Tristan Croiset et Olivier Binet réinventent le covoiturage

Qu'est-ce qui vous a donné le déclic pour créer votre entreprise ?

Olivier

: après avoir travaillé 10 ans dans le financement et le développement de PME innovantes, j'ai ressenti un énorme besoin de créer ma propre entreprise, et de mettre mon expérience au service d'un projet qui me tient beaucoup à cœur : développer la pratique du covoiturage sur les trajets domicile-travail.

Tristan

: j'avais envie d'entreprendre depuis quelques années et Oliver est venu vers moi. Ce sujet de la mobilité est essentiel et concerne plusieurs millions de personnes tous les jours. Je trouvais que le manque de solutions crédibles techniquement était criant. Or, chez Criteo, mon ancien employeur, j'ai compris que des solutions qui existent dans d'autres domaines pouvaient être appliquées au covoiturage. Notamment tout ce qui relève de la prédiction appliquée aux trajets courtes distances, pour aller au travail.

Comment vous est venue cette idée de création ?

A l'origine de notre projet, il y a l'idée que les voitures, sans passager dans 90 % des cas, constituent une gigantesque réserve de mobilité inexploitée et peuvent devenir un transport en commun à part entière. La voiture est un mal nécessaire pour une large majorité de Français : elle est chère, elle est polluante, et conduire tous les jours est très fatigant. Mais nous pouvons mutualiser son utilisation pour réduire significativement le nombre de véhicules en circulation et réaliser des économies significatives (en moyenne 1 500 € par an) sur notre budget auto. Le covoiturage est en développement rapide sur les trajets de longue distance (330 km en moyenne pour Blablacar), mais pour adapter la pratique aux trajets quotidiens il fallait totalement revoir le concept avec un service innovant, basé sur les technologies mobiles, l'apprentissage statistique et le big data.

Qu'est-ce qui vous distingue de vos nombreux concurrents ?

Nous pensons avoir adapté le covoiturage aux trajets domicile-travail en ayant supprimé le frein principal : le dépôt manuel des offres par les conducteurs et la recherche de trajets par les passagers. Personne n'a envie de proposer ou de demander tous les jours (ou presque) les mêmes trajets ! L'idée fondatrice est alors simple : passer du déclaratif au "pré-rempli", autrement dit, être capable de prédire les trajets des uns et des autres et les mettre automatiquement en relation s'ils correspondent. C'est la différence majeure avec nos concurrents. Nous automatisons un maximum afin de permettre de covoiturer en 2 clics.

D'une certaine manière, vous souhaitez faire évoluer les usages ?

Les utilisateurs ne répondent pas systématiquement aux notifications qu'ils reçoivent quand ils sont sollicités par des "covoitureurs" potentiels. C'est une nouveauté dans la façon de se déplacer. L'automatisme n'est pas ancré dans notre culture. Mais cela va venir progressivement, d'autant plus que nous développons chaque jour un peu plus une manière d'accompagner l'utilisateur pour qu'il pense à développer une routine de covoiturage.

Quels sont les ingrédients à réunir pour concrétiser un projet comme le vôtre ?

Premièrement, nous avons dû nous concentrer sur le développement d'une technologie adaptée à la problématique. Il nous a fallu 18 mois pour réaliser une première preuve de concept robuste, en allant bien au-delà de l'état de l'art, avec des ingénieurs et des scientifiques de talent. Nous avons levé plus d'un million d'euros de fonds publics et privés afin d'accélérer le recrutement de profils de haut niveau, le développement technique de notre solution et notre déploiement commercial. Ensuite, tout repose sur l'accompagnement des utilisateurs vers une nouvelle façon de se rendre au travail. Il existe toujours une certaine forme de résistance à l'innovation… mais nous y travaillons !

Pouvez-vous nous parler de vos clients, qui sont-ils ?

Nos clients sont des entreprises qui souhaitent améliorer le quotidien de leurs salariés, réduire leur empreinte carbone et augmenter l'accessibilité de leurs bureaux et sites industriels. La loi sur la transition énergétique les incite à réaliser un "Plan de mobilité", voire les oblige dans les zones où la qualité de l'air est mauvaise. Nous accompagnons ainsi des grands comptes tels que Renault, le CEA, ST Microelectronics, Siemens, Assystem, Safran. Nous avons des rendez-vous chaque semaine pour présenter notre solution.

Quelles difficultés avez-vous rencontré ?

La difficulté majeure est de parvenir à obtenir un rendez-vous avec les directions RSE, RH ou services généraux des entreprises pour leur présenter notre application. Plusieurs solutions ont existé et existent encore, mais ne parviennent pas à convaincre complètement. Il faut donc dire haut et fort que notre technologie d'intelligence artificielle peut répondre à la complexité du "courtvoiturage", qu'elle simplifie grandement le déploiement dans les entreprises d'une part et l'usage de l'application au quotidien par les utilisateurs.

Quelles aides avez-vous trouvées pour créer votre entreprise ?

Comme beaucoup, nous sommes allés sur le site de l'APCE pour trouver des premiers conseils. Et puis nous nous sommes vite entourés d'investisseurs et d'entrepreneurs aguerris qui nous aident beaucoup : Franck Le Ouay (co-fondateur de Criteo), Florian Douetteau (co-fondateur de Dataiku) et Charles Egly (co-fondateur de Prêt d'Union). Depuis juin 2014, nous avons la chance d'être hébergé chez Agoranov, un incubateur public, soutenu par le ministère de la Recherche et la région Île-de-France.

Quels sont vos objectifs ?

D'ici 2018, nous prévoyons de travailler avec environ 200 grands comptes, compter environ 40 000 utilisateurs actifs et générer un chiffre d'affaires de plus de 2 millions d'euros.  
Février 2016