Une reprise, c'est aussi une entreprise de séduction !

Pouvez-vous nous parler de votre projet ?

Mon projet consiste à reprendre et à développer une société industrielle fabriquant des équipements portuaires pour l'amarrage et l'accostage. Il s'agit de donner à la France un fournisseur majeur d'équipements portuaires dans un marché à haut potentiel.

Quels produits proposez-vous ?

CESM est une chaudronnerie spécialisée dans l'étude, la conception, la réalisation, la pose et la maintenance d'équipements portuaires pour l'accostage et l'amarrage (pontons lourds en acier, ras débordoirs, ducs d'Albe, défenses, boucliers, bittes d'amarrage, bollards, crocs de largage rapide instrumentés, passerelles). La société accompagne également ses clients du secteur des travaux publics dans la construction des quais, grâce à la fabrication d'outillages dédiés (guides de battage, palonniers, coffrages).

Pour quelles raisons avez-vous décidé de reprendre une entreprise ?

Au terme d'une carrière très intéressante dans la Marine nationale et le nucléaire, j'avais envie de développer mon propre projet. Après quelques expériences infructueuses de création d'entreprises autour du nucléaire, j'ai décidé de me concentrer sur la reprise d'entreprise qui semblait mieux me convenir.

Quels critères avez-vous retenus pour sélectionner l'entreprise ?

Je cherchais une entreprise industrielle dans un domaine autour de la mécanique, d'une taille raisonnable (entre 5 et 50 personnes pour un CA entre 0,5 et 5 M€), in bonis, avec des perspectives de développement, facilement accessible depuis Paris pour des raisons familiales, et le tout à un prix me permettant d'acheter ou tout du moins de rester "maître à bord".

Comment avez-vous procédé pour trouver l'entreprise ?

J'ai principalement utilisé la bourse d'entreprises à reprendre du CRA (association des Cédants et repreneurs d'affaires), tout en élargissant ma recherche aux autres grands acteurs du milieu : Fusacq, Bpifrance, CCI, etc., ainsi qu'à quelques intermédiaires privés. J'ai également essayé d'approcher le marché caché.

Pouvez-vous nous en dire plus sur le marché caché ?

Il s'agit de trouver la société correspondant le mieux à ses critères sans qu'elle soit officiellement en vente. Ces critères peuvent être : le métier, l'implantation géographique, la taille, les résultats, mais aussi (et surtout) l'âge du dirigeant !Une fois cette société trouvée, il faut alors contacter le dirigeant et le convaincre de vendre. Cela permet au repreneur d'avoir un certain avantage en termes d'exclusivité et au cédant potentiel d'avoir un acheteur réellement motivé.

Pourquoi le cédant vous a-t-il choisi ?

Il faudrait l'interviewer ! Je pense cependant pouvoir dire qu'il a trouvé en moi un digne successeur, passionné par le métier, prêt à développer l'entreprise sans travestir ses valeurs. Lors du processus de reprise d'une PME, le prix est souvent un élément secondaire.

Vous voulez dire que la personnalité du repreneur est le critère déterminant dans une reprise ?

Ce n'est pas qu'une question de personnalité mais d'adéquation entre cédant et repreneur. Et oui, pour une reprise cette adéquation c'est 51 % de l'affaire. Vous pouvez trouver l'entreprise de vos rêves, si le cédant ne veut pas vous vendre à vous, vous ne l'achèterez pas.

Comment avez-vous procédé pour reprendre l'entreprise ?

J'ai réalisé le diagnostic global moi-même, grâce aux formations et outils de l'IAE et du CRA. En revanche, j'ai évidemment fait appel à des cabinets d'experts pour confirmer les aspects comptables, juridiques et sociaux. Il y a de nombreux éléments sur lesquels il faut être attentif et chaque reprise est unique. Dans mon cas, il a principalement été question de vérifier que l'entreprise était apte à se développer à partir de bases solides. Outre le domaine d'application maritime de l'entreprise, qui a été un élément de choix prépondérant, la passion qui anime le personnel et l'excellente relation que j'ai nouée avec le cédant ont été très importantes. Entre le repérage de la société et sa reprise effective, 16 mois se seront écoulés.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?

Passée l'étape cruciale qui consiste à bien cibler l'entreprise à reprendre, les principales difficultés ont été de réaliser l'étude de marché, de négocier de manière à aboutir à un protocole de cession le plus simple possible et d'obtenir les financements bancaires.

De quelles aides avez-vous bénéficié ?

J'ai eu la chance d'être accompagné par de nombreuses personnes et organismes : le CRA, ses parrains et ses groupes de repreneurs, le comité de porteur de projet de l'IAE de Paris, le prix de la reconversion des militaires par l'Association des entreprises partenaires de la Défense, Défense mobilité, le Réseau entreprendre, le service carrière de l'Alliance navale, le Cnam pour une étude de marché, les cabinets Tudel et Affis pour les aspects juridiques et comptables, et bien entendu ma famille qui me soutient à 100 %.

Quel soutien vous apporte le cédant ?

Outre un accompagnement de 3 à 6 mois postérieur à la reprise, nous avons prévu dans la cession une période de conseil de 24 mois pour des actions technico-commerciales.

Quelles sont vos objectifs ?

Les perspectives de croissance dans le domaine des équipements portuaires sont principalement dans les pays dits en voie de développement, même si les pays développés font l'objet de marchés de renouvellement et d'entretien intéressants. Mon principal objectif est de multiplier le chiffre d'affaires de l'entreprise par deux dans les cinq années à venir, notamment en prospectant en Afrique et au moyen de nouveaux produits.

Pouvez-vous nous dire deux mots sur ces nouveaux produits ?

Nous développons actuellement de nouveaux pontons modulaires qui devraient nous permettre d'exporter notre savoir-faire, ainsi que l'instrumentation complète de crocs de largage télécommandables.

Pourriez-vous nous donner 3 conseils à suivre pour une reprise réussie ?

- Bien définir son projet initial pour se concentrer sur des entreprises qui correspondent à ses attentes. Ne pas hésiter à "zapper" si le cœur n'y est pas : bien étudier un dossier prend beaucoup de temps, et le repreneur doit être efficace. - Privilégier la relation avec le cédant et l'entreprise : une reprise est aussi une entreprise de séduction, et le passage du témoin peut être plus ou moins long. Une bonne relation cédant-repreneur est essentielle. - Sécuriser les fonds rapidement : outre l'image de repreneur sérieux donnée au cédant, cela permet d'être plus serein (ou de ne pas perdre inutilement son temps si cela ne marche pas...). Cela veut dire s'y prendre tôt avec les banques.

Propos recueillis par Yoann Rotureau en janvier 2016

Janvier 2016