Rencontre avec Polantis

Comment est né le projet Polantis ?

Lorsque j'ai travaillé en tant qu'architecte dans des cabinets, j'étais confronté à un problème récurrent : il était quasi impossible de trouver des copies virtuelles 2D/3D de produits existant réellement sur le marché. Les fabricants de ces produits communiquaient leurs collections à l'aide de catalogues papier qui ne sont plus adaptés aux méthodes modernes de la conception architecturale, à savoir : le dessin en informatique avec les logiciels de CAO. En effet, si un architecte voulait présenter un produit (une porte, un radiateur, un meuble design...) dans son plan informatisé ou en image de synthèse, il était obligé de le modéliser lui-même pour l'inclure dans son projet.C'est en constatant cela que j'imaginé la plateforme en ligne de Polantis : un espace où il serait possible pour les professionnels de l'architecture de télécharger gratuitement une copie virtuelle exacte des produits des fabricants.  C'est presque sur un coup de tête que j'ai décidé de monter mon entreprise. Je me sentais prêt pour le faire en m'appuyant sur une double compétence : architecte (diplômé de l'ENSA-V en 2007) et chef de projet informatique (pour avoir travaillé pour un éditeur de logiciels de CAO).J'ai investi toutes mes économies et je me suis associé avec mon beau-frère, qui avait déjà créé son entreprise. Il a apporté un peu d'argent et m'a donné le coup de main nécessaire au démarrage.

Comment s'est déroulé le lancement de l'entreprise ?

En septembre 2008, juste après la création de l'entreprise, nous avons prospecté au salon Maisons et Objets. C'est là que nous avons trouvé nos premiers clients. Puis, pendant un an et demi, j'ai travaillé seul en raison de la crise économique.J'ai ensuite engagé Laura Proust, qui est aujourd'hui mon associée. Elle est titulaire d'un master en marketing et communication, et son arrivée m'a permis d'accélérer mon développement. Laura n'avait à l'époque pas beaucoup d'expérience, mais elle était motivée, elle croyait au projet, elle avait envie de s'investir, et nos profils étaient vraiment complémentaires. Aujourd'hui, Polantis compte huit collaborateurs en France. Nous avons aussi des équipes basées à l'étranger.

Avez-vous déposé des brevets pour protéger votre entreprise ?

Les logiciels que nous avons développés en interne ne sortent pas de l'entreprise, c'est pour cette raison que nous avons décidé de ne pas déposer de brevet. En revanche,  nous  faisons signer à tous nos employés une clause de confidentialité ("non disclosure agreement"). Cela nous permet d'être protégés en interne contre toute divulgation.Il faut savoir qu'un dépôt de brevet coûte très cher, et représente des démarches administratives lourdes, d'autant plus quand, comme nous, on travaille à l'échelle internationale. Et puis surtout, notre valeur ajoutée, c'est notre idée de départ plus que nos développements informatiques. Or, contrairement à ce que beaucoup pensent, on ne peut pas breveter une idée. Plutôt que de passer beaucoup de temps à essayer de protéger nos concepts, nous nous efforçons de proposer un service de qualité à nos clients et de continuer à créer de la valeur pour les fidéliser. C'est d'ailleurs le conseil que j'ai envie de donner aux entrepreneurs : si votre idée est vraiment nouvelle, foncez ! Le temps que vos concurrents se réveillent, vous serez loin devant.L'idée est secondaire par rapport à l'équipe et à la synergie qui s'en dégage. Un très bon créateur saura faire fructifier une idée médiocre. Il pourra changer de cap, rebondir et sauver son entreprise. Beaucoup d'entrepreneurs font preuve de naïveté en pensant que leur idée est géniale. En réalité tout le monde peut avoir une bonne ou même une très bonne idée. Mais une idée ne vaut rien tant qu'on n'a pas prouvé qu'on est capable de la mettre en œuvre. Depuis la création de Polantis, pour optimiser au mieux la relation avec le client, j'ai fait au moins dix changements de cap. Il faut voir le business plan comme quelque chose d'évolutif et continuer à innover même après la création.

Vous n'aviez pas de concurrents au lancement de votre projet, puisque vous étiez sur un concept très innovant. Est-ce toujours le cas ?

Non, nous ne sommes plus seuls : quelques concurrents commencent à arriver sur le marché. Mais Polantis a de l'avance : nous sommes devenus les leaders sur notre marché.Voir émerger des entreprises concurrentes me fait en réalité très plaisir. D'une part, cela confirme notre idée de départ : il y a bien un marché, un réel besoin. D'autre part, je considère que j'ai beaucoup à apprendre de mes concurrents. J'attends avec impatience de voir comment ils vont aborder les difficultés que j'ai déjà rencontrées et résolues pour Polantis. Il y aura peut-être de bonnes idées à leur emprunter… Au final, les concurrents nous forcent à nous dépasser et à devenir meilleurs. Et ce sont les clients qui en profitent. 

D'ailleurs, comment continuez-vous à innover ?

Mon credo : une offre innovante se vend de façon innovante. Nous cherchons donc à nous démarquer par la commercialisation de nos produits. En effet, si vous êtes réellement innovant, vous devez créer le besoin chez votre client potentiel. Cela nécessite une bonne dose d'évangélisation. Les entreprises innovantes ont plus besoin de missionnaires que de vendeurs ! Nous avons décidé de faire des opérations ciblées sur les salons professionnels pour créer un sentiment d'urgence et un sentiment d'omniprésence auprès de nos clients : il faut que nous devenions incontournables, Polantis doit être le nouveau standard. C'est pour financer ces opérations que nous avons réalisé très récemment une nouvelle levée de fonds.

Vous avez réalisé deux levées de fonds auprès de business angels pour financer le développement de votre entreprise, la dernière il y a tout juste quelques semaines. Que répondre aux entrepreneurs qui craignent que les business angels les dépossèdent de leur entreprise ?

C'est complètement faux ! Les business angels ont au contraire tout intérêt à ce que l'entrepreneur reste maître à bord de son entreprise, et impliqué à 100%. En ce qui me concerne, je recherchais certes de l'argent pour développer mon entreprise, mais ce qui m'intéressait surtout c'était les conseils des business angels. Ils apportent leur savoir-faire et c'est inestimable. Réaliser une levée de fonds est une démarche qui prend beaucoup de temps, il faut compter au moins six mois. C'est un travail quasiment à temps plein. Pour une petite structure c'est un gros engagement, qui n'est pas évident à cumuler avec la recherche de clients… C'est pour cela que nous considérons nos business angels comme de véritables partenaires.

Propos recueillis en juin 2012 par Anne-Sophie Poupin

 
Mai 2012