Débuter en faisant produire par une usine pour finalement internaliser sa production, tel est le chemin parcouru par Paloma Casile avec sa marque de lingerie haut-de-gamme éponyme. Un travail de longue haleine, pour des dessous au plus près de la demande des femmes.
Paloma Casile, avec la marque du même nom, a 10 ans et actuellement dans une nouvelle boutique dans le 7e arrondissement de Paris. La fondatrice nous explique les obstacles rencontrés et la manière dont elle a internaliser sa production ainsi que les avantages pour l'entreprise.
Votre marque a 10 ans et vous venez de déménager dans une boutique plus grande, dans le 7e arrondissement de Paris. Quelles barrières avez-vous dû lever pour en arriver là ?
Paloma Casile : Il y a très peu d’usines de lingerie en France et elles ne sont pas adaptées au mode de fonctionnement des petits créateurs. Il faut par exemple produire un minimum de 100 pièces, ce qui est un volume beaucoup trop élevé pour un soutien-gorge, dont chaque modèle se décline en 9 à 12 tailles. De plus, en tant que jeune créateur… il faut créer ! Donc sortir régulièrement de nouveaux modèles. Nous travaillions sur beaucoup de prototypes, que nous communiquions alors à l’usine, pour finalement n’en produire que quelques-uns. C’était coûteux en temps et en argent, pour l’usine comme pour nous.
Est-il pour autant possible d’internaliser sa production lorsque l’on est justement un jeune créateur ?
Il faut comprendre que rien ne se fait du jour au lendemain. L’internalisation de notre production s’est déroulée progressivement, sur 5 ans. Tout est parti d’un test. Un jour, j’ai présenté à un expert du secteur deux soutiens gorge identiques : un produit par l’usine et l’autre par nos soins. Il n’a vu aucune différence de qualité. Cela a marqué un tournant et nous avons décidé de faire quelques pièces en interne, notamment les petites séries et les retouches, puis nous sommes passés à 50/50. Internaliser sa production demande une réflexion très approfondie et une excellente organisation. Il y a aussi différentes phases d’ajustement, pour trouver le modèle optimal.
Justement, quel est-il ce modèle optimal ?
Nous avons en interne deux couturières à temps plein, deux stagiaires et deux alternantes, dans un atelier jouxtant notre boutique. Je me suis rendu compte qu’il existait un nombre optimal de pièces à produire par couturière, une trentaine. Au-delà, l’ennui survient et la qualité baisse. En deçà, on ne profite pas à plein de la courbe d’apprentissage. Je travaille donc aussi avec trois couturières freelance, qui réalisent les petites séries et les retouches, qu’il ne serait pas rentable de faire en interne.
Quels avantages vous procure cette internalisation ?
Évidemment, c’est une source de flexibilité et de réactivité. On peut stopper la production d’un modèle qui ne marche pas, à l’inverse produire rapidement des pièces supplémentaires. Cette production au plus près du marché évite de stocker trop de matières premières et de pièces. Enfin, cela me permet aussi de suivre les chutes et de les réutiliser, contrairement aux chutes produites en usine. Si je me rends compte que les chutes produisent un triangle de tissu, je vais pouvoir concevoir un string avec par exemple. C’est un avantage économique, mais aussi écologique. Mais je ne serais pas entièrement transparente si je ne vous disais pas que j’ai aussi décidé de retravailler avec cette usine ! Cette fois, c’est pour lancer une collection plus abordable, car mes pièces fabriquées à Paris sont rarement à moins de 400 €. Je produis aussi une collection plus accessible, fabriquée au Maroc. J’avais déjà remarqué que le pays avait des dispositifs de fabrication pour les petits créateurs, c’est un modèle intéressant. Maintenant que notre production est bien structurée, nous sommes prêts à ouvrir notre capital, pour ne pas rester une marque de niche.