Dans cet article :
Souple, temporaire et moins rigide que le bail commercial, le bail dérogatoire séduit de nombreux entrepreneurs en phase de lancement ou de test d’activité. Mais attention : cette souplesse suppose le respect d’une réglementation stricte à ne pas négliger.
Qu’est-ce qu’un bail dérogatoire ?
Le bail dérogatoire, également appelé « bail de courte durée », est un contrat de location de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal, conclu en dehors du régime protecteur des baux commerciaux et pour une durée maximale de 3 ans.
Le bail dérogatoire est un contrat obligatoirement écrit et exprimant la volonté expresse des parties de déroger au statut des baux commerciaux. Il est donc conseillé d’y prévoir une clause dérogatoire explicite, par exemple : “Conformément aux dispositions de l’article L145‑5 du Code de commerce, les parties conviennent expressément que le présent bail est un bail dérogatoire, excluant l’application du statut des baux commerciaux.”
L’intérêt de recourir à un bail dérogatoire est double :
- Du point de vue du locataire, ce bail lui permet de tester son local commercial et de vérifier la rentabilité de son activité pendant une période plus courte que celle d’un bail commercial ;
- Du point de vue du bailleur, ce bail lui permet de « tester son locataire » avant de s’engager dans une durée plus longue, et sans avoir à lui verser une indemnité d’éviction lors de son départ.
Durée du bail dérogatoire
Le « bail de courte durée » porte bien son nom ! La durée totale du bail ou des baux successifs ne peut pas dépasser 3 ans. A l'expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail de ce type pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux.
Le bail dérogatoire n’a pas de durée minimale, contrairement au bail commercial dont la durée minimale est fixée à 9 ans (avec droit de résilier le bail à l’expiration de chaque période triennale).
Loyer du bail dérogatoire
Contrairement au bail commercial, dont le loyer est encadré par des règles de plafonnement, le bail dérogatoire bénéficie d’une liberté contractuelle totale en matière de fixation du loyer.
Ainsi, le montant du loyer est librement fixé par les parties (en principe, à la valeur locative) et n’est pas soumis aux règles de plafonnement.
Etats des lieux
Un état des lieux contradictoire et amiable doit être établi lors de la prise de possession des locaux par le locataire et lors de leur restitution, et joint au contrat de location.
Si l'état des lieux ne peut être établi à l’amiable, il est établi par un commissaire de justice, sur l'initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire.
Risque de requalification en bail commercial
On l’a vu, pour être valable, le bail dérogatoire doit :
- être formalisé par écrit ;
- comporter la volonté expresse des parties de déroger au régime des baux commerciaux ;
- être conclu pour une durée maximale de 3 ans.
Lorsque l’une de ces conditions fait défaut, le contrat encourt une requalification en bail commercial. La partie qui souhaite obtenir cette requalification peut agir dans un délai de 2 ans à compter de la signature du contrat.
Fin du bail dérogatoire
Pas de reconduction tacite
Le bail dérogatoire ne peut pas être reconduit tacitement.
Cela signifie que si un bail dérogatoire (conclu pour 1 an par exemple) arrive à son terme, et que les parties souhaitent poursuivre la relation commerciale dans le cadre dérogatoire, il est impératif de conclure un nouveau contrat écrit, à condition que la durée cumulée des baux successifs n’excède pas 3 ans.
Pas de résiliation anticipée
Le bail de courte durée est conclu pour une période déterminée, ce qui implique que les parties s’engagent à respecter la durée convenue. En principe, le locataire ne peut pas quitter les lieux avant l’échéance prévue sans l’accord du bailleur, et reste redevable des loyers jusqu’au terme du contrat.
Toutefois, un départ anticipé peut être envisagé si les deux parties trouvent un accord amiable. Pour encadrer cette possibilité, il est recommandé d’insérer dès la signature du bail une clause de résiliation anticipée, précisant les modalités de mise en œuvre : délai de préavis, forme de la notification, conditions particulières, etc.
Pas de droit au renouvellement
Le locataire ne bénéficie pas d’un droit au renouvellement de son bail.
Cela signifie que le bailleur peut autoriser le renouvellement, mais il n’en a pas l’obligation. Il peut donc refuser au locataire le renouvellement du bail arrivé à terme, sans motif légitime et sans avoir à lui verser une indemnité d’éviction.
La reconnaissance d’un bail commercial
Dans le silence des parties, si le locataire reste et est laissé en possession des lieux pendant 1 mois après l’expiration du bail dérogatoire, il s’opère un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux (durée 3/6/9 ans, droit au renouvellement, indemnité d’éviction, etc.).
En pratique, un bailleur qui souhaite récupérer ses locaux doit donc le notifier au locataire avant la fin du bail dérogatoire, ou au plus tard dans le mois qui suit l’expiration du contrat, si le locataire les occupe toujours.
Le locataire aussi doit être vigilant. S’il reste dans les locaux plus d’un mois après l’expiration du bail, le propriétaire pourrait ensuite s'opposer à son départ. Le locataire se trouverait alors engagé par un bail commercial et ne pourrait pas donner congé avant la fin d'une période triennale.
Ajoutons que la jurisprudence a précisé que l’action en constatation d’un bail commercial né du maintien du locataire dans les locaux à l’issue d’un bail dérogatoire est imprescriptible. Ainsi chaque partie peut, à tout moment, demander la reconnaissance d’un bail commercial.
Bail dérogatoire, bail commercial, convention d’occupation précaire : quelles différences ?
Le bail dérogatoire se distingue à de nombreux égards du bail commercial et de la convention d’occupation précaire.
| Bail dérogatoire | Convention d'occupation précaire | Bail commercial | |
|---|---|---|---|
| Nature juridique | Contrat réglementé par l’article L145-5 du Code de commerce | Contrat atypique, encadré par la jurisprudence et l’article L145-5-1 du Code de commerce | Contrat réglementé par les articles L145-1 et suivants du Code de commerce |
| Formalisme | Ecrit obligatoire, avec clause dérogatoire explicite | Ecrit recommandé | Ecrit recommandé |
| Finalité | Location temporaire volontaire (pour tester une activité, occupation saisonnière, etc.) | Occupation temporaire en attente d’un évènement extérieur (travaux, démolition, expropriation, etc.) | Exploitation stable d’un fonds de commerce |
| Durée | 3 ans maximum | Variable, liée à la réalisation d’un évènement extérieur | 9 ans minimum, renouvellement possible |
| Résiliation anticipée | Sous réserve qu'une clause le prévoit | Dans les conditions prévues au contrat | Résiliation possible tous les 3 ans à l’initiative du locataire et du bailleur (avec préavis de 6 mois) |
| Droit au renouvellement | Non | Oui | Oui |
| Indemnité d'éviction | Non | Non | Oui, sauf motif légitime de non-renouvellement |
| Contrepartie financière | Loyer déterminé selon ls conditions du marché, librement fixé | Redevance modique (symbolique ou très faible) | Loyer déterminé selon ls conditions du marché, librement fixé |
Textes de référence
Foire aux questions
Les activités libérales (médecins, avocats, architectes, consultants, etc.) ne relèvent pas du statut des baux commerciaux. Leur exercice obéit, en principe, au régime des baux professionnels. Toutefois, le locataire et le bailleur peuvent s’entendre pour y déroger et soumettre leur bail aux règles d’un bail dérogatoire.