Avez-vous le sentiment que la vision de l’échec est en train d’évoluer en France ?
Elle est en train d’évoluer oui. Des exemples le prouvent. Avant, il y avait le code 040 qui interdisait à un entrepreneur ayant connu la liquidation de son entreprise d’avoir recours à un prêt, même à titre personnel. C’était aberrant ! Depuis l’an dernier, cette mesure a été supprimée. Les banques accompagnent elles aussi de plus en plus les entrepreneurs en rebond. Bpifrance garantit les prêts bancaires qui leur sont consentis, par exemple.
La loi PACTE vise notamment à simplifier les procédures de liquidation judiciaire, est-ce suffisant ?
Non ce n’est pas suffisant, mais Paris ne s’est pas fait en un jour ! C’est important que le gouvernement accepte l’idée de l’échec. Les choses à mettre en place prennent du temps mais il faut bien un début.
Vous affirmez que dans 85 % des cas, les personnes en difficultés qui toquent à votre porte viennent trop tard
C'est vrai, les personnes qui viennent nous trouver sont souvent déjà en cessation de paiement. Si elles étaient venues plus tôt, elles auraient eu 70 % de chance d’être sauvées.
Vous parlez de "sauver " ces personnes, c’est un terme assez fort…
Absolument. Il faut avoir à l’esprit que les chefs d’entreprise qui ont des difficultés ne les rencontrent pas uniquement sur le plan professionnel, bien au contraire. Souvent des cautions personnelles ont été données. Et si la personne est mariée, son couple peut se fragiliser et en arriver au divorce. On rencontre régulièrement des entrepreneurs déprimés qui éprouvent un grand sentiment de solitude. Et dans les cas les plus extrêmes, ils peuvent aller jusqu’au suicide.
Comment les aidez-vous au quotidien ?
D’abord, ils échangent avec des coachs pour comprendre les raisons de leur échec afin de ne pas recommencer les mêmes erreurs. Ces derniers les aident également à faire le deuil de leur entreprise et à retrouver la confiance nécessaire pour élaborer un nouveau projet professionnel. On constate d’ailleurs que 50 % recréent une entreprise et 50 % retrouvent un emploi salarié, sans doute pour retrouver une forme de stabilité et faire face à des urgences alimentaires.
Ils sont aussi individuellement accompagnés par des parrains ou marraines (chefs d’entreprise ou cadres dirigeants) avec lesquels ils élaborent un projet de rebond. Des soutiens matériels en fonction des situations sont mis en œuvre, tel que job relais, prêts de bureaux par exemple. Cet accompagnement individuel sur-mesure est complété par du collectif avec des réunions mensuelles durant lesquelles les entrepreneurs accompagnés participent à des groupes de co-développement sur des problématiques qu’ils rencontrent ou à des ateliers animés par des experts métiers.
Quand on les interroge, les entrepreneurs estiment avoir gagné entre un et deux ans grâce à 60 000 rebonds.
Donc, vous n’êtes pas près d’arrêter !
Jamais ! Il n’y a pas que la création à accompagner, il y a aussi le rebond. D’ici à 2022, nous souhaitons couvrir 50 villes et accompagner 2 000 entrepreneurs. Et en attendant, nous allons continuer de parler du rebond à voix haute, notamment lors de la grande soirée du rebond le 19 novembre 2019 à Bercy !