Criteo, la pépite devenue grande

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On a coutume de considérer Criteo comme la pépite de la high-tech française, quelle est selon vous LA valeur ajoutée de votre entreprise ?

LA valeur ajoutée de l'entreprise réside dans la technologie ultra-ciblée développée par Criteo. Elle permet d'afficher une publicité avec le bon produit, à la bonne personne et au bon moment. C'est un ciblage personnalisé qui permet à nos clients d'augmenter leurs volumes de ventes en ligne.

En apparence, le « besoin » client auquel veut répondre Criteo est assez simple : dépensez plus en cliquant mieux. Comment arrive-t-on à ce résultat ?

Ce n'est pas dans ce sens précisément que le besoin de nos clients s'exprime. L'internaute qui est le client final de nos clients va se voir proposer de la publicité pour des produits pertinents, fondés sur ses centres d'intérêt en ligne à un instant T. L'annonceur qui s'associe à Criteo cherche à augmenter ses performances. 95% des visiteurs sur un site marchand quittent le site sans avoir acheté. Notre technologie permet de faire revenir sur les sites marchands les visiteurs qui souhaitent acheter. Le modèle économique est très attrayant pour nos clients : nous achetons des espaces publicitaires sur plusieurs milliers de sites éditeurs différents, que nous rémunérons en fonction du nombre de publicités affichées. Mais nos clients ne sont facturés que quand il y a un clic sur une publicité. C'est donc à nous que revient la tâche de déterminer à quel prix il faut acheter un emplacement publicitaire. Nous avons pour cela développé un moteur de prédiction qui détermine ces prix avec une très grande granularité : pour chaque internaute et chaque affichage de publicité. Tout cela est fait en temps réel des milliards de fois par jour. Nous avons développé ces algorithmes depuis de nombreuses années dans notre centre de R&D et nous continuons à investir massivement pour améliorer toujours plus ces résultats.

Tout n'a pourtant pas toujours été simple pour Criteo, l'entreprise n'avait pas de revenus durant ses premières années, comment votre activité a-t-elle décollé ?

La société a connu une première étape de développement au cours de laquelle nous avons réalisé 3 pivots ou changements d'activités. Nous avions l'idée d'une technologie au départ mais pas forcément trouvé le modèle économique qui nous permettrait de générer des revenus. C'est arrivé en 2008 après 3 ans de développement R&D où nous avons testé notre première campagne avec Priceminister. Les résultats ont été tout de suite encourageants et nous avons compris que nous avions trouvé le bon modèle, celui que Google appliquait au « Search » nous allions l'appliquer au « Display »[1].

Criteo est une aventure née et portée par trois fondateurs, que retirez-vous de cette expérience de co-création ?

La complémentarité entre nous trois a joué un rôle clé dans le bon développement de l'entreprise. Jean-Baptiste Rudelle a apporté son expérience d'entrepreneur grâce à sa première réussite avec Kiwee[2]. Franck Le Ouay et moi-même avons pu nous concentrer sur les aspects plus techniques de notre produit et ainsi mieux nous répartir les responsabilités. Avec la réussite que vous connaissez, on ne peut que s'enorgueillir d'avoir compris très tôt que se lancer seul dans cette entreprise n'aurait pas forcément connu le même succès.

L'une des premières étapes de votre aventure d'entrepreneur est votre passage dans l'incubateur parisien Agoranov. Quels conseils donneriez-vous à un jeune entrepreneur qui hésite à se lancer ?

C'est par le biais de cet incubateur que nous avons eu vent du projet en parallèle que menait Jean-Baptiste et qui nous a permis ensuite de nous associer. Je conseille donc aux jeunes porteurs de projets de ne pas hésiter à parler autour d'eux de leur projet, de prendre le temps de partager.

Vous avez d'abord travaillé au sein de Microsoft aux Etats-Unis, pouvez-vous nous dire ce que représente pour vous le marché américain ?

Dans notre secteur de la publicité en ligne, c'est le plus gros marché mondial. Il est indéniable qu'il représente pour beaucoup d'entreprises le marché à conquérir pour asseoir son leadership. La plupart des grands acteurs sont américains et il est donc important d'être le n°1 dans son domaine aux Etats-Unis pour prétendre au leadership mondial.

Vous avez choisi de maintenir votre siège social et vos activités de R&D en France, pour quelles raisons ?

Criteo a été créé à Paris en 2005 et même si nous avons aujourd'hui une activité commerciale dans plus de 46 pays, nous avons choisi de maintenir les activités de R&D en France car nous pouvons y bénéficier de très bons ingénieurs avec des formations de qualité.

Dans votre domaine du « reciblage » (« retargeting ») publicitaire [3], des interrogations existent autour du respect de la protection des données personnelles, comment parvenir à lever ses doutes ?

En expliquant en permanence et avec la plus grande transparence aux utilisateurs ce que l'on fait de leurs données. Dès le début, Criteo a intégré au sein des bannières un « i » d'information qui en un clic vous permet de comprendre ce qu'il se passe avec vos données, pourquoi vous voyez cette publicité et comment faire pour ne plus les voir afficher. Nous avons rejoint l'initiative « youronlinechoices.com » [4] et avons harmonisé notre icône d'information. Cette obligation de transparence nous la devons aux utilisateurs. Dans le même temps nous expliquons que c'est la publicité qui permet à l'écosystème des médias sur internet d'exister gratuitement et nous pensons qu'une publicité pertinente vaut mieux qu'une publicité complètement décalée par rapport à vos centres d'intérêt, cela devient un service pour les internautes.

Criteo a entamé une stratégie de diversification, quelles sont les révolutions en cours ou à venir dans le domaine du webmarketing ?

Nous avons commencé à développer notre offre traditionnelle aux appareils mobiles (tablettes et smartphones) à la fois dans les applis et sur le web mobile. Nous observons de beaux résultats et ce dans toutes les régions où nous l'avons mis en place. À la suite de l'acquisition de Tedemis, le spécialiste de l'email « retargeting », nous offrons désormais une approche multicanale et nous pensons qu'il y a un bel avenir pour ce média que beaucoup pensaient en perte de vitesse. On observe notamment sur le mobile des performances très intéressantes pour nos clients annonceurs et qui vont dans le sens des intérêts et des usages des internautes. [1] Le display désigne la publicité sur Internet avec achat d'espace et utilisation d'éléments graphiques ou visuels (bandeaux, pavés…). Source : webmarketing. [2] Pionnier français du téléchargement de sonneries. [3] Le principe de l'email « retargeting » est d'identifier, normalement par l'utilisation d'un cookie, un visiteur dont on possède l'email et l'autorisation d'usage associée, puis de lui envoyer automatiquement un message email commercial lorsqu'il effectue une visite plus ou moins approfondie sans passer à l'achat. Source : webmarketing. [4] Site internet porté par l'Association European Interactive Digital Advertising Alliance (EDAA) et dédié à la publicité sur Internet reposant sur les centres d'intérêts (qualifiée également de « publicité comportementale ») et à la protection de la vie privée sur Internet. Propos recueillis par Vincent Le Brech en mai 2014

Juillet 2014