Votre activité se développe, vos projets progressent et votre situation évolue, il apparaît donc nécessaire que vous changiez de régime.
Si cette démarche est coutumière à bon nombre d’entrepreneurs, elle nécessite néanmoins qu’on y accorde temps et accompagnement du fait des modifications importantes que votre entreprise va connaître.
François Hurel, président de l’Union des auto-entrepreneurs (UAE) s’est penché sur la question pour Bpifrance Création.
Bpifrance Création : Quelles sont les raisons qui poussent les entrepreneurs à sortir du régime de la micro-entreprise ?
François Hurel : Il y a trois raisons. Ce choix peut être lié à une croissance par franchissement des seuils de la micro-entreprise, à la croissance par investissements économiques rendus nécessaires (comme le recrutement) ou à la croissance par rapprochement avec une autre entreprise.
La première raison est automatique, dès lors que l'on dépasse les plafonds de chiffre d'affaires, il est obligatoire de changer de statut juridique.
La croissance par investissements est, quant à elle, motivée par la volonté de sortir d’un régime ultra simplifié dans lequel les charges de fonctionnement sont compensées par un abattement forfaitaire, pour aller vers un système permettant de les déduire pour leur montant réel. En effet, dans le cas d'investissements importants, il est préférable d'amortir des achats ou des emprunts en vue d’étoffer l’activité. De plus, lorsque le volume d'activité augmente, il peut devenir nécessaire de recruter un salarié pour asseoir la commercialisation et pouvoir répondre à la demande.
Et dans le cas de la troisième raison, Ce cas de figure se présente lorsque deux ou plusieurs entrepreneurs, qui ont un but commun, décident de créer une association économique ensemble et durablement (donc une société).
Bpifrance Création : Comment se préparer au mieux ?
François Hurel : En premier lieu, il convient de faire un bilan de l’activité et de son potentiel d'avenir. Vous allez donc devoir calculer votre chiffre d’affaires, déterminer le nombre de vos clients acquis et ceux à venir, analyser l'évolution de vos offres et enfin connaître le nouveau seuil de rentabilité de votre activité.
Une fois que tout cela sera fait, vous pourrez projeter un chiffre d’affaires réaliste et réalisable. C’est une étape dans laquelle il est bon de se faire accompagner. On peut toujours tout faire seul, cependant un œil extérieur à de nombreuses vertus. Cela permet notamment de regarder la situation avec plus d’objectivité et sécuriser cette décision d'évolution.
Ensuite il faudra bien maîtriser ce qu’il va se passer. En changeant de statut, les cotisations les cotisations sociales et contributions ne se payeront plus au fil de l’eau, vous devrez en décaler le règlement d’une année. Lorsque vous sortirez du confortable régime auto-entrepreneur très simple, vous ne pourrez plus faire fonctionner votre entreprise de la même façon. Par exemple, si vous n'aviez pas déjà franchi le seuil de la TVA en micro, vous devrez anticiper le fait que vous allez y être assujetti d'emblée. Il vous faudra davantage faire des provisions, planifier votre trésorerie en fonction des nouveaux coûts associés à vos nouvelles obligations et nouveaux fonctionnements comptables et administratifs.
Bpifrance Création : Est-ce qu’il y a des conséquences ?
François Hurel : En effet. Il faut changer de statut entrepreneurial. Il est tout à fait possible de rester en entreprise individuelle et seulement changer de régime fiscal et social. C’est ce qu’on appelle un "passage au réel". On évolue alors de la comptabilité de trésorerie à celle d’engagement, plus complexe à tenir. Il faudra intégrer ce décalage de règlement des cotisations sociales, puisqu’elles sont calculées à partir du bénéfice réalisé l’année précédente. C'est notamment le cas si vous faites le choix de rester en entrepreneuriat individuel (ce qui est la solution la plus facile, la plus logique et surtout la moins coûteuse).
Il est également possible de basculer vers une autre forme : la personne morale. Elle peut être unipersonnelle (EURL, Sasu…) ou pluripersonnelle (SARL ou SA). Ainsi, vous allez devoir apporter votre activité entrepreneuriale de personne physique - que vous aviez en indépendant régime micro - à une personne morale. La société nouvellement créée en deviendra alors la propriétaire. A noter qu'il faut radier sa micro-entreprise pour évoluer vers une autre forme.
Un numéro siret vous sera attribué et il faudra bien veiller à ne pas perdre les agréments accordés au n° siret de votre auto-entreprise, et s'assurer des modalités de leur transfert sur la nouvelle entité, afin de poursuivre l'activité sans aucune rupture.
Concernant votre statut social, vous pourrez continuer de relever du régime des travailleurs non-salariés (comme un indépendant) ou selon votre nouveau modèle économique en société, vous pourrez décider de basculer en assimilé-salarié (avec une rémunération sous forme de salaire avec tout ce que cela comporte). Lors de vos prévisions, il est important de vous assurer du calcul de vos cotisations sociales et de votre revenu net sous ce nouveau statut juridique.
Bpifrance Création : Sur le papier cela semble facile, mais est-ce vraiment le cas ?
François Hurel : Effectivement, il faut vous préparer à passer dans le monde du « plus complexe ». La plupart du temps il est nécessaire de se faire accompagner. Cela peut être par un réseau d’accompagnement ou un professionnel comptable, mais en tout cas c’est une étape qui mérite d’être encadrée. Une formation sera toujours la bienvenue si vous avez le temps, pour bien comprendre les tenants et les aboutissants.
Ce que nous proposons à l’UAE, c’est que pendant l’année de sortie du régime micro, il n’y ait aucune conséquence fiscale, sociale administrative ou juridique, et qu’en échange de cela, l’entrepreneur s’engage à se former à ce changement de statut (par le biais de formations sélectionnées). Cela permettrait une transformation agile du simple vers le plus complexe.
Bpifrance Création : Existe-t-il des organismes « ressources » auprès desquels trouver de l’aide ?
François Hurel : Bpifrance et d'autres banques pourront vous donner un bon fléchage. Ensuite, au sein de l’Union des Auto-Entrepreneurs, nous avons des « partenaires solutions » des structures qui accompagnent les entrepreneurs dans la fiscalité, les complexités administratives, la gestion des débours, la comptabilité, la protection sociale, etc...
Nous avons des partenaires comme par exemple la banque CIC qui soutient le développement des auto-entrepreneurs, ou encore Numb'r un réseau de cabinets comptables qui les accompagne techniquement dans leur évolution en société. Certains de nos partenaires sont aussi des startups telles que Superindep, Indy ou Weshake, proposant des services ayant pour vocation de simplifier la vie des indépendants en rendant leur comptabilité et leurs démarches administratives plus intuitives et simples. Au delà des les accompagner au quotidien, tous nos partenaires accompagnent la croissance des auto-entrepreneurs qui le souhaitent.
Donc, avant d'envisager changer de statut juridique les maîtres mots seront : comprendre, préparer, anticiper et provisionner.
Propos recueillis en mars 2025
Auteur : Mélanie Bruxer