Dans cet article :
En France, l’alimentation représente aujourd’hui 22% de l’empreinte carbone des individus chaque année. Au-delà du carbone, l’alimentation est l’un des secteurs qui génère le plus de pressions sur l’environnement (perte de biodiversité, pollution des sols, etc.). Enfin, la production alimentaire est particulièrement vulnérable aux effets du dérèglement climatique, qui vont s’intensifier dans les années à venir.
Les restaurateurs, les boulangers ou encore les responsables de commerce d’alimentation générale disposent de leviers spécifiques pour réduire l’impact environnemental de leurs activités tout en renforçant leur attractivité auprès de leurs clients.
On utilise la notion de "CO² équivalent" pour exprimer le pouvoir de réchauffement climatique de différents gaz à effet de serre par rapport à celui du dioxyde de carbone (CO² ), le gaz à effet de serre le plus commun.
Comprendre l’impact environnemental de l’alimentation
Les impacts environnementaux de l’alimentation se situent à chaque étape du cycle de vie des produits alimentaires :
Étapes | Exemples d'impacts environnementaux |
---|---|
Production agricole | Les pesticides ont un impact sur la biodiversité locale, l’eau et la santé du sol. |
Transformation des produits alimentaires | Certains procédés de transformation nécessitent des combustibles fossiles, qui génèrent des émissions de gaz à effet de serre (GES). |
Transport et distribution | Le carburant utilisé par les camions pour le transport de marchandises génère des émissions de gaz à effet de serre. |
Consommation | La cuisson des aliments nécessite de l’énergie (gaz ou électricité), dont la production génère des émissions de gaz à effet de serre. |
Fin de vie | Lors de leur décomposition, certains produits alimentaires rejettent du méthane, un puissant gaz à effet de serre. |
L’étape de production des aliments concentre la plupart des impacts environnementaux
La majorité des impacts environnementaux a lieu lors de la phase de production des aliments :
- émissions de gaz à effet de serre liées aux rejets de méthane par les ruminants, à l’utilisation d’engrais azotés pour les cultures et aux consommations d’énergie des machines,
- effondrement de la biodiversité lié notamment à l’usage de pesticides,
- pollution des sols, de l’eau et de l’air liée à l’utilisation de certains intrants agricoles (engrais azotés, pesticides, insecticides, etc.) et aux déjections animales,
- consommation d’eau pour l’irrigation des cultures,
- utilisation des sols : 38 % des terres mondiales sont des terres agricoles, dont 70 % sont occupées par l’élevage.
Les impacts environnementaux varient en fonction de nombreux paramètres
Les impacts environnementaux des aliments et boissons varient fortement en fonction de différents paramètres :
- nature du produit : les produits d’origine animale ont les impacts environnementaux les plus importants, notamment par rapport aux produits d’origine végétale. Par exemple, un repas végétarien génère 0,5 kgCO²e quand un repas avec viande rouge génère 6 kgCO²e,
- modes de production : les produits issus de l’agriculture biologique, l’agriculture raisonnée ou les produits équitables ont des conséquences environnementales moins néfastes,
- saisonnalité : un produit cultivé hors-saison sous serre chauffée émet 10 à 20 fois plus de gaz à effet de serre que s’il était cultivé en plein champ,
- transformation : plus un produit est transformé, plus il requiert de l’énergie et donc, plus il génère des émissions.
Des pressions environnementales qui mettent le système alimentaire à mal
Qu’il s’agisse des effets du dérèglement climatique (ex : canicule, inondation, gel précoce, etc.) ou de la perte de biodiversité (ex : déclin des pollinisateurs), l’impact sur les rendements agricoles de certaines cultures (ex : blé, orge, vigne) est majeur. Le prix de nombreux produits alimentaires va ainsi augmenter.
À titre d’exemple, la production mondiale d’huile d’olive a chuté d’un tiers entre 2021 et 2024, ce qui a conduit à une hausse moyenne du prix de l’huile d’olive de 50 % en Europe entre 2023 et 2024.
Les leviers pour limiter l’impact environnemental de son entreprise
Pour agir, les principaux leviers se situent au niveau des achats, de la réduction du gaspillage alimentaire et des déchets.
Mettre en place un approvisionnement durable
L’impact environnemental étant concentré sur l’étape de production des aliments, il est prioritaire d’améliorer son approvisionnement en produits alimentaires.
Pour cela, vous pouvez commencer par vous informer sur l’impact environnemental des différentes familles de produits. L’Ademe (Agence française de la transition écologique) a développé Agribalyse, une plateforme pour comprendre et comparer facilement les impacts de nombreux produits alimentaires.
En complément, vous pouvez aussi vous fournir davantage en produits bio ou issus de filières respectueuses de l’environnement et en produits de saison et locaux.
Vous pouvez ensuite chercher à utiliser et/ou mettre en avant des produits à faible impact plutôt que des produits à fort impact, en adoptant un cahier des charges ou une politique d’approvisionnement durable.
Limiter le gaspillage alimentaire
Un autre enjeu crucial pour le secteur est la réduction du gaspillage alimentaire, qui représente près de 10 millions de tonnes d’aliments par an en France.
Ce sujet est particulièrement encadré par la règlementation :
- le Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire, qui vise à réduire le gaspillage de 50 % d’ici à 2025 par rapport au niveau de 2015, et son application légale. Pour en savoir plus sur la loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire (loi AGEC),
- la loi Egalim, qui prévoit différentes mesures opérationnelles pour lutter contre le gaspillage (ex : interdiction de faire une promotion supérieure à 34 %, ce qui empêche de proposer un produit offert pour un produit acheté).
Afin de récompenser les établissements et les commerces ayant les meilleures pratiques, l’État a d’ailleurs mis en place un "label national anti-gaspillage alimentaire".
Pour obtenir ce label, un référentiel de bonnes pratiques destiné aux grandes et moyennes surfaces (Proxi, supermarchés et hypermarchés), aux grossistes et aux métiers de bouche (bouchers, charcutiers, boulangers, fromagers, primeurs) est disponible.
Les leviers d’amélioration sont nombreux :
- améliorer la gestion des stocks de son établissement pour éviter les produits périmés,
- déterminer les meilleures solutions anti-gaspillage à mettre en place (dons aux associations, application mobile anti-gaspi),
- proposer systématiquement un doggy bag (alors que la réglementation exige uniquement de pouvoir en fournir aux clients qui en font la demande explicite),
- valoriser les biodéchets en installant un composteur ou via un organisme spécialisé. La valorisation est obligatoire pour les établissements produisant plus de cinq tonnes de déchets par an.
Tendre vers le zéro déchet
Avec les emballages à usage unique, la restauration représente la première source mondiale de pollution plastique de nos milieux aquatiques (source : Nature). Fort de ce constat, il est donc nécessaire de supprimer tous les déchets qui peuvent l’être et de substituer les autres par des alternatives réutilisables ou plus facilement recyclables.
Quelques exemples :
- favoriser le vrac dans un commerce d’alimentation générale,
- proposer des bocaux réutilisables dans la restauration à emporter,
- privilégier les emballages papiers aux emballages plastiques.
Restaurateurs et traiteurs : repenser sa carte et ses ingrédients
Les leviers d’action sont multiples et détaillés dans le tableau ci-dessous :
Étapes | Impacts environnementaux | Principaux leviers d'action |
---|---|---|
Achats d'aliments et de boissons | Le maillon le plus important de la chaîne de valeur de la restauration. Les impacts environnementaux sont conséquents et multiples lors de la production des aliments : émissions de GES, pollution, impact sur la biodiversité, consommation d’eau.
| 1. Agir sur les approvisionnements 2. Faire évoluer les pratiques alimentaires |
Transport des produits | Emissions de GES liées au type de transport, au poids transporté et à la distance parcourue. | 1. Privilégier des fournisseurs locaux 2. Grouper les achats 3. Privilégier des modes de transport bas carbone (vélo-cargo, VUL électrique) 4. Privilégier des transporteurs engagés dans des démarches environnementales (ex : label objectif CO²) |
Préparation/transformation | Emissions de GES pour la consommation d’énergie associée à la préparation (cuisson, conservation, etc.), et en particulier la consommation de gaz Consommation d’eau | 1. Établir un diagnostic énergétique pour identifier les gros postes et mettre en place les bonnes pratiques 2. Utiliser des appareils efficients en s’aidant de l’étiquette énergie lors de l’achat 3. Privilégier la cuisson électrique à la cuisson au gaz 4. Pour les étapes nécessitant du gaz, privilégier le biométhane |
Livraison | Emissions de GES liées au mode de transport, au poids transportés et à la distance parcourue | 1. Privilégier les modes de livraison bas carbone (vélo, vélo-cargo, véhicule électrique, etc.) 2. Encourager les clients à venir récupérer leur repas sur place, à pied, à vélo ou en transport en commun. |
Déchets | Emissions de GES liées au traitement des déchets et aux achats de marchandises et d’emballages qui pourraient être évités | 1. Ajuster les portions et réduire le nombre de plats à la carte 2. Utiliser les matières premières dans leur intégralité 3. Proposer des "doggy bags" 4. Valoriser les biodéchets en installant un composteur ou via un organisme de collecte. |
Boulangers : optimiser ses dépenses énergétiques
Les leviers d’action sont multiples et détaillés dans le tableau ci-dessous :
Étapes | Impacts environnementaux | Principaux leviers d'action |
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Achats d'aliments et de boissons | Les impacts environnementaux sont conséquents et multiples lors de la production des aliments : émissions de GES, pollution, impact sur la biodiversité, consommation d’eau. | Agir sur les approvisionnements : - Limiter l’emploi de certaines matières premières ayant un impact négatif, comme l’huile de palme - Proposer des produits issus de l’agriculture biologique. L’apposition du logo AB sur un produit transformé (pain, éclair, tarte, etc.) implique une utilisation d’au minimum 95 % d’ingrédients issus l’agriculture biologique |
Transport des marchandises | Emissions de GES liées au type de transport, au poids transporté et à la distance parcourue | 1. Utiliser des farines locales (ex : acheter la farine à un moulin qui a un périmètre de livraison inférieur à 150 km), des fruits et autres ingrédients produits localement 2. Grouper les achats 3. Privilégier des modes de transport bas carbone (vélo-cargo, VUL électrique) 4. Privilégier des transporteurs engagés dans des démarches environnementales (ex : label objectif CO²) |
Préparation/transformation | Emissions de GES pour la consommation d’énergie associée à la cuisson et à la production de froid. | 1. Limiter les pertes d’énergie via des pratiques d’entretien rigoureuses (ex : l’encrassement du four peut générer 20 % de consommation supplémentaire) 2. Privilégier les fours récents, dont l’efficacité énergétique a progressé ces dernières années, et correctement dimensionnés (un four trop grand par rapport à la production est une source importante de gaspillage d’énergie) 3. Prévoir un échangeur air/eau au niveau des conduits d’évacuation des fumées pour récupérer la chaleur émise par la cuisson 4. Éloigner les sources de chaleur (fours) des sources froides (réfrigérateurs, chambres froides) |
Livraison | Emissions de GES liées au mode de transport, au poids transportés et à la distance parcourue | Privilégier les modes de livraison bas carbone (vélo, vélo-cargo, véhicule électrique, etc.) |
Déchets | Emissions de GES liées au traitement des déchets et aux achats de marchandises et d’emballages qui pourraient être évités | 1. Limiter les quantités d’emballages proposés 2. Proposer à la vente des emballages réutilisables 3. Privilégier les emballages en matières recyclées 4. Déterminer les meilleures solutions anti-gaspillage à mettre en place (dons aux associations, application mobile anti-gaspi) |
Commerçants alimentaires : s’adapter aux nouvelles attentes des consommateurs
Les leviers d’action sont multiples et détaillés dans le tableau ci-dessous :
Étapes | Impacts environnementaux | Principaux leviers d'action |
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Approvisionnement | Les impacts environnementaux sont conséquents et multiples lors de la production des aliments : émissions de GES, pollution, impact sur la biodiversité, consommation d’eau | Agir sur les approvisionnements : - Suivre et augmenter la part de produits issus de filières respectueuses de l’environnement (produits bio, agroécologie, pêche durable), locaux et de saison - Encourager les nouvelles pratiques alimentaires (ex : végétariennes) en proposant de nouvelles références ou en adaptant le merchandising de ces produits - Mettre en place une politique d’achat responsable en choisissant des fournisseurs qui respectent des critères sociaux et environnementaux |
Transport des marchandises | Emissions de GES liées au type de transport, au poids transporté et à la distance parcourue | 1. Privilégier les produits locaux quand des alternatives sont possibles 2. Grouper les achats 3. Privilégier des modes de transport bas-carbone (vélo-cargo, VUL électrique) 4. Privilégier des transporteurs engagés dans des démarches environnementales (ex : label objectif CO²) |
Gestion du point de vente | Emissions de GES liées à la consommation d’énergie associée à la cuisson et à la production de froid | 1. Optimiser la consommation énergétique de votre point de vente, notamment en ce qui concerne le chauffage et le froid (climatisation, réfrigération des produits) 2. Mettre en avant les produits qui proposent un affichage environnemental, comme le Planet Score, afin d’éclairer les décisions de vos clients et de les sensibiliser 3. Encourager le vrac et minimiser les emballages plastiques de vos marchandises |
Déchets | Emissions de GES liées au traitement des déchets et aux achats de marchandises et d’emballages qui pourraient être évités | 1. Limiter les quantités d’emballages proposés à vos clients 2. Proposer à la vente des emballages réutilisables 3. Privilégier les emballages en matières recyclées 4. Déterminer les meilleures solutions anti-gaspillage à mettre en place (dons aux associations, application mobile anti-gaspi) |
Connaître les labels
Labels alimentaires
Agriculture biologique (AB) : garantit l’interdiction des produits de synthèse et des OGM et certifie que 95 % des composants sont issus d’une agriculture biologique.
Demeter : plus contraignant que le label Agriculture biologique. Il intègre notamment des critères sur la gestion des sols.
Le label HVE (Haute valeur environnementale) est moins ambitieux que le label AB et fait face à des accusations de greenwashing par certains acteurs.
Labels spécifiques à la restauration
FIG (Food index for Good) : ce label s’appuie sur l'empreinte carbone d'un restaurant et valorise donc les restaurants végétalisant leur menu.
Ecotable : label en 3 niveaux qui encourage l’utilisation de produits issus de l’agriculture biologique et de produits locaux.
Bon pour le climat : comme pour FIG, le label se concentre sur l’empreinte carbone du restaurant et valorise donc la part du végétal dans l’assiette.
L’Ademe centralise les informations sur les labels environnementaux les plus fiables sur son site internet