Le troc pour consommer autrement

Votre parcours vous prédestinait-il à l'entrepreneuriat ?

Pas vraiment. Dans une première vie, j'ai été chanteuse et réalisatrice de comédies musicales pour enfants. J'ai également géré des centres de loisirs. Je n'avais pour ainsi dire aucune expérience en entrepreneuriat, mais depuis toujours je me préoccupe de l'écologie et des milliers de biens produits, commercialisés... puis jetés ! C'est à partir de triste constat que l'idée d'une plateforme d'échange de biens et de services m’est venue en 2015 : MyTroc. Je me suis associée avec un développeur, Judicael Decriem, devenu cofondateur. Il a traversé le désert avec moi...

Comment fonctionne votre plateforme ?

Au-delà des objets, chacun a des compétences et des savoir-faire à échanger. Les troqueurs peuvent déposer une offre d'objet ou de service à échanger et reçoivent pour cette première annonce 20 “noisettes”, correspondant à la somme de 20 euros, qu'ils peuvent “faire tourner” en obtenant un objet ou un service via le site. Cette “monnaie” est non-spéculative et non-convertible. Il s'agit de faire vivre l'économie circulaire et d'animer la communauté des usagers. L'aspect social qui sous-tend ces échanges est en effet essentiel et, parmi les utilisateurs, 20 % sont des personnes en situation de précarité.

Avez-vous été accompagnée dans votre projet ?

Une incubation chez Paris Pionnières (désormais Willa) m’a permis de mettre au point le business plan, la communication, le marketing... bref acquérir les bases !
J'ai également bénéficié du soutien du Club Génération Startuppeuse fondé par Viviane de Beaufort, qui nous aide dans le partage de son réseau : mise en relation avec des grands comptes et business angels, organisation d'ateliers, invitations à des événements...
J’ai ensuite été épaulée, à la faveur d'un passage  la télévision, par Thierry de Passemar,  le cofondateur de Meetic, qui  investit dans des startups prometteuses. MyTroc a ainsi vu le jour.
Mais les débuts n'ont pas été simples : trois ans sans salaire, cela a été un peu dur pour moi !

Comment se développe votre site aujourd’hui ?

La première version de la plateforme, qui a été lancée en novembre 2015, connaît désormais un afflux de visiteurs. Le site compte actuellement près de 150 000 utilisateurs. Et quelque 140 000 annonces en ligne ont déjà donné lieu à 70 000 échanges. Du coup, j’ai embauché un deuxième développeur et une directrice commerciale.

Vous avez également élargi votre concept aux entreprises ?

Oui, pas question d'en rester là ! La beauté du concept, c'est qu'il peut se décliner, y compris à l'intérieur des entreprises et des administrations.
Nous avons signé un contrat avec la SNCF en 2018 pour lancer une plateforme. Depuis lors, entre entités du groupe, 15 000 salariés ont échangé 5 000 biens, qui vont de cartouches d'encre à des ponts de levage de train ! Avec à la clé une économie calculée pour l'instant à 300 000 euros...
De même, la région Bourgogne-Franche-Comté fait appel à nos services pour des échanges internes. Nous sommes par ailleurs en contact avec d'autres entreprises et d'autres administrations pour élargir notre portefeuille B2B et nous sommes confiants : à terme, toutes les organisations auront leur plateforme d'échange !

Comment voyez-vous votre start-up en 2020 ?

Le doute et les moments d'angoisse qui m'ont assaillie plus d'une fois au début de mon parcours de startuppeuse ont disparu. Aujourd'hui nous sommes à une deuxième étape, celle de la levée de fonds de 500 000 euros, prévue pour les mois à venir. Le storytelling de MyTroc est prêt pour séduire les investisseurs. Notre solution est facilement duplicable, et elle s'appuie sur un socle qui, malgré une éventuelle customisation, offre la rentabilité certaine au fournisseur de la plateforme. Nous sommes, pour l'instant, les seuls au monde à proposer ce type d'outil.

L’échange et le recyclage sont une évidence pour le plus grand bien de la société et de la planète. La lutte contre le gaspillage doit avoir lieu partout dans le monde !
 

De nombreux prix pour MyTroc !
L'innovation sociale de MyTroc a été reconnue par plusieurs prix, dont celui de La Nuit de l'économie collaborative et circulaire et d'Acteurs du Paris Durable.
La start-up est également agréée Entreprise solidaire d'utilité sociale (ESUS) et labellisée Greentech Verte.
Ses fondateurs sont par ailleurs lauréats du concours Graines de Boss 2020. 

 

Novembre 2019