
Découvrez comment créer ou rejoindre une coopérative existante afin de bénéficier de ces structures innovantes pour dynamiser votre activité artisanale.
Interview Question/Réponse
Bpifrance création : Qu'est-ce qu'une coopérative artisanale ? Quels sont ses objectifs ?
Daniel Le Guillant : La première particularité d'une coopérative artisanale réside dans le fait que son capital est détenu par les artisans sociétaires. Le conseil d'administration et le président de SA, les cogérants de SARL sont également et surtout des artisans et des adhérents de la coopérative. Son objet social est le prolongement de l'activité de l'artisan membre : développer son activité dans ses achats, dans sa commercialisation, dans sa mutualisation ou dans un outil de production. La coopérative peut aussi apporter des services additionnels, notamment des fonctions support, ce sont les artisans qui décident !
Bpifrance création : Quels sont les différents types de coopératives artisanales ? Quelles sont leurs différences ?
Daniel Le Guillant : Il existe différents types de coopératives artisanales, chacune ayant des objectifs et des fonctions spécifiques qui toutes répondent avant tout aux besoins exprimés par leurs associés artisans.
Les coopératives d'achat ont pour objectif principal l'approvisionnement. Elles se retrouvent dans de multiples métiers de l’artisanat : bâtiment, mécanique agricole, mécanique automobile, coiffure, etc. Ces coopératives se chargent d'acheter, stocker, livrer et gérer les relations avec les fabricants. Elles peuvent également disposer, notamment dans le bâtiment, d'une salle d'exposition commune pour présenter les produits aux clients des artisans.
Les coopératives de commercialisation regroupent des artisans qui ont décidé de s’unir pour réaliser, prendre des marchés en communs et répondre aux clients, tant en B to B (industrie, transport routier…) que B to C (bâtiment, artisanat d’art, taxis, services à la personne…).
Les coopératives de production et de services permettent aux artisans de mutualiser des locaux, des outils de production, des services partagés, etc. Un artisan seul peut par exemple rencontrer des difficultés à acheter une machine coûteuse et à la rentabiliser au quotidien. Dans ces coopératives, les artisans mutualisent pour améliorer l’efficacité et la rentabilité de leurs entreprises respectives.
Bpifrance création : A quoi s'engage un artisan en intégrant une coopérative ?
Daniel Le Guillant : Lorsqu'un artisan intègre une coopérative, il s'engage moralement à avoir une activité significative avec celle-ci. Cet engagement implique d’apporter de l'activité au sein de sa coopérative et de contribuer à son dynamisme. Par exemple, dans une coopérative d'achat, il est essentiel que ses achats soient significatifs, autrement l'adhésion n'aurait aucun intérêt. En plus de cet engagement économique, l'artisan doit également être actif dans la vie statutaire de la coopérative. Cela inclut la participation aux assemblées générales, aux réunions et à d'autres événements organisés par la coopérative. Cette implication active permet aux artisans de passer de concurrents à collègues, ce qui renforce la cohésion entre les membres, garantit le bon fonctionnement et la pérennité du modèle.
Bpifrance création : Comment les coopératives artisanales intègrent-elles l'impact social et environnemental dans leur fonctionnement ?
Daniel Le Guillant : Les coopératives artisanales intègrent l'impact social et environnemental dans leur fonctionnement de plusieurs façons. Tout d'abord, elles pratiquent la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) de manière intrinsèque, souvent sans en être pleinement conscientes.
D’abord dans la gouvernance et la répartition de la valeur. Chaque membre dispose d’une voix lors des décisions statutaires. Quel que soit le capital détenu, le résultat de la coopérative est redistribué aux associés selon le travail produit par chacun et non selon le capital détenu.
Ensuite parce qu’une coopérative appartient à ses adhérents, ce qui renforce l'engagement collectif et la responsabilité partagée. Nos coopératives jouent également un rôle important dans le développement local entrepreneurial en travaillant principalement avec des acteurs de leur territoire. Elles contribuent véritablement à la vitalité économique locale, elles favorisent les circuits courts, ce qui renforce les liens communautaires et soutiennent de fait l'économie locale, régionale. Plus de 90% des coopératives artisanales membres de WE COOP sont dans les territoires (Métropole et Outre-Mer). Enfin, d’un point de vue des secteurs d’activité, les coopératives d’achat du bâtiment dont je fais partie, adoptent des pratiques logistiques respectueuses de l'environnement. Nos coopératives organisent des tournées de livraison pour leurs artisans (livraison, récupération), réduisant ainsi le nombre de kilomètres parcourus et les émissions de CO2. A titre personnel je passe mes commandes auprès de ma coopérative MCS, qui me livre plusieurs fois par semaine, à l’occasion des tournées de livraison qu’elle organise chez ses adhérents ce qui optimise les trajets et minimise l'impact environnemental.
Bpifrance création : Quels sont les critères pour qu’une entreprise artisanale puisse rejoindre une coopérative ?
Daniel Le Guillant : Pour qu'une entreprise artisanale puisse rejoindre une coopérative, elle doit tout d'abord être immatriculée au registre national des entreprises en tant qu'entreprise du secteur des métiers et de l'artisanat. Ensuite, les candidats sont agréés par l’instance en charge de l’agrément au sein de la Coopérative (le Conseil d'administration pour une SA, la Commission d’agrément pour une SARL), composé de leurs pairs, c’est important. Chaque adhérent agréé est « testé » durant une année et à l'issue de cette période probatoire, et sur décision motivée de l’instance en charge de l’agrément, la collaboration est validée ou peut être terminée.
Bpifrance création : Pouvez-vous partager des exemples concrets de réussites obtenues grâce à l’action collective au sein d’une coopérative artisanale ?
Daniel Le Guillant : Un exemple concret de réussite obtenue grâce à l'action collective au sein d'une coopérative artisanale est celui de ma coopérative d’achat (MCS), membre de l’Orcab. Il y a 20 ans, j'ai adhéré à la Coopérative MCS. Aujourd'hui, elle réalise un chiffre d'affaires de plus de 40 millions d'euros, emploie 100 salariés, possède de beaux locaux et sert 350 artisans. Jamais je n'aurais cru que cette adhésion conduirait à une telle réussite. Pour moi, c'est la véritable illustration du succès du modèle coopératif.
Pour s’approvisionner, un artisan ne peut pas commander les produits directement chez un fabricant, il doit passer par un distributeur, et la valeur ajoutée générée sert à verser des dividendes aux actionnaires. Dans une coopérative d’achats, la valeur ajoutée est redistribuée aux adhérents, au prorata de leurs achats, et est réinvestie pour développer les outils et les ressources de la coopérative. Cela permet de transmettre un outil de travail performant et adapté aux besoins des artisans, renforçant ainsi leur compétitivité et leur capacité à innover.
Autre exemple, en avril, nous avons ouvert une magnifique salle d'exposition à Caudan dans le Morbihan, en coopération avec nos voisins et collègues de la coopérative CAB : Un outil qu’un artisan, seul, quel qu’il soit, ne peut pas réaliser et financer ; seule la coopération permet à des artisans de bénéficier d’outils de cette qualité.
Bpifrance création : Quelles sont les perspectives pour les coopératives artisanales dans le contexte économique actuel ?
Daniel Le Guillant : Les perspectives pour les coopératives artisanales sont prometteuses. Il existe de multiples domaines d’activités qui n’ont pas encore de « solutions coopératives ». De même, les coopératives ne couvrent pas l’ensemble du territoire (Métropole et outre-mer). Il reste beaucoup à faire pour faire connaitre et développer ce modèle, source de créations de valeurs et de sens. La Solidarité est la valeur fondamentale qui nous rassemble.
Concrètement, chez WE COOP, nous accompagnons une dizaine de porteurs de projet par an. Notre objectif est économique mais il contient toujours aussi une dimension humaine, nous y sommes très attachés et attentifs car par expérience, cela constitue aussi un élément essentiel de la réussite des coopératives, apprendre et savoir travailler ensemble. Nous nous engageons à défendre l'économie des artisans en matière d'achat, de commercialisation, de mises en commun d’outils de production, en leur fournissant les outils et les ressources nécessaires pour prospérer dans leurs entreprises respectives, tout en restant indépendants. Nous parlons souvent, dans notre secteur coopératif artisanal, « d’indépendance dans l’interdépendance ».
En résumé, les coopératives artisanales ont de belles perspectives de développement, notamment en périodes de crise où leur modèle économique prouve sa robustesse et son efficacité. Leur capacité à travailler localement et à répondre rapidement aux besoins des artisans les positionne comme des acteurs clés pour l'avenir économique.
Bpifrance création : Comment identifier, voire rejoindre une coopérative existante ou bien comment être accompagné pour créer une coopérative artisanale ?
Daniel Le Guillant : Pour identifier et rejoindre une coopérative existante, vous pouvez contacter WE COOP, qui regroupe et représente le secteur des coopératives d’artisans. Notre fédération joue un rôle important dans l’appui à la création de nouvelles coopératives et accompagne les entrepreneurs porteurs de projet dans tous les secteurs des métiers de l’artisanat, forte de plus de 40 ans d’expérience. WE COOP est là pour soutenir et développer le réseau des coopératives d’artisans et accompagner les entrepreneurs souhaitant mutualiser, partager, pour se développer individuellement et collectivement.
Propos recueillis en mai 2025
Romane Laferté