Meiro Hassan réinvente la sandale ethnique et chic

Pourriez-vous nous dire ce qui vous a donné le déclic pour créer votre entreprise ? 

J'ai baigné dans un environnement entrepreneurial, de par ma culture, ma famille et mes différents projets. Je crois avoir ça dans le sang ! 

Comment avez-vous eu l'idée de créer Ishola ?

L'idée est née lors d'un voyage au Kenya où j'ai découvert le travail exceptionnel des femmes Masaï. Je voulais faire découvrir la qualité de leurs réalisations et la créativité dont elles font preuve, notamment leur savoir-faire de la perle.  Pour tester mes premiers ressentis, je suis rentrée à Paris avec une dizaine de paires de sandales. A ma grande surprise, le tout a été vendu dans mon immeuble en seulement quelques heures ! J'ai pris conscience qu'il y avait un réel potentiel de développement.
Ensuite, pour confirmer mon étude de marché, lors d'un 2ème voyage au Kenya j'ai fait l'acquisition de 300 paires de sandales. Je les ai vendues auprès de comités d'entreprise, sur différents marchés et dans les stations balnéaires, sous le régime de la microentreprise. Le succès était encore au rendez-vous et je voulais voir les choses en grand.  A partir de là, j'ai su que j'avais enfin trouvé mon produit. J'ai démissionné et décidé de créer ma SASU en mars 2016.  L'histoire d'Ishola commence...

Comment votre offre se distingue-t-elle de celle des concurrents ?

Je propose des sandales authentiques et originales pour femmes. Ma valeur ajoutée repose sur le métissage de deux savoir-faire, africain et occidental. J'ai toujours souhaité partager cette double richesse culturelle. Chaque sandale est unique par son travail artisanal et tout est fabriqué à la main. C'est dessiné en France par mes soins, assemblé avec tradition au Kenya et finalisé avec le raffinement français à Paris. Et la sandale s'adapte parfaitement à la clientèle occidentale. Cela contribue également aux revenus durables des artisans. J'ai remarqué que depuis ces dernières années, le consommateur est aussi très sensible à cette dimension sociale et sociétale. Et ça tombe très bien ! Cette vision éthique me tient à coeur et je veux absolument mettre l'humain au centre.

Quels sont les ingrédients à réunir pour qu'un projet comme le vôtre puisse voir le jour ?

Je peux vous citer 3 points qui me semblent vitaux :
1 - Avoir la fibre et l'esprit entrepreneurial ! Je suis très motivée, autonome et créative. Mais parfois les choses vont très vite et il faut réagir en conséquence. J'ai donc appris à me débrouiller seule, à m'adapter à toute situation et à avoir une vivacité dans la prise de décision. Je ne lâche rien ! 
2 - Connaître son marché est un prérequis indispensable pour lancer son entreprise. Il faut rester en éveil, se poser les bonnes questions, se remettre en question à tout moment et être toujours  focalisé sur le besoin client. J'ai attendu que les différents indicateurs soient au vert pour me jeter à l'eau. J'avais vraiment besoin de passer par cette étape pour me rassurer et me mettre en confiance. 
3 - S'entourer de personnes compétentes pour une meilleure visibilité dans la prise de décision. En effet, on ne peut pas être expert dans tous les domaines, mais l'entourage doit vous aider à vous tirer vers le haut. Je consulte les professionnels de mon propre réseau, cela m'aide également à monter en compétence. Et en tant qu'entrepreneur on doit toucher un peu à tout. 

Comment avez-vous constitué votre clientèle ? Avez-vous des retours de vos clients ? 

J'ai exploité mon réseau personnel (amies, famille, connaissances, anciens collègues...), et identifié des prescripteurs potentiels. La commercialisation était au démarrage essentiellement en B2C, en vente directe.  Aujourd'hui, j'ai aussi une clientèle en B2B, avec une répartition 40 % pour le premier et 60 % pour le second et j'aimerais inverser la tendance les 2 prochaines années.
De manière générale, les clients sont très satisfaits que ce soit en B2B ou B2C. Ils sont très contents de la qualité des produits, de la nouveauté, et de la dimension éthique. On parle même d'un "bel objet" ou d'une "œuvre", c'est très flatteur... Et ce produit n'existe pas par ailleurs en B2B.  En peu de temps, je me suis également développée à l'international : Moyen-Orient, Dubaï, Jordanie, Italie. Les retours sont également très bons et encourageants. 

Avez-vous mis en place des outils de communication ?

En mars 2018, l'équipe s'agrandit avec une nouvelle recrue consacrée à la communication, notamment sur le digital. C'est un axe incontournable que je me dois de maîtriser et optimiser. A ce jour, je fais 20 % des ventes sur internet et j'aimerais capitaliser davantage par ce canal, voire même inverser la tendance.

Avez-vous rencontré des difficultés dans la réalisation de votre projet ? Et comment y avez-vous fait face ?

Je peux en citer 2 qui m'ont beaucoup marquée :

- Le financement de mon projet
Je suis allée dans toutes les banques connues et toutes ont refusé ma demande de prêt. Elles étaient frileuses, pas rassurées, avec beaucoup de questionnements. C'était très compliqué pour moi et démotivant au fur et à mesure. Mais je croyais dur comme fer ce que me disaient mon marché et les retours clients.
- L'accès à l'information pertinente
Ayant fait le choix de ne pas avoir d'associé, lorsqu'il fallait prendre des décisions ou avoir du recul, c'était très difficile pour moi et confus. J'avais absolument besoin d'avis objectifs et neutres. Etant donné que l'aspect financier, le marketing, ou d'autres domaines n'étaient pas mes spécialités, j'avais besoin de conseils de professionnels qui sont très souvent payants et onéreux... Chaque denier compte, alors les dépenses doivent être intelligentes.  Ce que j'ai remarqué aussi en tant qu'entrepreneuse, c'est que l'environnement est très exigeant envers vous. On vous demande des expertises que vous n'avez pas forcément...On doit s'adapter très vite et être le plus réactif possible.

Avez-vous été accompagnée ? 

Aujourd'hui, je suis accompagnée par mon expert-comptable qui me soutient et m'est d'une très grande aide. Il a notamment appuyé ma demande auprès d'une banque, le Crédit Agricole.  Il y a eu l'accompagnement de la CCI 92 pour le montage de mon business plan ainsi que ma participation aux 5 Jours pour Entreprendre. Une formation assez pratique et dense en termes d'informations que je recommande à tous les futurs entrepreneurs. C'est un avant-goût avant de se lancer. Les échanges avec mon conseiller ont été riches et techniques. Il a été séduit par mon projet et a été moteur dans le montage du business plan.  J'ai également obtenu un prêt d'honneur via Hauts-de-Seine Initiative (HDSI). Une démarche indispensable qui m'a permis de lancer mon activité sereinement et d'obtenir mon prêt bancaire. Ils m'ont proposé un parrainage à la suite de l'obtention du prêt.

Quel est votre prochain défi maintenant que l'entreprise est sur les rails ?

Ma vision est d'amener Ishola à devenir une référence sur le continent africain, car il y fait chaud toute l'année ! Reproduire en Afrique le succès que la tropézienne a rencontré en France.  J'ai, par ailleurs, pour projets de diversifier ma gamme, de proposer de nouveaux produits, d'attaquer le marché asiatique et d'accentuer celui du Moyen-Orient. 

 

Propos recueillis par Jean-Michel Ly en mars 2018

Mars 2018