Comment est née l'idée de e-loue ?
Cette idée est née l'année de mes 24 ans à l'occasion d'un déménagement. Avec un ami, Benoît, nous avons eu besoin d'une perceuse et l'avons trouvée chez un voisin. On s'est alors demandé comment mettre en relation des personnes qui ont des objets qu'ils n'utilisent pas quotidiennement et d'autres qui ont des besoins ponctuels. On était déjà des passionnés du web et l'idée de e-loue nous est alors apparue naturellement.
Les prémices de l'économie collaborative ?
Oui, e-loue était le premier site permettant de tout louer entre particuliers : matériel de bricolage, de jardinage, voiture, vélo, caméra, sono, poussette, etc. Le concept fait partie de l'économie collaborative, mais en 2009 cette économie n'était pas du tout développée, nous étions très en avance sur le secteur.
Aviez-vous des prédispositions pour entreprendre ?
J'ai toujours eu envie d'entreprendre. Clairement je ne me vois rien faire d'autre. J'aime innover et créer de la valeur. Cela est sans doute dû au fait que j'ai grandi dans un environnement entrepreneurial. Mon grand-père, mon père, mon oncle sont des entrepreneurs qui se sont lancés et ont réussi dans des domaines très variés : commerce du cuir, bureau d'étude, SSII… A 17 ans, je suis parti avec un ami chinois deux semaines en Chine l'été pour créer un business d'import-export. Finalement nous avons décidé de poursuivre sagement le parcours des études et avons intégré des classes préparatoires.
tes également un sportif de haut niveau. Cela vous aide dans votre vie d'entrepreneur ? Etre entrepreneur c'est accepter les défis, la compétition, la concurrence, le stress…et c'est exactement ce que j'ai l'habitude de vivre au travers de mon sport - l'escrime - que je pratique toujours à haut niveau. Je prépare d'ailleurs actuellement les championnats du monde de Leipzig qui auront lieu en juillet.
Alexandre Woog
Par qui avez-vous été accompagné lors de la création de votre startup ?
Lorsque nous avons démarré e-loue avec mon associé, nous étions jeunes et avions très peu d'expérience. Nous avons eu la chance d'intégrer l'incubateur de mon ancienne école HEC et de bénéficier d'un accompagnement, d'un coaching, d'un réseau, d'une formation et de bureaux. Nous avons aussi été accompagnés par l'incubateur Telecom Sud Paris. C'est très important à mes yeux de ne pas se sentir seul et de se nourrir d'avis extérieurs. Après, libre à chacun d'écouter ou non les conseils donnés, de faire son choix ! Cela est d'autant plus important qu'il est compliqué d'obtenir des avis objectifs de ses proches, souvent trop enthousiastes ou trop pessimistes… Nous avons d'ailleurs toujours à nos côté des professionnels que nous considérons comme des partenaires : notre banquier, notre expert-comptable, nos avocats…
Pouvez-vous nous décrire votre entreprise aujourd'hui ? Quelle stratégie de développement avez-vous suivie ?
Le concept de base d'e-loue est le même en 2017. Il permet de "tout" louer et même "encore plus" puisque nous avons désormais 500 000 annonces. Nous comptons aujourd'hui 2,5 millions d'inscrits, 250 000 membres actifs et plus de 1 000 loueurs professionnels. Néanmoins, l'entreprise a beaucoup évolué depuis sa création. A l'origine, e-loue était un site de petites annonces dans la location. Rapidement, nous avons sécurisé toutes les transactions grâce à un paiement en ligne, une caution dématérialisée, un contrat de location pré-rempli, un système de notations et commentaires, une assurance incluse via notre partenaire Allianz. Quelques années plus tard, nous nous sommes rendu compte qu'il y avait en France beaucoup de loueurs professionnels et qu'aucun site ne rassemblait leurs offres. Nous avons alors eu l'idée de créer une offre innovante pour les aider à se développer en les intégrant à notre site.
Et le succès a été au rendez-vous…
En effet, rapidement Loxam, Carrefour Location, Espace Emeraude et Leroy Merlin ont déposé leurs offres de location sur e-loue. Dans le secteur de l'achat-revente, de nombreuses places de marché réunissent les offres de particuliers et professionnels, mais dans celui de la location c'est très innovant et différenciant. Aujourd'hui, nous continuons à innover et venons de lancer une nouvelle version de notre site qui présente sur la page d'accueil des promotions de loueurs. Ainsi, les loueurs payent pour être mis en avant : nous avons créé une sorte de "Groupon de la location". Enfin, pour renforcer notre offre, notre communauté et notre trafic, nous avons adopté une stratégie de croissance externe et avons déjà procédé à l'acquisition d'autres startups telles que Sejourning, TocLoc, ContactNgo, Nautlidays, Mamanlou, Troc-Echange, UnVoisinEpatant.
Comment avez-vous financé votre croissance ?
Nous avons ouvert le capital de l'entreprise à des investisseurs et avons levé à deux reprises (en 2010 puis en 2014) des fonds pour un montant total de 2,5 M€. Nous avons ainsi accueilli des personnes avec des compétences diverses et complémentaires mais qui ont tous en commun d'avoir réussi leur carrière professionnelle. Cela nous a permis non seulement de financer notre développement, mais de bénéficier de leur expérience et de leur accompagnement. Depuis, un comité stratégique a été mis en place pour nous accompagner dans la phase de croissance de l'entreprise. Par ailleurs, d'autres personnes extérieures à l'entreprise nous apportent régulièrement leur aide et leurs conseils. Pour notre deuxième levée de fonds, Jean-Louis Delvaux (Natixis - Managing Director of International Development) nous a accompagnés dans la rédaction du business plan.
Quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées durant cette phase de développement ?
Le financement est une réelle problématique pour les startups. D'autant que dans l'univers du web et des places de marché, la rentabilité n'est pas suffisamment rapide pour permettre de s'autofinancer. Au démarrage, nous avions un capital de 3 000 euros et il a été compliqué d'obtenir un premier prêt. Ensuite, lorsque nous avons réalisé notre première levée de fonds, nous ne pouvions pas encore faire état d'un chiffre d'affaires. Il a donc fallu convaincre des investisseurs sur un concept et une équipe. Nous avons par ailleurs dû changer de modèle économique. C'est le cas pour la grande majorité des startups. Il faut savoir écouter le marché et s'y adapter. C'est une autre difficulté. Enfin, en phase de croissance il a fallu gérer les recrutements. Nous étions au départ une équipe de deux associés et sommes passés à un effectif de 30 collaborateurs, dont une dizaine à l'international. Il y a une vraie crainte pour les entrepreneurs de recruter des CDI… Les ressources humaines représentent un enjeu et un vrai défi au quotidien.
Equipe d'e-loue
Votre vie a-t-elle changé aujourd'hui par rapport au début de l'aventure ?
Avant tout, j'ai le sentiment d'être toujours un entrepreneur, un chef d'entreprise. Mais il est sûr que sur certains domaines mon rôle a évolué. Je suis plus aujourd'hui dans la stratégie que dans l'exécution. Nous avons un directeur commercial en charge de la prospection des loueurs professionnels, un responsable chef de projet digital… J'ai pour ma part beaucoup plus de responsabilités vis a vis de mes actionnaires, mes salariés, mes clients. Enfin, ma vie a changé aussi (et principalement) sur le plan personnel. J'ai commencé l'aventure en tant que jeune célibataire et je suis aujourd'hui marié et père de deux magnifiques filles ! :-)
Quels sont vos objectifs pour les prochaines années ?
Mon principal objectif est que e-loue devienne un réflexe pour la location de la même manière que Booking l'est pour les hôtels, Lafourchette pour les restaurants, etc. Nous devons donc continuer à étoffer l'offre et la demande sur le site, convaincre tous les loueurs professionnels en France de nous rejoindre. Le développement international que nous avons initié fait aussi partie de nos objectifs. Mon second objectif est d'attirer les distributeurs qui se lancent également aujourd'hui dans la location. Nous en avons déjà plusieurs sur e-loue. C'est le cas, par exemple, pour Gifi qui loue des voitures et utilitaires ou Go Sport pour des vélos. Demain, je pense que tous les commerçants pourront lancer une activité de location pour se diversifier, obtenir des revenus supplémentaires, générer du trafic en magasin, faire tester des produits. Ainsi, un vendeur d'appareils photos peut louer quelques appareils, un plombier du matériel qu'il n'utilise pas tous les jours, etc. Enfin, je n'exclus pas de procéder à de nouvelles levées de fonds si des opportunités capitalistiques se présentent...
Quels enseignements tirés de votre expérience pourraient être transmis à ceux qui souhaitent se lancer dans le e-commerce ou e-service aujourd'hui ?
Au départ, je pensais naïvement que le e-commerce était un moyen d'entreprendre avec peu d'argent. Certes, nous avons lancé e-loue avec 3 000 euros. Mais nous avons dû lever des fonds importants car le e-commerce est en fait très coûteux. Que l'on se lance dans un commerce ou dans un e-commerce, l'enjeu est le même : il faut faire venir du monde ! Vous avez beau avoir le plus beau site, si personne ne vient il ne sert à rien. Il faut donc bien évaluer ses besoins et prévoir du budget, même faible au départ, pour de nombreux postes : marketing, communication, technique, ressources humaines, etc. Par ailleurs, sauf cas exceptionnel, un site e-commerce prend un peu de temps avant de décoller. Il faut donc bien gérer ses dépenses pour tenir et être patient. Entreprendre c'est courir un marathon à la vitesse d'un sprint !
Propos recueillis par l'AFE en mars 2017
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