S'organiser pour gagner en efficacité

Quel est l'enjeu d'une bonne organisation pour un entrepreneur ?

Pour moi, c'est d'avoir l'oeil sur tout ce qui compte et savoir déléguer les responsabilités sur lesquelles sa valeur ajoutée n'est pas la plus haute. C'est un arbitrage délicat. Réaliser une vraie carte d'orientation - idéalement sous forme visuelle de carte mentale - peut être un vrai plus pour toujours avoir l'oeil sur ses zones de responsabilité sans en négliger aucune.

A quel moment doit-on s'en préoccuper ?

Dès le départ ! Il faut commencer avec l'idée qu'on ne sera très bientôt plus seul dans la barque et identifier les actions que l'on voudra, ou que l'on aura intérêt à déléguer pour le bien-être de l'entreprise, de sa raison d'être et de son dirigeant. Une erreur fréquente à éviter, c'est de vouloir tout faire, tout seul... et mieux que tout le monde !

La gestion des mails est pour chacun un vrai problème aujourd'hui. Comment s'en sortir ?

Un conseil, ne pas passer sa vie dans son inbox, la boite de réception des emails est une très mauvaise to-do list ! Pour cela, enlever les notifications et le relevé automatique des emails : c'est vous qui devez décider d'aller les consulter, même si vous devez y aller toutes les demi-heures. Vous ne vous interromprez pas de vous-mêmes dans une tâche en cours pour aller checker vos emails.

Un entrepreneur est sollicité de toutes parts. Doit-il répondre à toutes les demandes qui lui sont faites ?

On dit qu'il faut savoir dire non au "bon travail" pour pouvoir dire "oui" à l' "excellent travail". Cela a du sens. Il est facile de se retrouver rapidement occupé à faire beaucoup de choses, dont la plupart ne tire pas profit de votre réelle valeur ajoutée. Il faut savoir identifier votre valeur ajoutée pour pouvoir l'exercer là où elle aura un meilleur impact. Au début, forcément, l'entrepreneur n'a pas beaucoup de moyens et compense cela en faisant lui-même beaucoup de tâches nécessaires mais apportant peu de valeur. Dès que possible, il peut être profitable de lister ces actions pour pouvoir les déléguer (il existe des entreprises d'assistant virtuel qui font ça très bien) ; le coût généré par cette délégation sera rapidement amorti par les tâches à haute valeur ajoutée que seul le chef d'entreprise peut réaliser.

Il est souvent difficile de dissocier vie professionnelle vie personnelle. Avez-vous des conseils à donner sur ce point ?

C'est d'autant plus difficile que ce n'est pas forcément logique. Vous n'êtes pas "que la moitié de vous-même", vous êtes "toujours vous-même", tout le temps. Vous pouvez passer en "mode boulot" ou "mode perso", mais votre cerveau ne change pas sa manière de fonctionner pour autant ; il ne travaillera pas plus pour organiser une réunion professionnelle sur un contrat à 5 millions que pour organiser un barbecue avec vos amis. Mon conseil est de réaliser une cartographie de tous vos engagements professionnels et personnels, de manière à réaliser votre "carte du monde", c'est-à-dire définir toutes les zones dans lesquelles vous avez pris ou accepté de prendre des engagements : le "boulot" (et là, vous pouvez subdiviser : administratif, juridique, ventes, opérationnel… et même subdiviser encore à partir de là si besoin), et le "perso" (famille, santé, spiritualité, finances, activités, bénévolat, etc.). Une fois cette grande carte des engagements réalisée, il sera beaucoup plus facile d'y voir clair dans ce qui compte vraiment et ce qui peut être délaissé. Vous ne pouvez pas vous diviser, mais vous pouvez choisir où focaliser votre attention et à quels moments.

Existe-t-il des outils, des méthodes pour s'organiser ? Lesquelles recommandez-vous ?

Il y a des méthodes dont certaines parties sont faciles à mettre en place, comme Pomodoro pour la gestion de l'activité lorsqu'on dispose de grandes plages de temps à scinder, ou le Personal Kanban pour les plus visuels qui permet de voir la charge de travail et de choisir ce sur quoi travailler en fonction d'une limite objective de "bande passante". Mais la meilleurs méthode à mon sens pour gérer l'ensemble, c'est la méthode GTD (Getting Things Done) de productivité personnelle sans stress. Elle requiert un réel engagement de mise en place et de pratique, comme si vous choisissiez d'apprendre une nouvelle langue ou de pratique un nouvel art (martial, celui du business). Mais elle est sans équivalent par son efficacité et l'ensemble de son périmètre d'application, à partir du moment où l'on décide de s'y mettre pour de bon.

En conclusion, quel message souhaitez-vous transmettre aux nouveaux entrepreneurs ?

Votre entreprise, votre vision sont porteurs de valeurs et peuvent être une force de bien dans le monde. Pour qu'elle se réalise, il faut que vous preniez soin de vous comme l'athlète sait prendre soin de lui, avec des phases d'entraînement, de performance et de repos alternées. On ne peut pas être longtemps à fond et rester efficace. Vous ne servirez plus (à) rien si vous êtes épuisés. La performance se mesure dans la durée. Propos recueillis en février 2018 par l'AFE
Février 2018