Entretien avec Louis Belage, repreneur de la SAS Précision Micron Mécanique

  • Temps de lecture: min

Pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel ?

J'ai commencé ma carrière comme ingénieur méthode puis responsable méthode dans plusieurs entreprises de mécanique. Puis j'ai passé 17 ans comme directeur industriel de Stromag France, qui fabrique des freins industriels. J'étais responsable de la fabrication, de la logistique, des méthodes et de la maintenance. C'est une filiale d'un groupe allemand dont les activités s'étendent à la sidérurgie, au portuaire et à l'énergie éolienne. Je devais monter un site de fabrication d'éoliennes en France, mais avec la crise, le poste a été décentralisé en Allemagne, et j'ai dû négocier mon départ. J'ai toujours souhaité avoir ma propre entreprise : c'était donc le moment ou jamais !

Vous avez suivi la formation proposée par le CRA ?

Oui, j'ai connu le CRA par un de mes collègues de travail. J'ai adhéré en septembre 2010 et j'ai suivi le cycle CRA de formation à la reprise en novembre, ce qui m'a permis d'acquérir un outil et une méthodologie pour mener à bien mon projet. Avec le recul, je pense que si je n'avais pas fait la formation du CRA, je n'en serai pas là aujourd'hui. Je n'imagine pas que l'on puisse reprendre une PME sans avoir suivi ce stage, à moins d'avoir acquis une expérience de la reprise dans sa carrière. J'ai fait partie d'un groupe de repreneur en région parisienne, malheureusement je n'y suis pas resté longtemps, pour des raisons de planning, car j'habitais en Bourgogne.

Comment s'est déroulée la phase de recherche d'une entreprise à reprendre ?

Je souhaitais reprendre une entreprise d'électromécanique. Je me suis inscrit aux alertes de tous les sites internet, j'ai démarché les cabinets d'expertise-comptable, les intermédiaires et c'est finalement chez le cabinet Sodica que j'ai trouvé ma cible. Ils avaient un mandat vendeur pour la SAS Précision Micron Mécanique, qui correspondait à ce que je cherchais. Pendant mes recherches, j'ai vu 25 dossiers, dont 20 sérieusement, et j'ai envoyé 3 lettres d'intention. J'ai négocié avec 2 sociétés en même temps, mais j'ai abandonné une des négociations, car le vendeur était trop exigeant. Mon premier contact avec mon cédant a eu lieu en mai et le closing le 18 novembre.

Photo de l'activité de Micron-Mecanique

Quelle est l'activité de votre entreprise ?

Précision Micron Mécanique est un sous-traitant mécanique de précision dans l'aéronautique, installé dans l'Essonne. Ses clients sont des fournisseurs d'Airbus, de Boeing et de Dassault. L'entreprise a connu des difficultés en 2009, avec une perte de 200 000 € et a dû licencier 3 personnes. Elle avait 16 salariés pendant la négociation, elle en a 19 aujourd'hui, car j'ai anticipé des recrutements avant le closing. Le chiffre d'affaires 2011 est en augmentation de 15 % par rapport à 2010 et celui de 2012 va suivre la même progression. Nous avons déjà un carnet de commandes de 6 mois.

La négociation a-t-elle été facile ?

Non, elle a été rendue difficile par le conseil acheteur qui voulait que toute demande de renseignements passe par son intermédiaire. Il ne m'a donc pas facilité les contacts avec le cédant. Je n'ai pas discuté le prix qui représentait un peu plus que 4 fois le résultat d'exploitation. Mais j'ai dû négocier sur la trésorerie que le cédant voulait sortir en totalité de la société et sur la rémunération de l'accompagnement qui a été prévu sur 2 mois. Le cédant a le même âge que moi, 53 ans. Il a commencé à travailler à 14 ans et a créé la société il y a 20 ans. Il se sentait fatigué, un peu dépassé par l'évolution actuelle et préférait céder plutôt que de voir l'entreprise décliner. Nous avons rédigé une clause de non concurrence et une garantie de passif. Je pense qu'il est content que je sois différent de lui. Il a compris, qu'avec mon expérience passée, je pouvais apporter une meilleure organisation et planification à l'entreprise. Le cédant voulait assurer la pérennité de son entreprise, pour cette raison il n'a pas souhaité vendre à des sociétés en recherche de croissance externe. Au départ j'ai fait une offre très basse, compte-tenu des mauvais résultats 2009. J'ai fait ensuite une 2ème offre qui était (je l'ai su ensuite) dans la fourchette basse du prix souhaité. Ma première entrevue s'est déroulée dans les locaux de la société, en présence de l'intermédiaire. Le cédant voulait quelqu'un du métier qui connaissait bien la mécanique. Il n'a pas eu beaucoup de candidats. La Sodica a plus défendu ses intérêts propres que ceux du vendeur ou de l'acheteur. Elle donnait l'impression d'avoir peur d'être court-circuitée. Toute la négociation devait passer par eux. J'ai eu du mal à obtenir certains documents... Il est vrai que le vendeur ne souhaitait pas être mêlé à la vente car il était très occupé par l'entreprise.

Et avec le personnel, comment cela s'est-il passé ?

Le cédant avait gardé la négociation secrète. J'ai eu un premier contact avec le personnel le lendemain du closing. Ils étaient très surpris. Ils pensaient que rien ne pouvait arriver à la boite, ce qui est étonnant par les temps qui courent ! Il y a deux cadres dans la société : une responsable qualité et des achats et un technicien. Le problème est que le cédant avait tout dans sa tête. Aujourd'hui il y a une base informatique insuffisante. Je vais installer très vite un ERP.

Photo de l'activité de Micron-Mecanique

vous nous parler du montage financier de cette reprise ? J'ai monté un LBO classique. J'ai obtenu 3 prêts d'honneur d'IDF transmission, de France initiative et Nacre, le tout représente 5 à 6 % du montage. J'ai obtenu un prêt de la Caisse d'Epargne et de la Sofired, un contrat développement transmission d'Oséo, et en plus la garantie d'Oséo. Initialement la Caisse d'Epargne ne m'avait pas demandé de caution personnelle, mais à la demande d'Oséo, j'ai du donner ma caution pour 20% du crédit. Je n'ai pas signé de protocole avec le vendeur, la Sodica prétextant que cela ne se faisait plus. Cela m'a posé des problèmes pour les prêts d'honneur et les prêts bancaires.

Vous avez eu recours à des professionnels pour vous aider ?

Oui, je voulais des conseils, réactifs, souples et disponibles et adaptés à la taille de l'entreprise cible. J'ai choisi pour m'accompagner Guillaume David, avocat et Alexandre Tellier, expert comptable, intervenants de la Formation CRA. J'ai gardé ce dernier comme expert comptable de la société. La rédaction du business plan est fastidieuse à faire. Je l'ai montré à Alexandre Tellier qui me l'a fait modifier plusieurs fois pour répondre aux demandes de la Sofired. J'ai été félicité pour mon business plan pour lequel j'avais choisi des options pessimistes (croissance de 1,5 %) Fort heureusement je suis largement au dessus ! Assez curieusement, je me suis rendu compte que ce n'est pas la croissance qui intéresse les banques. Elles regardent le passé et se posent la question : le repreneur fera-t-il aussi bien ?

Avez-vous eu des bonnes et/ou mauvaises surprises ?

La bonne surprise : le carnet de commande était bien rempli. L'année 2012 s'est donc bien passée. Les moins bonnes surprises : j'ai dû accélérer l'organisation à mettre en place et prévoir des investissements. Bien sûr je signerais à nouveau sans hésiter. Mon gros challenge est de fidéliser les clients. La société va s'améliorer sur deux points faibles : - les délais - les non-conformités constatées en clientèle, sans doute dues à la forte croissance et à un manque de préparation en amont. Je veux la sécurité pour les clients et je vais m'attacher à régler rapidement ces deux problèmes.

Photo de l'activité de Micron-Mecanique

Juin 2012