d'earn out et transition managériale, deux clés de succès d'une transmission d'entreprise

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Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste la clause d'earn out ?

L'expression "earn out" signifie "complément de prix". Elle vise à ce que le cédant, ayant abandonné le contrôle de la société (out) continue à profiter (earn) des performances de celle-ci. En substance, l'objectif de cette clause est d'indexer une partie du prix de cession aux résultats futurs de la société cible. Il est évidemment important de fixer les critères comptables d'appréciation de ces résultats futurs.

C'est une pratique fréquente ?

Oui, depuis quelques années, nous observons une augmentation des clauses d' earn out  dans les opérations de cession d'entreprise.

Dans quel contexte est-elle mise en place ?

Lors de la négociation d'une opération de cession d'actions ou de parts sociales, le cédant et l'acquéreur doivent trouver un accord sur la valorisation de l'entreprise et donc sur le prix de cession desdites actions ou parts sociales.La différence d'approche qui peut exister entre le cédant et l'acquéreur est souvent due, non seulement à des éléments affectifs, mais aussi au fait que le cédant connaît parfaitement l'entreprise et dispose d'une visibilité plus importante que l'acquéreur sur les résultats futurs de celle-ci. Il intègre donc logiquement ces résultats potentiels dans sa valorisation de la société cible. L'acquéreur, à l'inverse, ne dispose pas des mêmes informations sur l'entreprise et sera donc naturellement réticent à intégrer de tels éléments dans son analyse, d'autant que les résultats futurs résultent de sa propre action.L'une des modalités permettant de rapprocher les points des deux protagonistes est l'insertion, dans les actes de cession des actions ou parts sociales, d'une clause d'earn out. L'acquéreur pourra ainsi faire bénéficier le cédant d'un complément de prix de cession si les résultats qu'il envisageait dans la négociation se réalisent effectivement au cours des exercices comptables postérieurs à la cession de la société cible. L'insertion d'une telle clause est aussi rassurante pour le repreneur, car elle témoigne que le cédant croit dans la rentabilité future de l'entreprise qu'il cède.

Une période de collaboration est-elle indispensable ?

Dans l'intérêt du repreneur - et même du cédant - une période de collaboration est vivement recommandée pour passer les relais, pour deux raisons au moins : tout d'abord pour que le cédant facilite la reprise vis-à-vis de son organisation et de son personnel, et qu'il présente le repreneur à ses principaux clients, fournisseurs, banquiers, partenaires, etc. ; ensuite pour que le débouclage des opérations de cession intègre correctement la fin des engagements du cédant, qui reste lié à l'acquéreur par l'éventuelle transition managériale, les clauses de garantie d'actif et de passif signées et le complément de prix éventuel, si une clause d'earn out a été conclue.Un bon accompagnement, c'est :-    un accompagnement transitoire, négocié et accepté "de bon cœur" par les deux parties ;-    une période comprise entre trois à six mois ;-    une présence à temps partiel du cédant et, si possible, non régulière ;-    un repreneur qui prend les rênes de l'entreprise à bras le corps ;-    un cédant qui se retire avec élégance et sagesse, une fois la transmission effectuée

Quels sont les avantages pour le cédant et pour le repreneur ?

L'objectif de cette transition managériale est de faciliter la transition au profit du repreneur.Au cours des premiers mois de la reprise, qui s'apparentent à une phase d'initialisation du changement, il est difficile d'instaurer un nouveau management. Aussi, le repreneur devra observer, comprendre et apprendre le fonctionnement interne, le comportement des salariés, leurs attachements et la culture d'entreprise qui les animent. Cet accompagnement a aussi son intérêt, lorsque l'expérience du repreneur est un peu faible. Dans ce cas, on constate souvent que la présence de l'ancien dirigeant est un des facteurs clés de réussite de la transmission. Elle vise ainsi à favoriser la transmission progressive de l'entreprise, sans rupture, dans la conscience des salariés. Cette transition peut aussi présenter des inconvénients. En effet, si elle a des avantages pour le repreneur, elle pourrait perturber les salariés qui vont devoir faire face à une certaine confusion des rôles entre l'ancien et le nouveau dirigeant. Le repreneur pourrait aussi être amené à rencontrer des difficultés pour s'imposer et se faire respecter par les salariés. Néanmoins, ce sentiment est à nuancer dans la mesure où il s'agit d'une phase transitoire nécessaire à la transmission du savoir et du pouvoir.

La présence du cédant est donc une solution pour éviter les situations de rupture ?

Oui et ainsi pour  favoriser la pérennité de la société, dans la mesure où le repreneur intègre les 3 phases suivantes : 1) Une phase d'apprentissage : la présence du cédant aide à opérer progressivement la transition. Il transmet son savoir-faire et son expérience au repreneur.2) Une phase de conduite du changement : le maintien du cédant sur une période courte, permet d'accompagner et de rassurer les salariés. De par sa présence, le changement est mieux accepté et vécu par ces derniers. Aussi, l'intérêt est que l'ancien dirigeant manifeste sa confiance envers le nouveau dirigeant et renforce sa légitimité au sein de la société.3) Une phase de transition : le cédant facilite la rencontre entre le repreneur et les partenaires extérieurs de la société (clients, fournisseurs, banques, etc.). Ces phases doivent être transitoires et clairement délimitées dans le temps. Au moment où la transmission du pouvoir et du savoir sera opérationnelle, le cédant devra alors concéder la pleine gestion de la société au repreneur et quitter l'entreprise, pour la réussite de l'entreprise et du futur dirigeant.

N'est-ce pas une source de contentieux importante ?

Pas vraiment, lorsqu'elle est bien conçue et délimitée.Si le comportement du cédant est excessif, le repreneur doit le "recadrer", voire y mettre un terme de façon anticipée, car le vrai nouveau dirigeant, c'est lui.Il a besoin d'informations et de conseils pour faciliter la reprise, mais aussi de s'installer dans son rôle. En fait, c'est affaire de tempérament !Généralement, cela se passe bien, car le cédant souhaite que son entreprise lui succède positivement, et s'il a choisi le repreneur, c'est parce qu'il le croit capable d'assurer cette pérennité. Par ailleurs, en n'étant plus en première ligne, il sera plus détendu et se trouvera généralement dans une situation de confort pour passer le relais.

L'accompagnement du cédant est-il rémunéré ?

L'accompagnement n'est généralement pas rémunéré, car il ne s'agit pas d'une activité à temps plein et d'une longue durée. Par contre, il est des cas où le cédant a besoin de conforter sa retraite, en termes de points notamment, et pourra négocier une rémunération. Si c'est le cas, elle sera négociée avec le montant de la transaction.Dans les faits, si la cession est optimisée au plan fiscal, le cédant a plus intérêt à bénéficier d'une plus-value de cession que de salaires, d'autant qu'au plan du contrat, il lui faudrait accepter un lien de subordination.

Quels sont vos conseils pour conclure une bonne clause d'earn out ?

Pour mettre en place une clause d'"earn out", il faut être précis dans la définition de ses modalités et dans sa rédaction, en réalisant au préalable des simulations. Il est donc important d'être accompagné par un expert indépendant au cas où les parties viendraient à interpréter les modalités d'application de la formule prévue.  

Propos recueillis en septembre 2016

Septembre 2016