Dans cet article :
L’intégration fiscale permet à un groupe de sociétés de se comporter comme une seule entité aux yeux de l’administration fiscale concernant l’impôt sur les sociétés. Entre neutralisations, retraitements et obligations déclaratives, ce mécanisme avantageux révèle une mécanique complexe. Décryptage.
Le régime de l’intégration fiscale, qu’est-ce que c’est ?
Le régime de l’intégration fiscale est l’un des 3 régimes légaux applicable aux groupes de sociétés, aux côtés du régime mère-filles et du dispositif d’imposition minimale du bénéfice mondial.
Dans un groupe de sociétés, le régime de l’intégration fiscale permet à une société mère de se constituer seule redevable de l’impôt sur les sociétés (IS) pour l’ensemble des sociétés du groupe qu’elle forme soit avec ses sociétés dites « sœurs», soit avec ses filiales.
Chaque entité du groupe continue à établir son propre résultat fiscal individuel. Ces résultats sont ensuite agrégés au niveau de la société mère pour déterminer le résultat fiscal global du groupe.
Ce régime permet de réduire l’impôt sur les sociétés au global et ainsi, d’optimiser la trésorerie du groupe.
Quels sont les avantages de l'intégration fiscale ?
Avant d’aborder la distinction entre le régime mère-filles et l’intégration fiscale, et de présenter les conditions à remplir pour bénéficier de ce dispositif, arrêtons-nous sur les avantages de l’intégration.
Une compensation des résultats
L'effet le plus évident est la compensation opérée entre les déficits réalisés par une filiale/sœur et les bénéfices des autres sociétés du groupe intégré. Autrement dit, les pertes de certaines sociétés peuvent être utilisées pour réduire l’impôt sur les bénéfices d'autres entités du groupe, créant ainsi un avantage fiscal net pour le groupe dans son ensemble.
L’option pour le régime d'intégration fiscale présente un réel intérêt lorsqu'on est en présence d'une société mère bénéficiaire et d'une filiale qui génère des pertes et dont on n'attend pas de résultats positifs dans l'immédiat. C'est le cas, par exemple, lorsque l'on veut filialiser une nouvelle branche d'activité qui va engendrer des pertes pendant les premières années.
Les déficits subis par une société au titre d'exercices antérieurs à son entrée dans le groupe ne sont imputables que sur son propre bénéfice, et non sur le résultat d’ensemble.
L'option est aussi à envisager si la société mère est déficitaire et qu’une ou plusieurs de ses filiales sont bénéficiaires. C'est notamment le cas d'une holding créée pour la reprise d'une société par une personne physique.
Dans ce type de montage juridique, la holding emprunte une partie du montant nécessaire pour racheter les titres de la société cible. Ce prêt est ensuite remboursé au moyen des dividendes versés par cette filiale. Le déficit fiscal de la holding, lié aux frais financiers et à l'amortissement des frais d'acquisition, peut être imputé sur le bénéfice de la société cible et réduire ainsi la charge d'impôt globale.
La neutralisation fiscale des cessions d’immobilisations intragroupes
L’intégration fiscale permet de neutraliser fiscalement les cessions d’immobilisations intragroupes.
Lorsqu’une société d’un groupe intégré cède une immobilisation à une autre société du même groupe (ex : machine, ordinateur, véhicule, brevet, terrain), la plus-value ou moins-value dégagée par cette opération est neutralisée dans le calcul du résultat d’ensemble.
En d’autres termes, aucune imposition ne sera exigible au titre de cette transaction interne.
Toutefois, la neutralisation est temporaire. Elle cesse :
- en cas de sortie du groupe de la société cédante ou cessionnaire,
- ou en cas de cession de l’immobilisation à un tiers hors du groupe.
Dans ces situations, la plus-value initialement neutralisée est réintégrée dans le résultat d’ensemble.
Les subventions directes, les subventions indirectes et les abandons de créances consentis entre sociétés du groupe ne sont plus neutralisés fiscalement depuis 2019.
Intégration fiscale, régime mère-filles : quelle différence ?
L’intégration fiscale se combine parfaitement avec le régime mère-filles : tous deux octroient une exonération quasi totale d’impôt sur les dividendes distribués entre sociétés du groupe :
- En régime mère-filles « classique » : exonération à hauteur de 95 %, seule une quote-part de 5 % est réintégrée dans le résultat imposable de la société bénéficiaire, au titre des « frais et charges » ;
- En cas d’intégration fiscale : exonération à hauteur de 99 %, la quote-part de frais et charges réintégrée étant fixée à 1 % seulement.
L’intégration fiscale complète et renforce le régime mère-filles, mais ne le remplace pas. Elle permet une neutralisation comptable et fiscale plus large : sur les dividendes, les plus-values de cessions intra-groupes et les provisions.
En savoir plus sur les filiales
Quelles sont les conditions à remplir pour bénéficier de l’intégration fiscale ?
L’application du régime de l’intégration fiscale, valable 5 ans et renouvelable tacitement, requiert que les conditions suivantes soient remplies :
- les sociétés du groupe doivent relever de l'impôt sur les sociétés (IS) et être imposables en France ;
- la société mère détient au moins 95 % du capital de chaque filiale, de manière continue au cours de l'exercice ;
- les sociétés intégrées doivent ouvrir et clore leurs exercices, d'une durée de 12 mois, aux mêmes dates. Toutefois, la durée d’un exercice peut être modifiée pour être inférieure ou supérieure à 12 mois, une fois au cours de la période couverte par une même option ;
- le capital de la société mère ne doit pas être détenu à 95 % ou plus, directement ou indirectement, par une autre société passible de l'IS.
Toutefois, le capital de la société mère peut être détenu indirectement à 95 % ou plus par une autre personne morale soumise à l'impôt sur les sociétés, dès lors que cette dernière détient moins de 95 % du capital de la ou des sociétés intermédiaires.
A noter : Des règles particulières s’appliquent aux groupes dont la société mère est située à l’étranger, ainsi qu’à ceux comportant des filiales françaises de sociétés étrangères. Rapprochez-vous d’un conseil spécialisé si vous êtes concerné par ce type de montages juridiques.
Comment opter pour le régime de l’intégration fiscale ?
La société mère doit produire, au service des impôts dont elle relève, les éléments suivants :
- l’option pour le régime de l’intégration fiscale,
- l’accord des filiales,
- la liste des filiales,
- et s'il y a lieu, les accords des sociétés intermédiaires, des sociétés étrangères et de l'entité mère non-résidente, et la liste de ces sociétés.
L'option est notifiée sur papier libre selon le modèle établi par l'administration.
Cette option doit être notifiée par la société mère au plus tard à la date de dépôt de la déclaration de résultat de l’exercice précédant le premier exercice d’application du régime de groupe. Les filiales doivent informer le service des impôts des entreprises dont elles relèvent.
De plus, chaque année, la société mère doit adresser une déclaration de périmètre (formulaire n°2029-B) à l’administration, lors du dépôt du relevé de solde de l’IS n° 2572. Elle comprend la liste des sociétés membres du groupe et les sociétés qui cessent d’être membres de ce groupe, au titre de l’exercice liquidé. Cette liste indique le taux de détention directe et indirecte par la société mère
L’option est valable pour une période de 5 exercices. Cette option est renouvelée de manière tacite, sauf dénonciation au plus tard à la date de dépôt de la déclaration de résultat du dernier exercice de chaque période.
Au plus tard à la date de dépôt de la déclaration de résultat de l’exercice qui précède chacun des exercices couverts par l’option, la société mère doit produire les accords des sociétés entrantes et la liste des filiales mises à jour (formulaire n° 2029-B-bis).
Quelles sont les contraintes de l'intégration fiscale ?
Bien que bénéfique sur de nombreux aspects, le régime de l’intégration fiscale s’accompagne d’une lourdeur administrative et de certains risques fiscaux pour le groupe ou la filiale, en cas de sortie du régime.
Une gestion administrative complexifiée
L’option pour le régime de l’intégration fiscale implique de supporter des formalités administratives plus lourdes :
- Conclusion des conventions d’intégration avec chaque filiale. Seules les sociétés ayant donné leur accord peuvent rejoindre le groupe intégré ;
- Mises à jour annuelle du périmètre du groupe (liste des sociétés membres du groupe et des sociétés qui cessent d'en être membres pour l'exercice suivant) ;
- Déclaration d’ensemble (formulaire n°2058 et annexes spécifiques) à produire pour l’ensemble du groupe. De plus, chaque société membre (y compris la société mère) reste tenue d’établir son propre résultat fiscal et de déposer sa propre liasse fiscale (formulaire n°2065 et annexes) ;
- Suivi des retraitements intragroupes (dividendes, plus-values, abandons de créances, etc.). En cas d’omission ou d’erreur dans les retraitements, l’administration peut procéder à une rectification du résultat d’ensemble.
Des risques liés à la sortie du groupe
La sortie d'une société du groupe entraîne la réintégration des plus ou moins-values dégagées lors de cessions d’immobilisations internes au groupe. Cette sortie peut donc générer une charge fiscale imprévue pour le groupe.
Par ailleurs, la filiale dont le déficit a été appréhendé par la société mère ne peut plus utiliser ce déficit après sa sortie du périmètre de l’intégration.
Textes de référence
- Article 223 A du Code général des impôts
- Article 223 E du Code général des impôts
- Article 223 F du Code général des impôts
- Article 223 I du Code général des impôts
- Article 46 quater-0 ZD de l’annexe III au Code général des impôts
- Article 46 quater-0 ZH de l’annexe III au Code général des impôts
- Article 46 quater-0 ZK de l’annexe III au Code général des impôts
- Documentation administrative : BOI-IS-GPE