Devenir artiste-auteur : que faut-il savoir ?

Comment définit-on une activité artistique ?

La notion d'activité artistique n'est pas facile à cerner. En fait, il faut différencier :- les créateurs "d'œuvres de l'esprit" qui ont le statut d'artiste-auteur. Il s'agit des peintres, des sculpteurs, des écrivains, des graphistes, etc.- ceux dont la nature de l'activité est libérale : les stylistes, les conseillers en production audiovisuelle, etc.- les associations culturelles, souvent utilisées par les compagnies de danse et de théâtre, dont l'activité glisse parfois dans le domaine commercial (ce qui peut d'ailleurs remettre en cause leur caractère désintéressé),- la production et la post-production audiovisuelle, de court-métrages et cinématographique, dont la problématique principale est la recherche de financements,- les entrepreneurs de spectacles comme les exploitants de salles, les producteurs (qui emploient des artistes du spectacle) et les tourneurs, qui exercent une activité réglementée,- les activités connexes comme les agents artistiques et les galeristes, qui exercent également une activité réglementée,- et enfin les artistes du spectacle, qui ont le statut d'intermittent du spectacle et qui perçoivent des salaires.

Concentrons-nous sur les artistes-auteurs : quelles sont les principales difficultés qu'ils rencontrent ?

Une des principales difficultés relevées par les artistes-auteurs est de trouver des correspondants dans les administrations qui puissent les orienter dans leurs démarches et notamment sur leurs formalités d'inscription. En fait, pour donner une existence légale à leur activité, ils doivent tout simplement se rapprocher du Centre de formalités des entreprises (CFE) de leur Service des impôts et remplir un formulaire cerfa P0. Juridiquement cela consiste à créer une entreprise individuelle.Un autre sujet revient généralement : la compréhension et les spécificités de leur régime social, géré par l'Agessa et la Maison des artistes.

Pouvez-vous nous expliquer le rôle de ces organismes ?

L'Agessa et la Maison des artistes sont les organismes de protection sociale des artistes-auteurs.  Les auteurs d'œuvres graphiques et plastiques (les peintres, sculpteurs, dessinateur, ...) doivent s'adresser à la Maison des artistes. Les auteurs d'œuvres littéraires, dramatiques, musicales, chorégraphiques, photographiques, cinématographiques et audiovisuelles ainsi que les auteurs de logiciels  relèvent, quant à eux, de l'Agessa.L'artiste-auteur, doit donc prendre contact avec l'organisme compétent, après s'être déclaré auprès du CFE de son Service des impôts.Il est important de noter que l'artiste-auteur, dans un premier temps, est "assujetti". Cela signifie qu'il cotise auprès de l'Agessa ou de la Maison des Artistes mais qu'il ne bénéficie d'aucune couverture sociale au titre de son activité artistique. Dès lors qu'il atteint un certain niveau de revenus, évalué chaque année, il peut effectuer une demande d'"affiliation" et ainsi bénéficier d'une couverture sociale.

Quelle est sa protection sociale en attendant d'être affilié ?

Il s'agira de celle dont il bénéficie à la création de son entreprise : régime des étudiants, régime général, etc. S'il n'a aucune couverture sociale, il devra impérativement prendre une couverture facultative comme la CMU.

Prenons l'exemple du photographe. Dans quel cas sera-t-il considéré comme un artiste-auteur ?

C'est le type de photographie qui va déterminer la nature de l'activité. Partant de ce postulat, on sait que le photographe de mariage est artisan, le photographe de presse est salarié et le photographe d'art est artiste-auteur.Naturellement, il est fréquent qu'un photographe cumule ces différents statuts. Un photographe d'art peut également, en complément de son activité artistique, donner des cours particuliers. Dans un tel cas, il s'installera en tant qu'artiste-auteur et sera assujetti à l'Agessa. Cette dernière ne tolèrera toutefois qu'un certain montant de revenus non artistiques. A ce titre, elle vérifiera chaque année, sur la base d'un dossier artistique, administratif et comptable, que le photographe tire bien ses revenus de ses créations artistiques. Il devra notamment présenter, à travers son dossier, le nom de ses clients et le chiffre d'affaires réalisé auprès d'eux.

Quels sont les différents moyens de rémunération de l'artiste-auteur ?

Un artiste-auteur qui vend un tableau effectue une vente d'œuvre d'art. En revanche si un de ses clients souhaite reproduire son tableau pour en faire des cartes de vœux, il vendra un droit de reproduction et touchera donc des "droits d'auteur". L'un ne se vend pas forcément avec l'autre. Enfin, s'il souhaite donner des cours, il vendra une prestation de services.

Quelles en sont les conséquences fiscales, comptables et sociales ?

Sur le plan fiscal, ces différents revenus vont entrer dans la catégorie des Bénéfices non commerciaux (BNC). A noter : lorsqu'ils sont intégralement déclarés par des tiers, les écrivains et les compositeurs sont imposés selon les règles des traitements et salaires.L'artiste-auteur relevant des BNC sera soumis au régime fiscal de la micro-entreprise avec des obligations comptables simplifiées ou au régime de la déclaration contrôlée. Dans ce dernier cas il devra déclarer son bénéfice non commercial annuellement dans une déclaration 2035 et éventuellement adhérer à une association agréée afin de bénéficier d'un avantage fiscal.Enfin, il va devoir s'acquitter de cotisations sociales soit directement chaque année auprès de l'Agessa ou de la Maison des artistes, soit en appliquant le système du précompte.

Pouvez-vous nous en dire plus sur le précompte ?

En principe, les cotisations sociales sont précomptées de la rémunération versée à l'artiste-auteur, c'est à dire prélevées à la source par la personne qui le rémunère et que l'on nomme le diffuseur (c'est le cas de l'éditeur de BD pour l'illustrateur par exemple). Ce dernier reverse ensuite les cotisations sociales à l'Agessa ou à la Maison des artistes.En revanche dès lors que l'artiste-auteur est "affilié", il peut demander à être dispensé de précompte (excepté les écrivains et les compositeurs soumis aux traitements et salaires) en remplissant une "attestation de dispense de précompte" et verser chaque année les cotisations sociales dues. Le client ne verse dans ce cas qu'une simple cotisation "diffuseur".Il faut savoir qu'en cas de vente de ses oeuvres à des particuliers ou à un commerce d'art (ou en cas de cours donnés), l'artiste-auteur ne précompte pas. Il règle ses cotisations sociales une fois l'an auprès de l'Agessa ou de la Maison des artistes comme dans le cas de la dispense de précompte.

Existe-t-il des aides spécifiques pour les artistes-auteurs ?

Pour obtenir des informations sur ce sujet et des soutiens, les artistes-auteurs peuvent se tourner vers la Direction générale de la création artistique (Ministère de la culture et de la communication).Il existe également des subventions pour la culture au niveau régional et départemental. Enfin on peut citer des aides fiscales comme le crédit d'impôt en faveur des métiers d'art, du cinéma, et de la production phonographique.

Quels conseils donneriez-vous à un artiste-auteur avant de se lancer ?

Avant de créer il faut s'assurer d'avoir des clients !Se lancer, ce n'est pas qu'être passionné. Même si l'artiste a un savoir faire et du talent, il doit savoir gérer, vendre et communiquer et ce n'est pas toujours le cas. Certains se rapprochent d'agents pour les aider dans leur démarche commerciale. A ce titre, ils peuvent consulter l'Annuaire des agents artistiques et le site du Comité professionnel des galeries d'art. J'ai également créé une association : le Club Thot qui référence un grand nombre de professionnels qui gravitent autour du monde artistique et qui accompagnent les artistes dans leur démarche et la gestion de leur entreprise.

Propos recueillis en janvier 2012 par Yoann Rotureau

Janvier 2012