Régimes matrimoniaux

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Le choix du régime matrimonial pour un porteur de projet revêt une importance particulière car il détermine l'étendue du patrimoine personnel du dirigeant et donc des biens saisissables en cas de difficultés. De plus, en cas de divorce ou de décès, un régime matrimonial inadapté peut mettre l'entreprise en péril. Il est donc important de bien connaître les caractéristiques des quatre grands types de régimes matrimoniaux.

Régime de la communauté réduite aux acquêts

C'est le régime "légal" : il s'impose à tous les époux qui n'ont pas signé de contrat de mariage devant un notaire.

Ce régime comporte trois masses distinctes de biens : les biens propres de l'un des époux, les biens propres de l'autre époux, les biens communs aux deux époux (les acquêts).

  • Biens propres : ce sont les biens possédés par chaque époux avant le mariage ou ceux reçus par succession ou donation pendant le mariage. Chacun des époux n'a aucun droit sur les biens propres de l'autre.
  • Biens communs : ce sont les biens acquis pendant le mariage par les époux, y compris les gains, salaires et les revenus de leurs biens propres.
  • Quels sont les droits du conjoint ?

Depuis le nouveau statut de l’entrepreneur individuel, les biens utiles à l’activité professionnelle font automatiquement partie du patrimoine professionnel de l’entrepreneur "sans préjudice des pouvoirs reconnus aux époux pour administrer leurs biens communs et en disposer". Il en résulte qu’un bien commun peut intégrer le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel sans que son conjoint n’ait nécessairement donné son accord ou même en soit informé (à l’inverse de ce qui est prévu pour l’EIRL). En effet, chacun des époux a le pouvoir d’administrer (gérer) seul les biens communs et d’en disposer (ex: vendre un bien). L'époux qui exerce une profession séparée a seul le pouvoir d'accomplir les actes d'administration et de disposition nécessaires à celle-ci, à l’exception de certains actes comme la cession d’un fonds de commerce ou la signature d’un bail commercial.

Concernant l’acquisition de droits sociaux avec des fonds communs, l’autorisation du conjoint est nécessaire.

  • Quels sont les biens engagés par le chef d'entreprise ?
  • Ses biens propres.
  • Les biens de la communauté et donc le salaire du conjoint (sous réserve d'une partie insaisissable par les créanciers).

Seuls les biens propres du conjoint sont sauvegardés.

Lorsque l'un des conjoints se porte caution, seuls ses biens propres et ses revenus sont engagés. Les biens communs le sont uniquement si l'autre conjoint donne son accord dans l'acte de caution.

A noter : la résidence principale de l'entrepreneur individuel est insaisissable par ses créanciers professionnels.
Celui-ci peut en plus effectuer une déclaration d'insaisissabilité sur ses biens fonciers bâtis et non bâtis non affectés à l'usage professionnel auprès d'un notaire pour les isoler des poursuites de ses créanciers professionnels, même si les patrimoines personnel et professionnel sont automatiquement séparés depuis le 15 mai 2022. Il s'agit là d'une protection supplémentaire du patrimoine personnel.

  • Que se passe-t-il en cas de divorce ?

Si l'entreprise d'un des conjoints a été créée ou acquise durant le mariage, le conjoint non exploitant a droit à la moitié de sa valeur.

Toutefois, cette règle ne s'applique pas si l'entreprise a été créée ou acquise avant le mariage ou pendant le mariage avec les biens propres du conjoint exploitant. Une clause de "remploi" des fonds propres doit figurer dans l'acte de constitution ou de reprise.

En cas de divorce, seule la valeur des parts de SARL tombe en indivision, la qualité d’associé reste attachée à l’époux propriétaire des parts sociales. Il en va autrement pour les actions de SAS (titre négociable) qui deviennent indivises en cas de divorce. Dans ce cas l’époux propriétaire des actions peut perdre la qualité d’associé. Cependant s’il s’agit de la société dans laquelle l’époux exerce son activité professionnelle il pourra toujours demander au juge l’attribution préférentielle. 

  • L'adaptation du régime de la communauté réduite aux acquêts par voie contractuelle

Le régime de la communauté réduite aux acquêts peut être adapté en fonction de la situation patrimoniale du couple, par la signature d'un contrat de mariage, apportant des avantages matrimoniaux non prévus par le régime légal, qui s'appliquera en parallèle.

On peut citer notamment la clause de prélèvement moyennant indemnité, prévoyant qu'en cas de dissolution de la communauté (divorce, décès), un conjoint peut choisir un bien en priorité. Il peut s'agir du fonds de commerce exploité par celui-ci. Si la valeur de ce bien excède la part revenant au conjoint bénéficiaire, il doit verser une soulte.

De même, la clause de préciput permet, au moment de la dissolution de la communauté par décès, au conjoint survivant de prélever un bien (qui peut être le fonds de commerce) ou une somme d'argent sur la communauté avant tout partage. L'époux bénéficiaire n'a rien à verser en contrepartie.

Enfin, la clause de partage inégal : par cette clause, les époux décident que le partage, à la dissolution du mariage par décès, se fera dans d'autres proportions que celles prévues par la loi (50/50). Le passif est partagé entre les deux époux dans la même proportion.

Régime de la séparation de biens 

S'ils choisissent ce régime, les époux doivent établir un contrat devant notaire.
Ce régime ne comporte que deux masses distinctes de biens : les biens propres de chacun.
Les époux gèrent seuls et en toute liberté leur patrimoine respectif. Ils engagent uniquement leurs biens propres envers leurs créanciers personnels. Il n'y a en principe aucun passif commun.
A l'exception de la solidarité fiscale des conjoints : quel que soit le régime matrimonial, ils sont solidaires du paiement de l'impôt sur la fortune immobilière et de l'impôt sur le revenu s'ils font l'objet d'une imposition commune. La solidarité joue également pour les dettes d'entretien du ménage et d'éducation des enfants.

  • Principaux avantages par rapport au régime légal
  • Si l'entreprise de l'un des époux connaît des difficultés financières, seuls les biens propres de celui-ci pourront être saisis par les créanciers (sauf dette fiscale indiquée au paragraphe précédent).
  • Ce régime assure également au conjoint entrepreneur une plus grande autonomie de gestion que dans le régime de la communauté de biens.
  • Le divorce n'a, en principe, aucune incidence sur le sort de l'entreprise. Toutefois, les juges peuvent accorder - à sa demande - une indemnité au conjoint non exploitant lorsqu'il a participé bénévolement à l'activité de l'entreprise, pour compenser en partie, dans ce cas de figure, l'injustice de ce régime matrimonial.
  • Principaux inconvénients

Si un seul des époux exerce une activité professionnelle, en cas de rupture du contrat de mariage ou de décès de l'un des époux, le conjoint non exploitant peut se retrouver sans ressource, à moins d'avoir pensé à remédier à cet inconvénient par testament, donation ou assurance vie.
Cette perspective peut amener les futurs époux à choisir un régime intermédiaire : le régime de la participation aux acquêts.

Régime de la participation aux acquêts

S'ils choisissent ce régime, les époux doivent établir un contrat de mariage devant notaire. Ce régime associe les avantages du régime de la communauté de biens à ceux de la séparation de biens.

  • Pendant le mariage : tout se passe comme pour le régime de la séparation de biens. Les époux gèrent seuls et en toute liberté leur patrimoine respectif. Ils engagent uniquement leurs biens propres envers leurs créanciers personnels (sauf solidarité fiscale).
  • A la dissolution du mariage : on évalue l'enrichissement de chacun des deux patrimoines entre le jour du mariage et le jour de sa dissolution. L'époux, dont le patrimoine s'est le moins enrichi, a le droit de percevoir la moitié de l'augmentation du patrimoine de son conjoint.

Le conjoint exploitant d'une entreprise gère donc librement son patrimoine en toute indépendance. Il sauvegarde le patrimoine de son conjoint à l'égard de ses créanciers.

  • Que se passe-t-il en cas de divorce ?

Le conjoint non exploitant pourra bénéficier de l'enrichissement du patrimoine de son conjoint.
L'entreprise risque, cependant, d'être mise en péril si, pour payer la créance due à son ex-conjoint, l'exploitant est obligé de la vendre.
Pour remédier à cet inconvénient, les conjoints peuvent insérer dans leur contrat de mariage une clause indiquant que les biens professionnels sont exclus de la créance de participation.
Ainsi, en cas de dissolution du mariage, le conjoint du chef d'entreprise ne pourra rien réclamer sur l'entreprise proprement dite. Il aura seulement droit à la moitié des autres biens (maison, appartement, compte bancaire privé, etc.).

Ce régime semble être le plus avantageux pour les chefs d'entreprise qui désirent conserver personnellement la propriété de leur entreprise tout en mettant en commun avec leur conjoint les économies qu'ils réalisent.

Régime de la communauté universelle

C'est un régime qui a pour principal mérite d'être simple : tous les biens que les époux possèdent au jour du mariage, ceux qu'ils pourront acquérir par la suite forment une seule masse commune.

De même, toutes les dettes sont à la charge de la communauté, quelle que soit leur nature ou leur origine.
Ce régime doit donc être évité par les créateurs d'entreprises. En cas de dépôt de bilan, l'ensemble du patrimoine du couple est engagé.

Il est, en revanche, conseillé aux personnes âgées sans enfant car en cas de décès, le survivant n'est pas assujetti aux droits de succession.

Publicité obligatoire

Les commerçants ou artisans, mariés sous le régime de la communauté légale ou universelle, ont l'obligation d'indiquer et d'apporter la preuve, lors de leur demande d'immatriculation au Registre national des entreprises (RNE), que leur conjoint a été informé des conséquences sur les biens communs des dettes contractées au titre de leur activité indépendante.

Un modèle d'attestation de délivrance de l'information donnée au conjoint commun en biens sur les conséquences des dettes contractées dans l'exercice d'une activité commerciale sur les biens communs a été publié au Journal officiel (arrêté du 4 juillet 2007).

Comment changer de régime matrimonial ?

Les époux peuvent décider de changer de régime matrimonial ou de simplement le modifier à condition que :

  • les conjoints aient recours à un notaire ;
  • qu'ils soient tous les deux d'accord ;
  • que le changement soit justifié par un intérêt légitime : "l'intérêt de la famille".

Si ces conditions sont réunies, les époux doivent en principe :

- Faire établir un acte notarié qui va constater le changement de régime ou les modifications apportées au régime matrimonial.
- Informer personnellement leurs enfants majeurs et leurs créanciers (par annonce dans un journal d'annonces légales) de leur projet ; ceux-ci ont un délai de 3 mois pour s'y opposer auprès du notaire, faute de quoi leur acceptation du changement est tacite.
- Faire "homologuer" cet acte notarié auprès du tribunal judiciaire de leur domicile si les époux ont des enfants mineurs sous tutelle ou majeurs protégés, ou si le projet a fait l'objet d'une opposition (enfant majeur, créancier). Le juge accorde le changement de régime lorsqu'il est dicté par le seul intérêt de la famille et s'il n'est pas destiné à léser les créanciers.
- Publier le jugement au répertoire civil du tribunal judiciaire ;
- Faire porter une mention marginale sur l'acte de mariage.

La décision du tribunal prend effet immédiatement entre les époux. A l'égard des tiers, le changement de régime ne prend effet que 3 mois après qu'il ait été mentionné en marge de l'acte de mariage.

Le coût d'un changement de régime matrimonial peut être très élevé. En plus des honoraires d'avocat et/ou de notaire s'ajoutent des droits d'enregistrement (partage de communauté) proportionnels à la valeur du patrimoine des époux en cas d'apport d'un bien immobilier.
Cependant, les actes constatant un changement de régime matrimonial en vue de l'adoption d'un régime communautaire sont toutefois exonérés du droit fixe et de la taxe de publicité foncière.

Depuis le 1er janvier 2020, le changement de régime matrimonial pour un régime communautaire est soumis à un droit d’enregistrement de 125 euros d'une part et à une taxe de publicité foncière d’autre part, correspondant à 0,715 % de la valeur du bien transféré (dans l’hypothèse d’un transfert de droit de propriété immobilier).

Précision

Quel que soit le régime matrimonial, le juge peut décider de faire supporter la charge exclusive des dettes et sûretés consenties par le couple, solidairement ou séparément, dans le cadre de la gestion de l'entreprise, au conjoint qui conserve le patrimoine professionnel, ou à défaut, la qualification professionnelle ayant servi de fondement à l'entreprise.

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