France Active : accompagner et financer les entrepreneurs engagés

  • Temps de lecture: min

Bpifrance Création : Quels types d’entreprises financez-vous ?

Denis Dementhon : Nous finançons deux types de projets. D’abord il y a ceux créés par des demandeurs d’emplois qui, pour différentes raisons (apport personnel insuffisant, parcours heurté), ont du mal à accéder à un crédit bancaire. Puis il y a ceux qui auront un impact positif sur la société ou l’environnement.

C’est pour pallier les problèmes d’accessibilité au crédit bancaire ou même aux fonds propres que ces deux typologies d’entreprises peuvent rencontrer que nous avons créé la société d’investissement France Active ou France Active Garantie (partenaire de toutes les banques). 
 

Bpifrance Création : Est-ce que vous observez des tendances de fond ?

DD : Rien qui se démarque radicalement des tendances que l’on observe dans la création d’entreprises en général. Commerce, services à la personne et artisanat sont parmi les secteurs de prédilection des créateurs. 
En revanche, si on regarde du côté des entreprises à impact ou de l’économie sociale et solidaire, là il y a de vraies tendances de fond. Je pense notamment aux projets qui se développent dans les secteurs de l’économie circulaire ou de l’alimentation. 
On note également un engouement autour des projets industriels. Je pense notamment à des belles histoires de reprises d’entreprises par les salariés (sous forme de coopérative). C’est par exemple le cas de l’entreprise Duralex dans laquelle nous avons investi 400 000 euros. 
 

Bpifrance Création : Dans votre projet stratégique à l’horizon 2025, vous avez choisi de vous concentrer sur quatre axes : créer une économie du lien, agir en résonance avec les territoires, investir la finance et faire mouvement. A quelques semaines de l’échéance, quel bilan dressez-vous ? Les objectifs ont-ils été tenus ?

DD : En grande partie oui ! Notre activité d’investissement est en plein essor, je dirais même que l’objectif de doublement est dépassé de ce côté-là ! Les entreprises solidaires ou à impact ont eu besoin de se redéployer après la crise Covid-19, certaines avaient pris des coups assez rudes, c’est pourquoi il était nécessaire de les aider à reconstituer leurs fonds.  

Sur l’axe, « agir en résonance avec les territoires », je noterais trois avancées majeures. La première, c’est qu’aujourd’hui nous travaillons avec toutes les collectivités territoriales et toutes les régions partenaires du réseau France Active. Nous avons également investi les Outre-mer que nous couvrions mal jusqu’alors. Je pense notamment à toute la zone Antilles-Guyane.

En parallèle, notre ciblage sur les territoires les plus sensibles (c’est-à-dire ceux vers lesquels les flux financiers vont le moins facilement) a été renforcé. A noter que les quartiers prioritaires de la ville (QPV) représentent 10 % de notre activité, quant au zonage France ruralités revitalisation (FRR), cela tourne autour de 20 %. 
Via l’axe « Faire mouvement », nous sommes parvenus à créer des coopérations visant à renforcer l’engagement des entrepreneurs dans près de 67 territoires. Une vraie fierté pour France Active !

 

Bpifrance Création : Pourquoi avoir créé un accompagnement spécifique aux entrepreneurs des quartiers ?

DD : Car les habitants de ces territoires ont un réseau économique restreint et bien moins de moyens. Toutes les études sur les différenciations cachées ou involontaires prouvent qu’il y a une « discrimination à l’adresse ». Ils n’ont pas les codes ou la culture familiale, ce qui peut être un vrai frein à l’accès au crédit. C’est pourquoi nous proposons aux entrepreneurs des QPV – et notamment aux jeunes - un accompagnement plus soutenu. Cela nous permet de passer plus de temps avec eux et de les aider à mieux préparer leur dossier. Et pour que ce travail soit optimal, nous avons décidé de proposer des formations aux réseaux d’accompagnement.

Bpifrance Création : En quoi cela consiste-t-il ?

DD : Les réseaux d’accompagnement interviennent généralement en amont de notre expertise et sont en quelque sorte la première porte d’entrée d’un entrepreneur lorsqu’il décide de lancer son projet. Ils sont en mesure de mettre en garde les porteurs de projets et de les sensibiliser sur les bons réflexes à avoir, notamment en matière de financement. Je ne le rappellerai jamais assez : on ne lance pas une entreprise avec des bouts de ficelle ! Micro-entreprise ne va pas de pair avec micro-crédit ou endettement personnel. Il faut démarrer avec un vrai prêt bancaire.  

Bpifrance Création : Et en quoi consiste le programme Accès + ?

DD : La cible ici, ce sont les personnes qui sont le plus en difficulté. C’est-à-dire les bénéficiaires des minima sociaux, les personnes ayant plus d’un an de chômage ou celles qui ont un parcours de précarité (moins de 30 ans, plein de petits boulots, pas de capital).
Via Accès + elles bénéficieront d’un accompagnement rapproché, de webinaires et de partenariats sur des actions d’assurance.

Bpifrance Création : Quelles sont les démarches pour en bénéficier ?

DD : On va vous poser une série de questions qui vont nous permettre de déterminer l’accompagnement qui sera le plus adapté à votre profil. 
Cela nécessite que votre projet soit bien décrit. Bien sûr, on n’attend pas de vous un plan de financement détaillé, en revanche, il est nécessaire que l’ensemble des services que vous souhaitez proposer soient clairs et que vous puissiez nous présenter un prévisionnel. Si on considère que ce travail n’est pas suffisamment précis et que vous en êtes encore au stade de l’idée, on vous redirigera vers nos partenaires du collectif Cap Créa.

En revanche, si le projet est mature, nous pourrons calibrer ensemble le crédit bancaire et vous aider à préparer votre entretien avec l’établissement bancaire de votre choix.  

Bpifrance Création : Quelle est la problématique la plus courante qu’ont pu rencontrer les porteurs de projet que vous accompagnez ?

DD : Je dirais le sous-financement. Il n’est pas rare de rencontrer des créateurs qui, pour limiter leur endettement, ont cumulé les aides et on mal évalué leur besoin de financement.  
Malheureusement, cette mécanique est rarement payante et lorsque l’entrepreneur retourne chez son banquier six mois après le lancement de son projet, pour contracter un nouveau prêt bancaire, il est rare qu’on lui accorde. 
C’est pourquoi il est important de bien calibrer le projet au démarrage et ne rien oublier sur sa protection sociale ou son assurance.

Bpifrance Création : Est-ce que vous avez un dernier conseil à transmettre aux porteurs de projet ?

DD : Je ne crois pas qu’on construise de l’impact positif tout seul, donc je leur conseillerais de se rapprocher d’acteurs sociaux, d’être à l’écoute de ce qu’il se passe sur leur territoire et d’essayer au maximum de créer des coopérations. Que ce soit avec des entreprises, des réseaux associatifs ou même des collectivités territoriales. Le tout est de parvenir à intégrer son activité économique dans un jeu d’acteurs plus large. 

Propos recueillis en décembre 2024

Auteur : Mélanie Bruxer

Janvier 2025