Devenir artiste-auteur : que faut-il savoir ?

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Bpifrance Création : Comment pourrait-on définir l’activité d’artiste-auteur ?

Eric Hainaut : Un artiste-auteur est avant tout une personne qui crée des œuvres et perçoit donc des revenus artistiques associés à sa production. 
Il s’agit bien là d’une activité et non d’un statut. Cette distinction est importante car à proprement parler, il n'existe pas de "statut d'artiste-auteur professionnel", en revanche, une personne peut exercer une activité éligible au régime social des artistes-auteurs. Et dans la majorité des cas, (même s’il y a des exceptions), c’est un statut de profession libérale/entreprise individuelle. En fait tout dépend de l’approche que l’on fait pour parler des artistes-auteurs : une approche juridique, fiscale ou sociale.

Bpifrance Création : Au final, les artistes-auteurs sont ce que l’on appelle aujourd’hui des slasheurs ?

EH : Exactement ! Rares sont les artistes qui se cantonnent à un secteur. C’est par exemple le cas d’un artiste, dont je suis l’expert-comptable. Il est à la fois auteur-compositeur-interprète, acteur, réalisateur, dessinateur, écrivain et plasticien. Je vous laisse imaginer le casse-tête, notamment quand on commence à s’intéresser aux droits d’auteur et aux droits voisins ! 

Bpifrance Création : D’ailleurs, quelle est la différence ?

EH : Même s’ils relèvent tous deux du Code de la Propriété Intellectuel, les droits d’auteur et les droits voisins s’exercent indépendamment et concernent des bénéficiaires différents. Pour vous donner un exemple, si une personne compose une chanson, elle touchera des droits d’auteur et si elle l’interprète, il s’agira alors de droits voisins.

Bpifrance Création : Et si on prend le cas d’un photographe. Comment ça se passe ?

EH : C’est le pire des cas ! Quand on a à faire à un peintre par exemple, c'est très simple : soit il peint des maisons, c'est alors un artisan, parce qu’il est peintre en bâtiment, soit il peint des toiles, des fresques ou même des murs (dans le cas des street-artists), il sera donc artiste-auteur. 
En ce qui concerne les photographes, c’est très différent. Ce qui compte, depuis la nuit des temps, ce n’est pas le travail qu'ils réalisent, mais la destination.

Prenons l’exemple d’un portrait. S’il sert à illustrer un article de presse, l’artiste sera payé en pige journaliste. Si la photographie est utilisée pour réaliser une affiche de cinéma ou qu’elle est vendue en galerie, sont auteur sera alors payé en tant qu’artiste-auteur, et si ce portrait a été réalisé dans le cadre de portraits sur commande (photos de famille par exemple), le photographe sera considéré comme un artisan. 
C’est donc un vrai casse-tête car une même photo, selon sa destination, peut passer d’œuvre d’art à pige journalistique ou travail d’artisan. 

Bpifrance Création : Quelle est la différence entre le régime BNC et le TS ?

EH : Le régime des bénéfices non commerciaux (BNC) est applicable aux artistes-auteurs immatriculés avec un Siret et pouvant facturer (comme la vente d'œuvres par exemple). Si on opte pour ce régime, on a le choix entre deux options : le micro-BNC et la déclaration contrôlée des BNC. La première option est davantage adaptée aux débutants ou aux artistes-auteurs dont les recettes brutes annuelles ne dépassent pas 77 700 €. Ce qui signifie qu’avec ce régime, vous ne pouvez pas déduire vos frais réels, mais vous bénéficiez tout de même d'un abattement pour frais de 34 % sur vos recettes brutes.

La déclaration contrôlée des BNC est, quant à elle, obligatoire pour les professionnels dont le chiffre d'affaires brut annuel dépasse 77 700 €. Il conviendra alors de déclarer vos cotisations vous-même après déduction de vos frais réels.. A noter qu’il est possible d’opter pour la déclaration contrôlée, même en dessous des seuils. Une formule intéressante si les frais réels sont supérieurs à 34 %.

Le régime des traitements et salaires (TS) est quant à lui applicable aux artistes-auteurs percevant des droits d'auteur versés par des tiers (éditeurs, producteurs ou organismes de gestion collective). Il s’applique donc aux personnes n’ayant pas déclaré la création de leur activité auprès du guichet unique et ne disposant pas d’un numéro Siret. Si vous êtes concerné, vous serez automatiquement affilié au régime social des artistes-auteurs dès que vous percevez votre première rémunération artistique. Il n’y aura alors aucune démarche à effectuer. Mais selon moi ce régime n’est pas très intéressant fiscalement car l’abattement forfaitaire des frais n’est que de 10 % contre 34 % en Micro BNC.

Bpifrance Création : Quelle est l’erreur la plus fréquente que les artistes-auteurs commettent ?

EH : Celle de remplir la case 5HY, un espace figurant dans la déclaration d’impôts (complémentaire à la déclaration annuelle de revenus 2042).
Tous les ans, au mois de mars, je publie sur mon site et mes réseaux sociaux un contenu recommandant aux artistes-auteurs d’être extrêmement vigilant avec cette case. Ils n’ont pas à remplir la 5HY, elle ne concerne que les gens qui perçoivent des droits d'auteur issus d'une succession ou de revenus non soumis aux cotisations sociales.
Pour autant, tous les ans, des malheureux la remplissent par méconnaissance et se retrouvent avec 17 % de cotisations sociales à payer en plus.

Pour celles et ceux qui ont l’on malheureusement cochée, la bonne nouvelle c’est qu’il est possible de rectifier le tir, et de se faire rembourser jusqu’à trois ans d’ancienneté.

Bpifrance Création : Quels sont les organismes auprès desquels se renseigner lorsqu’on envisage de devenir artiste-auteur ?

EH : D’abord, je dirais la 2S2A (Sécurité Sociale des Artistes-Auteurs, issue du rapprochement entre l’Agessa et la Maison des artistes), tenue par l’Urssaf Limousin, pour toutes les questions d’ordre social. Ensuite, il existe différentes entités telles que le SNAC (Syndicat national des auteurs-compositeurs), le CAAP (Comité des artistes-auteurs plasticiens) ou le CNAP (Centre national des arts plastiques) qui peuvent vous accompagner en fonction de votre profil et de vos besoins.

Et si je prêche pour ma paroisse, sachez que le premier rendez-vous avec un expert-comptable est toujours gratuit. Ça fait partie de nos obligations professionnelles.

 

 

Novembre 2024