Le "dropshipping" est très en vogue. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste cette activité ?
Il s'agit d'une tendance e-commerce qui consiste à vendre des produits sans les posséder en stock. Le vendeur n'est donc en charge que de la commercialisation et de la vente du produit, au travers d'un site vitrine.
Dès qu'un client réalise une commande sur son site, le dropshipper la transmet à un fournisseur partenaire qui se charge de la livraison. Il ne gère donc aucun aspect logistique de la vente : la gestion des stocks et l'expédition étant déléguées au fournisseur tiers.
C'est une activité qui présente entre autres l'avantage certain de pouvoir travailler du lieu que l'on souhaite (seul un ordinateur est nécessaire), un style de vie très attractif aux yeux de nos élèves.
Qui nécessite donc de créer un site marchand attractif…
Oui, mais il existe des solutions très simples pour cela. Beaucoup de dropshippers se lancent en utilisant le CMS Shopify par exemple, qui leur permet de créer très rapidement des sites marchands performants et adaptés à leurs besoins.
Précisons qu'il est presque impossible de distinguer une page de dropshipping d'un e-commerce classique lors d'une visite sur le site. Le business model n'est pas transparent pour le client final.
Qu'est ce qui différencie ce modèle de celui d'une marketplace (place de marché) ?
C'est une excellente question. Dans les deux cas, la logistique est gérée par des fournisseurs tiers. Si cet aspect les rapproche, il s'agit néanmoins de deux modèles très différents.
Les marketplaces sont des plateformes web qui permettent de regrouper en un même lieu des offres concurrentes, qu'elles soient spécialisées sur une verticale (Manomano sur le bricolage ou Airbnb sur la location d'appartements par exemple) ou plus généralistes (Amazon Marketplace). Elles mettent en relation une offre et une demande, en faisant office de tiers de confiance (fournisseurs répondant à une charte, avis vérifiés, politique d'assurance, etc.) et prélèvent une commission sur chaque transaction réalisée, monétisant ainsi leur apport de clientèle.
En dropshipping et contrairement aux marketplaces, l'identité des fournisseurs n'est pas transparente pour les acheteurs. Le client réalise sa transaction sans se douter que le site de dropshipping ne possède pas le produit en stock et passe par une partie tierce pour le stocker et l'expédier. Il n'y a donc pas pour lui de risque de « leak », c'est-à-dire de contournement par des utilisateurs tentés de contacter directement les fournisseurs.
Le modèle du dropshipping permet également à l'entrepreneur d'investir plus fortement sur le développement de son identité en ligne et de faire de son site un écrin pour sa marque.
Qu'en est-il des modèles économiques de ces deux formules ?
Elles présentent des modèles économiques très différents. Une place de marché conserve entre 8 % et 15% de chaque transaction. La marge commerciale d'un dropshipper, quant à elle, se situe plutôt entre 40 % et 50%.
Notons toutefois que l'offre présentée sur une marketplace est généralement plus importante que sur le site d'un dropshipper, qui ne travaille en principe qu'avec un groupe de fournisseurs limité. Ceci permet à la marketplace de réduire mécaniquement les coûts d'acquisition d'un prospect et d'augmenter la probabilité de "repeat" (réachat) au travers d'une offre plus profonde.
Le dropshipping, une activité à la portée de tous ?
Oui et non. S'il est assez facile de se lancer en dropshipping, il ne faut toutefois pas prendre son lancement à la légère.
Contrairement à ce qu'affirme un mythe qui se répand sur Internet, je déconseille le dropshipping aux personnes ne disposant pas d'une assiette financière suffisamment solide pour accuser des pertes potentielles.
A minima, il faut prévoir une enveloppe initiale de 2000 €, même pour un store de faible ampleur destiné à la génération de revenus complémentaires. En effet, il est souvent nécessaire de réaliser des tests de publicité Facebook pour trouver les combinaisons performantes d'audience et de publicité (visuels, ciblage…). Notre élève Florian a par exemple dû dépenser 10 000 € en tests sur Facebook avant de voir ses ventes décoller.
Au-delà de l'aspect financier, et à nouveau contrairement à ce qu'on lit parfois sur Internet (chez ceux que j'aime appeler les "vendeurs de rêve"), gérer un site de dropshipping est une activité très prenante qui demande d'optimiser ses publicités en permanence pour obtenir un marketing efficace et efficient. Cela est donc difficilement compatible avec une activité principale à fort volume horaire si l'on vise des niveaux de chiffre d'affaires élevés.
Est-ce un bon moyen pour tester un marché avant de se lancer dans le e-commerce ?
Tout à fait. D'ailleurs, au-delà d'une première phase de lancement, je remarque chez nos élèves une tendance à vouloir se rapprocher de leurs fournisseurs pour posséder leur propre stock. Cela présente des avantages, à commencer par un meilleur contrôle de l'expérience client et de plus fortes marges, dues à une puissance de négociation plus importante vis-à-vis des fournisseurs.
Le dropshipping apparaît donc pour eux comme une excellente stratégie de lancement, qui leur permet de tester un marché avec un risque limité, pour évoluer ensuite vers un modèle plus intégré pour accroître les marges.
Que risque la personne qui se lance dans le dropshipping ?
Comme tout e-commerçant, le dropshipper doit se conformer à un cadre légal qui protège le consommateur. Mais, étant donné que ce n'est pas lui qui assure la logistique, c'est plus compliqué.
Se posent les questions des normes et de la qualité des produits vendus. Si un accident venait à survenir avec un produit vendu par un dropshipper, sa responsabilité pourrait être engagée. D'où la nécessité impérieuse d'effectuer des recherches poussées sur AliExpress par exemple (*) et idéalement de tester les produits avant de les proposer à la vente.
Par ailleurs, la France prévoit un droit de rétractation de 14 jours suivant tout achat en ligne, ce qui peut poser des problèmes avec certains fournisseurs. Il est donc essentiel de se rapprocher d'eux pour fixer en amont les règles de la collaboration, en gardant à l'esprit qu'il sera souvent difficile d'obtenir gain de cause en cas de litige lorsqu'ils sont situés hors d'Europe.
Il faut également anticiper les problématiques de service clients tels que les retours d'articles ne plaisant pas ou défectueux : qui paiera les frais de ports, seront-ils à la charge du dropshipper ou du fournisseur, etc ?
Certains de nos élèves ont eu par exemple des expériences difficiles avec des fournisseurs à l'étranger, qui n'ont tout simplement jamais livré certaines commandes.
Enfin, notons que beaucoup de fournisseurs expédient les produits sous l'appellation “Gift” (cadeau) afin d'éviter les frais de douane. J'insiste sur le fait que cette pratique est illégale et peut occasionner des frais de douane facturés au client final en cas de contrôle, qui pourra se retourner contre le dropshipper.
Quels conseils donneriez-vous à une personne qui se lance dans le Dropshipping ?
J'aurais 4 conseils de base à lui donner :
1) Qu'elle maîtrise très finement les canaux digitaux d'acquisition de clients - en particulier la publicité payante sur Facebook, canal le plus adapté aux produits proposés en dropshipping (des produits souvent peu chers, régis par des mécanismes d'achats impulsifs). En effet, la réussite du projet dépend fortement de la capacité du dropshipper à atteindre ses clients avant ses concurrents.
2) Qu'elle choisisse des fournisseurs de confiance, pour garantir une expérience qualitative aux clients (et ainsi récolter des premiers avis de qualité). Une étude très attentive des avis et des temps de livraison sur AliExpress est ainsi essentielle.
3) Qu'elle soit en mesure de consacrer suffisamment de temps à cette nouvelle activité. Comme j'aime souvent le rappeler, il n'y a pas de “revenus passifs” sur Internet.
4) Enfin, qu'elle n'hésite pas à se rapprocher d'autres dropshippers pour échanger des “best practices” et accroître son pouvoir de négociation vis-à-vis des fournisseurs en groupant des commandes par exemple. Ce sont des échanges que nous favorisons particulièrement entre les dropshippers de notre communauté LiveMentor, et qui peuvent déboucher sur des collaborations à fort impact en SEO notamment (articles croisés, échange de liens…).
(*) AliExpress est une place de marché qui permet aux dropshippers de trouver facilement des produits à vendre en ligne sur leur site marchand. D'autres sites peuvent également être consultés comme Light in the Box et Deals Machine
Propos recueillis par Laurence Piganeu en janvier 2018
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Janvier 2018