Noémie Kempf, plurientrepreneuse et nomade

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En 2019, vous décidez de devenir indépendante, mais votre activité ne saurait se résumer à cela. Que faites-vous aujourd’hui ?

Après plusieurs années à travailler dans l’univers des start-ups, j’ai décidé de me lancer à mon compte, en proposant des services monétisés de conseil en stratégie de contenus, ainsi que de la production de contenus écrits, principalement dans le secteur de l’éducation. Il y a deux ans, j’ai lancé The Storyline, un micro-média dédié au storytelling, qui propose notamment une newsletter et un podcast qui décryptent l’évolution des tendances de consommation. J’y interroge des marqueteurs et des créateurs qui réinventent les codes du marketing. L’an dernier, je me suis associée avec Alexandre Louapre pour créer Komuno : une formation à la création et l’animation de communauté pour les marketeurs. Je gère ces activités d’un peu partout dans le monde, car j’ai choisi un mode de vie nomade. J’ai travaillé en Thaïlande, où je suis d’ailleurs impliquée auprès d’une petite entreprise locale spécialisée dans l’éducation, au Portugal, au Mexique…

Cela représente une forte diversification en trois ans seulement. Etiez-vous guidée par une logique d’accroissement de revenus ?  

Non, bien au contraire ! Je pense qu’une stratégie de développement efficace ne doit pas se penser autour de la recherche d’un chiffre d’affaires immédiat. J’ai décidé de ne pas rendre payant le contenu de The Storyline, même s’il rencontre un succès croissant. Je préfère l’utiliser comme démonstration de la qualité de mon travail et cela fait venir des clients sans démarchage commercial. De plus, ils sont déjà convaincus par mon expertise, ce qui me permet ensuite de valoriser mon TJM (tarif journalier moyen) et mes prestations. C’est une façon de sortir du piège qui guette les indépendants : s’épuiser à accepter tous types de projets pour parvenir à atteindre un certain seuil de chiffre d’affaires. Je m’ancre désormais dans une approche qualitative et non plus quantitative. Néanmoins, cela implique de renoncer un temps à une partie de son chiffre d’affaires.  

Quelle est votre vision du monde du travail ?  

Je me suis beaucoup éloignée de la logique productiviste des start-ups ! Je suis convaincue que le travail doit procurer un intérêt intellectuel et ne pas se faire au détriment de la santé mentale et physique de chacun. À mon sens, il est important de diversifier ses activités professionnelles, d’essayer de toucher à tout et d’apprendre de nouvelles choses en continu. Cela va à l’encontre de l’organisation très silotée que l’on trouve dans les entreprises, où les tâches sont savamment divisées et réparties. Je plaide pour une répartition plus horizontale et pour plus de travail en équipe. Actuellement, je regarde de près un mode d’organisation développé notamment par le néerlandais Pieter Levels. Il crée une quantité incroyable d’entreprises, autour du nomadisme digital. Je suis très intéressée par le modèle de certains indépendants qui consiste à concevoir des produits et des solutions SAAS avec du no-code - c’est donc rapide et peu coûteux - et à les commercialiser à petit prix. Il faut créer des produits complémentaires, qui peuvent s’imbriquer les uns avec les autres. Cela génère un flux de revenus automatisé et libère du temps pour effectuer des missions à plus forte valeur ajoutée, ou des activités personnelles, comme du bénévolat. La notion de pérennisation des revenus est majeure pour parvenir à un tel résultat.

Un parcours comme le vôtre – et celui de Pieter Levels – demande de réunir des compétences variées. Comment y parvenir sans se perdre en route ? 

Je pense qu’il faut développer ce que l’on nomme un profil T-shaped. Cela consiste à avoir une expertise poussée dans un domaine puis, sur cette base, à élargir ses compétences, jusqu’à avoir une approche holistique d’un sujet. Pour y parvenir, je passe beaucoup de temps à effectuer de la veille sur mon secteur, à essayer de détecter des signaux faibles, annonciateurs de nouvelles tendances.

Quels sont vos conseils pour parvenir à mener de front plusieurs activités ? 

Je suis adepte de la stratégie dite des petits pas. On a tendance à vouloir tout faire tout de suite, mais on se fait alors submerger. Mieux vaut débuter avec ce que l’on maîtrise vraiment. Je ne me suis lancée dans de nouveaux projets que lorsque j’étais suffisamment à l’aise dans les précédents et que je parvenais à gagner du temps, par exemple en prenant un monteur pour mes podcasts, laissant ainsi plus d’espace pour Komuno. Il faut prendre son temps pour ajouter des briques et bâtir un mur solide, plutôt que de construire un château de cartes. Mon autre conseil, c’est de ne pas travailler quand on ne le sent pas ! Nous savons tous qu’il y a des moments où nous ne sommes pas productifs. Mieux vaut aller se promener, prendre un livre, et s’y remettre plus tard. La qualité doit être privilégiée à l’agenda millimétré.

Juin 2022