Jacques Allard, un entrepreneur écolo et solidaire

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Vous avez toujours eu la fibre écolo ?

Oui depuis toujours ! René Dumont, candidat écologiste à l'élection présidentielle en 1974 était ma première source d’inspiration. Je n’ai rien perdu de mon enthousiasme pour l'environnement malgré mon parcours : d’abord un DEA énergétique à Jussieu, deux ans de recherche au CNRS et une carrière bien remplie chez EDF, d'abord en tant qu'ingénieur d'étude hydraulique, puis en qualité de responsable d'une cellule d'innovation numérique.
 

Quel a été l’élément déclencheur pour créer votre entreprise ?

A 50 ans, j'ai décidé de passer à autre chose, d'autant que ma fille a tranché en me disant : “arrête d'en parler, lance-toi !”. C’est comme cela qu’est né en 2009, Eco CO2. Basée à Nanterre, la société accompagne les citoyens et les organisations vers la réduction durable de leur impact environnemental. Tout n'a pas été facile, surtout au début.
 

Malgré un démarrage difficile, comment avez-vous fait pour tenir bon ?

Nous devions nous appuyer sur une taxe carbone que François Fillon et Nicolas Sarkozy étaient sur le point de mettre en place, mais la conférence de Copenhague sur le climat, en 2009, a été un échec et le projet de contribution climat-énergie annulé… Nous avons dû nous adapter et recentrer le business model sur les Certificats d'Economie d'Energie (CEE), un principe adopté notamment par la France et qui vise à encourager les économies d'énergie. Le secteur le plus actif est celui des travaux d'isolation ou des chaudières, mais un autre, dans lequel personne n'était présent, est celui des consommateurs eux-mêmes et de leur comportement.
 

Ainsi vous vous êtes intéressé à la sensibilisation sur les économies d’énergie à l'école ?

Si la société est leader national dans la gestion de programmes générateurs de CEE, c'est donc également sur le créneau comportemental qu'Eco CO2 met l'accent. Depuis 2014, nous avons lancé des programmes de sensibilisation sur les économies d'énergie et la mobilité durable. Nous avons également conçu des outils de mesure et réalisé des études comportementales. Nous avons parié sur les enfants, qui sont prescripteurs, et nous avons déjà sensibilisé quelque 150 000 d'entre eux, de la maternelle au CM2 avec le programme Watty à l’école, labellisé par le Ministère de la Transition écologique et solidaire dans le cadre du dispositif CEE.
 

Quel était l’objectif de vous adresser à cette jeune cible ?

Il est très simple : apprendre aux enfants à économiser l'énergie et l'eau afin qu'ils deviennent les ambassadeurs d'une gestion durable des ressources auprès de leur famille. Et ça marche ! D'ici 2021, notre objectif est de sensibiliser un total de 250 000 enfants. Pour toucher la nouvelle génération et investir dans l'avenir, Eco CO2 a déployé son programme un peu partout en France métropolitaine, en Corse et dans les départements et territoires d'outre-mer. Nous avons créé 57 emplois depuis notre lancement et lancé un réseau d'une centaine de personnes qui travaillent pour nous dans les territoires. Des relais locaux, qui bénéficient d'une implantation sur le terrain, et surtout, de la crédibilité qui accompagne cette proximité. Notre reconnaissance ultime serait que le projet nous échappe et qu'il essaime un peu partout !
 

Egalité hommes/femmes et actionnariat salarié, la vocation de la société n'est pas seulement de protéger la planète ?

Effectivement, ce n'est pas tout. Eco CO2 évolue également dans le secteur l'Economie Sociale et Solidaire. Je suis très attaché au concept de l'égalité hommes-femmes, ensuite, un comité de gouvernance démocratique, qui sert de lieu d'échanges et d'instance de partage de la stratégie. Les salariés ne doivent pas subir les décisions de la direction ! A cela s'ajoutent des avantages pour les salariés.
 

Qu’avez-vous mis en place ?

Eco CO2 a été la première PME française à mettre en place la prime exceptionnelle de solidarité souhaitée par le président Macron, et avant même que les logiciels de paie soient en place ! Et chez Eco CO2, elle a été calculée en proportion des salaires, la prime la plus élevée allant au salaire le plus bas.
Dès 2018, sans attendre les aménagements prévus par la loi PACTE, nous avons institué l'actionnariat salarié et souhaitons renouveler l’opération malgré les nombreuses embauches récentes. Je ne fais pas cela dans une logique capitalistique, ni même pour fidéliser les collaborateurs, ce qui m'importe, c'est que les salariés se sentent réellement acteurs, collectivement, de ce que fait la société.

Quelles sont vos perspectives pour 2020 ?

Eco CO2 est en hypercroissance. Le chiffre d'affaires a augmenté de 62% entre 2017 et 2018 et devrait dépasser les 10 millions d’euros en 2020. Ma maxime favorite est celle de l'écrivain Guy de Larigaudie : « Si tu veux creuser ton sillon droit, accroche ta charrue à une étoile ».
 

Propos recueillis en novembre 2019

Novembre 2019