Entretien avec Françoise Piou, repreneuse de Wolff SAS

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre parcours professionnel ?

Après avoir obtenu le BTS Matériaux souples, puis le Desim (Diplôme d'études supérieures des industries de la mode), j'ai débuté ma carrière professionnelle en Vendée, chez Atlanco, fabricant de vêtements pour enfants, en tant que chef d'une équipe de 22 personnes. J'ai ensuite exercé les fonctions de responsable de collection puis de responsable négoce Asie et Europe de l'Est.au sein de l'entreprise de maroquinerie Gérard Henon. En 2000, j'ai accepté un poste de responsable production en Thaïlande dans une filiale du groupe Christian Dior (Unité de production dédiée à la marque Baby Dior). Début 2010, le Groupe a pris la décision de fermer le site, car le "made in Asia" était incompatible avec le développement commercial sur cette même zone. C'est à ce moment, qu'après une recherche d'emploi infructueuse sur la zone Europe, je me suis intéressée à la reprise d'entreprise en France. En Janvier 2011, j'ai étudié un dossier de reprise, mais l'affaire n'a pas abouti. J'ai alors adhéré au CRA début 2011, et la première affaire qui m'a été présentée fut la bonne ! En Juin 2011, j'étudiais le dossier Wolff et peu de temps après je rencontrais le cédant. J'étais alors en concurrence avec d'autres repreneurs potentiels.

Que vous a apporté le CRA ?

Le CRA est un cadre idéal pour les rapprochements entre cédants et repreneurs. Il invite chacune des parties à se préparer dans un cadre structuré et organisé, ce qui facilite les échanges. C'est d'ailleurs dans les "annonces affaires" du CRA que j'ai trouvé la cible. Mon parrain CRA de la délégation de Cholet est resté proche de moi au départ et m'a alerté sur différents sujets. Il ne s'est cependant pas immiscé dans les négociations. Le guide CRA "Reprendre ou transmettre une entreprise" m'a beaucoup aidé. Sa lecture est indispensable pour le repreneur comme pour le cédant. Elle apporte la culture de la reprise, permet de mieux se comprendre et facilite ainsi les négociations.

Comment avez-vous défini le type d'entreprise que vous souhaitiez reprendre ?

Compte tenu de mon expérience professionnelle, de mes moyens et de ma motivation au métier de l'habillement, la cible devait être un façonnier avec un effectif de 30 à 50 personnes. Ma recherche a duré une année, au cours de laquelle j'ai étudié 2 dossiers. J'ai eu connaissance de la société Wolff SAS par l'intermédiaire du CRA. C'est un façonnier haut de gamme, installé en Vendée depuis 40 ans. L'entreprise emploie 31 personnes et réalise un chiffre d'affaire de 1,4 millions €. Son fondateur, Raymond Wolff, 64 ans, est en retraite depuis un an et demi et souhaitait boucler la vente avant la fin de l'année 2011. Son plus gros client est Agnès B. L'entreprise travaille également avec des marques de luxe françaises sensibles au "Made in France".

Combien de temps ont duré les négociations ?

Les négociations avec le cédant ont duré 4 mois. Les principaux problèmes rencontrés étaient liés au passif social. Sur ce plan, il est important d'être épaulé par des professionnels du domaine. Une fois l'opération réalisée, l'accompagnement du cédant, initialement prévue pour 2 mois, a été ramenée à un mois. Cette durée a été suffisante pour transmettre l'essentiel des dossiers.

Quel montage juridique et financier avez-vous adopté ?

J'ai créé une holding (sous la forme de SARL) qui a acheté 100% des titres de la SAS Wolff. L'opération a été financée à raison de 15% par apport personnel, 55% par financement bancaire et 30% en faisant remonter la trésorerie de l'entreprise. Le business plan a été très important pour convaincre les banques et OSEO. Il ne doit pas être trop ambitieux, mais pertinent quand a la faisabilité du projet.

Vous avez eu recours à des experts ?

Oui, il est indispensable de faire appel à des experts juridiques, sociaux, comptables et fiscaux. Ils vous apportent leurs conseils professionnels, des éléments de négociation et bien sûr leur expérience dans le domaine de la transmission. Ils rédigent l'ensemble des documents juridiques liés à l'opération. J'ai été conseillée par un expert comptable et un avocat recommandé par le CRA.

Quelles ont été les bonnes et les mauvaises surprises dans les 100 jours qui ont suivi la reprise ?

Les bonnes surprises : - des clients qui renouvellent leur confiance et sont rassurés par mon profil professionnel, - l'équipe en place : 2 agents de maitrise compétents, fiables et sympathiques. La mauvaise surprise : la gestion difficile du stress et du sommeil...

Avez-vous un commentaire personnel à faire sur cette expérience ?

L'année 2011 a été pour moi une année compliquée avec un double changement : professionnel et géographique. Mais cela a été riche en découverte et en motivation. Il m'a semblé important de changer le nom de la Société. Elle s'appelle maintenant "La Ferrière Couture". La transmission est un processus qui prend du temps ; ce temps est nécessaire pour intégrer toutes les facettes de la reprise, aussi bien techniques que psychologiques.

Et si c'était à refaire ?

Je le referais sans hésiter, avec l'expérience en plus, surtout dans les domaines comptable et juridique. Reprendre une affaire dans le textile en France pourrait paraître risqué, mais il semble qu'après une délocalisation massive, le secteur du luxe renoue avec la fabrication française. Néanmoins, je n'aurais sans doute pas repris une entreprise si j'avais eu une responsabilité familiale. La reprise d'une entreprise puis le rôle de chef d'entreprise exigent une grande disponibilité.
Juillet 2012