La modernisation de l'action publique au service des entrepreneurs

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elle mesure la démarche de modernisation de l'action publique que vous avez initiée il y un an peut-elle avoir des répercussions positives sur l'activité des entrepreneurs ? Les répercussions sont nombreuses puisqu'une démarche de modernisation de l'action publique, c'est d'abord une démarche d'amélioration de la relation avec les entrepreneurs, notamment grâce à une meilleure utilisation de ce que l'on appelle l'e-administration. Il s'agit avant tout de mettre en œuvre un ensemble de mesures de simplifications dans le cadre du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi. Les exemples sont multiples : le programme « Dites-le nous une fois » qui va permettre aux entreprises de ne plus avoir à fournir à plusieurs reprises les mêmes informations à différentes administrations, la mise en place de la déclaration sociale nominative qui deviendra le processus déclaratif unique pour les informations sociales des entreprises, la suppression de l'obligation de publication annuelle des comptes pour TPE réalisant moins de 700 000 euros de chiffre d'affaires, le programme en faveur de l'accès à la commande publique pour les PME/ETI, des « tests PME » pour mesurer l'impact de nouvelles normes sur les entreprises…

On a beaucoup parlé dernièrement du sujet des aides aux entreprises, comment peut-on améliorer leur efficacité ?

La mission confiée par le Premier ministre à Thierry Mandon sur la simplification des démarches des entreprises a permis de mettre en lumière que certaines aides aux entreprises pouvaient être redondantes ou qu'elles pouvaient provoquer des effets d'aubaine. L'évaluation des aides publiques, Etat, services déconcentrés et collectivités territoriales, aux entreprises permettra in fine d'économiser deux milliards d'euros et d'allouer des ressources nouvelles à des secteurs qui n'étaient pas ou peu couverts jusque-là.

Parmi les critères d'évaluation de la politique d'aides aux entreprises, est-on capable de mesurer la perception des entrepreneurs vis-à-vis de son efficacité ?

Sur le sujet des aides aux entreprises, ce sont les entrepreneurs eux-mêmes qui ont alerté les pouvoirs publics sur le manque d'efficacité de certaines aides. Ils nous ont par exemple demandé de veiller à la bonne utilisation du crédit impôt recherche afin qu'il soit utilisé pour de véritables innovations et non pas à plusieurs reprises pour financer une innovation qui a d'ailleurs pu, entre-temps, devenir publique. Ils nous ont également demandé de regarder de près les aides aux entreprises qui peuvent provoquer une concurrence déloyale pour les entreprises déjà installées. Cela peut être le cas d'aides à la relocalisation utilisées sur des territoires dont le tissu industriel est déjà bien structuré ou qui peuvent provoquer des déménagements d'entreprise motivées uniquement par des raisons fiscales.

Autre sujet en lien avec l'évaluation : les innovations de politiques publiques. Vous souhaitez vous appuyer sur les bonnes pratiques observées à l'étranger comme celle du « MindLab » danois ?

Le laboratoire interministériel d'innovation publique créé par le Danemark au début des années 2000 constitue bien entendu une source d'inspiration pour le nouveau laboratoire de l'innovation publique de l'Etat que nous allons installer avant la fin de l'année. Or, son champ d'investigation est extrêmement large puisqu'il s'agit de réfléchir aussi bien sur l'enseignement de demain afin de faire évoluer les outils, les connaissances et les parcours d'orientation que sur la politique des transports afin d'anticiper l'évolution de la place de la voiture dans les années à venir. Innover, c'est trouver les moyens de combler le décalage observé entre les politiques publiques et les attentes réelles des usagers. C'est savoir anticiper les évolutions à venir (socio-économiques, technologiques, sociétales…) pour que les politiques publiques soient réellement applicables et appliquées.

En quoi le premier volet du projet de loi de décentralisation que vous présenterez au Sénat à la fin du mois permettra-t-il de renforcer concrètement le rôle des régions et des métropoles en matière de développement économique ?

Les Régions sont confirmées dans leur rôle de chef de file mais nous prenons également acte du fait que les villes sont des acteurs du développement économique capables de gérer des missions aussi diverses que celle d'un laboratoire de recherche, d'un centre hospitalier, d'une pépinière ou d'un cluster. C'est pourquoi, la région devra, dans son schéma de développement économique, intégrer le schéma de développement de la ville ou de la métropole la plus importante qui se situe sur son territoire afin se s'assurer de la cohérence de l'action publique. L'outil de mise en cohérence de ses stratégies de développement sera une nouvelle instance, la conférence territoriale de l'action publique qui devra aboutir à la conclusion d'un pacte de gouvernance pour définir les rôles de chacun. La signature de ce pacte constituera d'ailleurs la condition préalable au maintien des financements croisés. Notre volonté est que la région soit le lieu de cohérence des politiques publiques et qu'elle devienne la porte d'entrée des entrepreneurs. Ainsi, sur la question de l'implantation d'une entreprise, l'entrepreneur devra trouver au niveau de la région les informations lui permettant d'anticiper au mieux ses problématiques de logistique ou la question des déplacements domicile-travail pour ses salariés.

Le deuxième volet du projet de loi de décentralisation prévoit également la mise en place de « maisons des services au public » dans certains territoires, en quoi peuvent-elles être utiles aux entrepreneurs ?

Il s'agit à l'échelle départementale de créer ces maisons de services au public pour garantir l'accès de tous aux services essentiels, qu'ils soient assurés par l'Etat et les collectivités ou par des entreprises privées de services (poste, gaz, électricité…), en recourant, au besoin, à de nouvelles formes de services dématérialisés.

Quelle place occupe le sujet de la politique d'ouverture des données publiques, que l'on appelle open data, dans ce processus de modernisation de l'action publique ?

La question de l'ouverture et du partage des données publiques est stratégique puisque le Gouvernement est déterminé à mettre à disposition des citoyens le maximum d'informations publiques gratuitement. Nous allons lancer des débats thématiques pour définir les données utiles à partager dans le domaine du logement, de la santé et de l'enseignement supérieur. L'accès aux données déjà ouvertes sera quant à lui amélioré par la création d'un catalogue national permettant de trouver l'ensemble des données publiques librement accessibles sur data.gouv.fr

Quel serait le bilan d'une politique de modernisation de l'action publique efficace ?

La politique de modernisation de l'action publique doit être constamment en mouvement afin de s'adapter aux évolutions du monde qui nous entoure. Nous avons entamé pour la première fois en France une démarche d'évaluation de l'ensemble des politiques publiques d'ici 2017. Si nous voulons que ce processus soit efficace, nous devons organiser des évaluations en permanence et les valoriser par des bilans d'étape. Pour moi, la modernisation de l'action publique sera réussie lorsque l'on arrêtera de chercher absolument des modèles hors de nos frontières. Je suis persuadée que nous y arriverons en imposant notre modèle français ! Propos recueillis par Dominique Mentha et Vincent Le Brech en avril 2013
Avril 2013