Reprendre une entreprise en difficulté

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Si la reprise d’une entreprise saine exige déjà une préparation rigoureuse, celle d’une entreprise en difficulté impose une vigilance accrue et une compréhension fine des mécanismes juridiques en jeu. Ce type de projet ne s’improvise pas : il repose sur une adéquation forte entre le profil du repreneur et les spécificités de l’entreprise ciblée.

Similitude avec la reprise d'une entreprise en bonne santé financière

Tout comme la reprise d'une entreprise saine, un tel projet suppose que vous réalisiez un travail préalable sur votre projet personnel et sur vos motivations, afin de définir avec précision vos axes de recherche et notamment :

  • le ou les secteur(s) d'activités à cibler,
  • la zone géographique souhaitée,
  • la taille et l'organisation des entreprises à sélectionner,
  • l'enveloppe financière envisageable et les partenaires financiers mobilisables,
  • le délai souhaité de réalisation du projet.

Plus que jamais la cohérence "profil/projet" sera déterminante pour l'aboutissement de votre démarche et surtout pour assurer la sécurité ultérieure de votre reprise d'entreprise. Ce critère sera examiné en priorité par le tribunal pour juger de la recevabilité d'une offre.

Spécificité : le cadre juridique contraignant de la reprise d'entreprise en difficulté

La reprise d'une entreprise en difficulté s'inscrit dans un cadre juridique particulier : celui des procédures collectives

Plusieurs solutions juridiques s'offrent aux chefs d'entreprise qui rencontrent des difficultés, en fonction du degré de gravité de la situation économique et financière de son entreprise : les procédures amiables et les procédures collectives.

  • Résumé des procédures amiables

Procédures

Commentaires

 

Mandat ad-hoc

  • L'entreprise n'est pas en état de cessation de paiements.
  • La procédure a été initiée par le chef d'entreprise et n'est pas rendue publique.
  • Le juge a désigné un mandataire chargé d'assister le chef d'entreprise dans le cadre de ses négociations avec les créanciers. Cette décision a fait l'objet d'une ordonnance fixant l'objet de la mission du mandataire et les conditions de sa rémunération.
  • Le mandataire ad hoc a dressé un état de la situation de l'entreprise et traite directement avec les créanciers, qui ont le choix de consentir ou non des efforts.
  • En cas d'accord avec les créanciers, il doit faire l'objet d'un acte signé par ces derniers.

Procédure de conciliation

 

  • L'entreprise n'est pas en état de cessation des paiements ou depuis moins de 45 jours.
  • La procédure est initiée par le chef d'entreprise.
  • Elle ouvre une période de 4 mois (avec possibilité de prorogation d'1 mois sur demande du conciliateur) pendant laquelle un conciliateur désigné par le tribunal va chercher à conclure un accord amiable avec les créanciers de l'entreprise, en vue de fixer des délais de paiement et/ou des remises de dettes.
  • En cas d'accord avec les créanciers, celui-ci est constaté par une ordonnance du président du tribunal, qui devient exécutoire.

 

  • Résumé des procédures collectives

ProcéduresCommentaires

Procédure de sauvegarde

 

  • L'entreprise rencontre des difficultés qu'elle ne peut pas surmonter seule, mais l'entreprise ne se trouve pas en état de cessation des paiements.
  • Finalité : réorganiser l'entreprise pour permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien des emplois et l'apurement du passif.
  • La procédure est ouverte à l'initiative du chef d'entreprise.
  • Le tribunal désigne un administrateur judiciaire lorsque le chiffre d'affaires est supérieur à 3 millions d'euros et le nombre de salariés supérieur à 20.
  • L'activité de l'entreprise continue par une période d'observation de 6 mois renouvelable (12 mois max).
  • Elle s'achève par la constitution d'un plan de sauvegarde, arrêté par jugement du tribunal, lorsqu'il existe pour l'entreprise une possibilité sérieuse d'être sauvegardée.
  • Cette procédure ne peut pas déboucher sur la cession de l'entreprise dans son intégralité. En revanche, le dirigeant peut initier la cession d’une branche autonome d’activité pour préserver l’entreprise.
Procédure de sauvegarde accélérée
  • L'entreprise n'est pas en état de cessation des paiements ou depuis moins de 45 jours.
  • Finalité : finaliser une restructuration déjà négociée avec les créanciers concernés, au cours d’une procédure de conciliation préalable.
  • La durée de la sauvegarde est limitée à 2 mois renouvelable (4 mois max).
  • Elle est ouverte à la demande du dirigeant, sous réserve que les comptes de l'entreprise aient été certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par un expert-comptable.
  • Le lien de confiance qui lie l'entreprise à ses partenaires est préservé.
  • Ce plan ne peut pas non plus déboucher sur la cession de l'entreprise.
Procédure de
redressement judiciaire 
  • L'entreprise est en état de cessation des paiements.
  • Finalité : poursuivre l'activité de l'entreprise, le maintien des emplois et l'apurement du passif.
  • Un administrateur judiciaire est nommé dans les mêmes conditions que la procédure de sauvegarde.
  • Elle peut être ouverte à la demande du dirigeant, d'un créancier ou du ministère public.
  • L'activité de l'entreprise se poursuit pendant une période d'observation de 6 mois renouvelable (12 mois max).
  • Elle repose principalement sur l'élaboration d'un plan de redressement, arrêté par jugement du tribunal à l'issue d'une période d'observation de l'entreprise.
  • L’entreprise est à vendre dès l’ouverture du redressement. Des tiers peuvent présenter des offres de reprise spontanément. La cession peut porter sur l’entreprise elle-même ou sur une branche d’activité autonome. Néanmoins, la cession de l’entreprise est une voie subsidiaire, tout projet de plan de redressement reste prioritaire.

Procédure de liquidation judiciaire

 

  • L'entreprise en difficultés n'arrive plus à payer ses dettes et le redressement est manifestement impossible.
  • Finalité : mettre fin à l'activité de l'entreprise ; régler les dettes en procédant à la vente des actifs.
  • Un liquidateur est nommé par le tribunal pour vendre les actifs et répartir les fonds entre les créanciers. Le chef d'entreprise se trouve alors dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens.
  • L'activité cesse immédiatement, sauf si le tribunal autorise une poursuite temporaire pour faciliter une cession.
  • La cession globale ou partielle de l'entreprise peut être envisagée afin de préserver l’activité économique et l’emploi, tout en maximisant le remboursement des créanciers.
  • La cession est décidée par le tribunal, sur proposition du liquidateur judiciaire. Le consentement du dirigeant n'est pas requis.

La reprise de l'entreprise par un nouveau dirigeant est donc principalement envisagée :
- lorsque l'entreprise s'oriente vers une procédure de liquidation,
- ou lorsqu'il existe deux branches d'activité ou plus, dont l'une sera cédée.
En effet, les autres procédures ont pour objet le maintien de l'activité de l'entreprise sous la direction du chef d'entreprise en place.

L'entrepreneur, les dirigeants de droits ou de fait de la société en liquidation, leurs parents ou alliés jusqu'au deuxième degré ainsi que les personnes ayant ou ayant eu la qualité de contrôleur au cours de la procédure, ne peuvent pas présenter d'offre de reprise d'entreprise, même par personne interposée.

Quels sont les avantages à racheter une entreprise en difficulté ?

Outre la complexité liée à cette opération, le rachat d’une entreprise en difficulté présente plusieurs opportunités :

  • un prix d’acquisition attractif : les entreprises en difficulté sont souvent cédées en dessous de leur valeur réelle, ce qui permet d’accéder à des actifs stratégiques (équipements, locaux, brevets, clientèle) à moindre coût.
  • une structure déjà en place : contrairement à une création ex nihilo, la reprise offre l’avantage d’une activité opérationnelle, avec une clientèle existante, une certaine notoriété et une organisation fonctionnelle.
  • un levier de redressement : si les difficultés sont passagères ou liées à une mauvaise gestion, un repreneur compétent peut insuffler une nouvelle dynamique et remettre l’entreprise sur les rails.
  • un impact sociétal fort : en reprenant une entreprise en péril, on contribue à préserver des emplois, à éviter une liquidation et à soutenir le tissu économique local.

Les points de vigilance avant de reprendre une entreprise en difficulté

  • Reprendre une entreprise en difficulté est une opération risquée par nature. Vous ne bénéficierez pas des garanties prévues dans le cadre d'opérations de reprise classiques et ne pourrez effectuer un recours contre le cédant.

C'est pourquoi il est important de vous faire assister par un ou plusieurs conseils expérimentés (expert-comptable, avocat, notaire, conseil spécialisé...).
Leur connaissance du sujet et notamment de la procédure vous permettra :

- de vous concentrer sur la dimension économique de votre démarche, afin d'éviter de vous engager trop tôt ou sur un périmètre trop large,
- de prendre la véritable mesure du risque lié à l'opération de reprise,
- d'éviter les pièges de ce type de reprise,
- d'anticiper la pratique du tribunal.

  • Vous allez travailler dans des conditions extrêmement tendues, définies par l'administrateur judiciaire. Vous ne disposerez que de peu de temps entre le moment où vous serez informé de l'entreprise à reprendre et celui où vous déposerez une offre. Le fait d'être informé en amont sur les difficultés de l'entreprise ou d'avoir un accès privilégié à l'information (ancien dirigeant, salarié, administrateur, etc.) permet de gagner en efficacité.
Pour obtenir le calendrier des audiences et des jugements : infogreffe.fr 
  • L'accès à l'information est délicat. L'administrateur judiciaire vous adressera un dossier comprenant un certain nombre de pièces :

- les 3 derniers bilans,
- la dernière situation comptable,
- les contrats en cours,
- la liste du personnel avec les postes et le niveau de rémunération,
- un inventaire,
- une note sur l'activité, sur le produits, etc.
- le bilan environnemental établi si l'entreprise exploite une installation classée.

Mais ce n'est souvent pas suffisant pour savoir si l'entreprise est "redressable". Vous allez devoir procéder à une analyse objective de la situation de l'entreprise, en vous efforçant de bien comprendre l'origine de ses difficultés.

Pour cela, étudiez le dossier de reprise avec vos conseils et n'hésitez pas :

- d'une part à vous rendre sur place pour rencontrer le dirigeant,
- d'autre part à vous rapprocher des personnes connaissant bien l'entreprise, comme son expert-comptable par exemple.

Demandez-vous pourquoi d'autres candidats, a priori plus légitimes que vous ou mieux renseignés, ne s'intéressent pas à l'entreprise (salariés, concurrents, fournisseurs, clients, distributeurs, etc.). 

- soit par manque de fiabilité ou de disponibilité de l'information,
- soit parce que la branche d'activité reprise ne dispose pas de comptes (bilan, compte de résultat) spécifiques.

La première chose que vous devrez faire est donc de déterminer le périmètre de votre offre (ce que vous voulez reprendre) puis d'en fixer une valeur économique, ce qui requiert une réelle expertise "métier" plus que financière.
Vous allez ainsi être amené à valoriser un carnet de commandes, des machines, des locaux, des logiciels, marques ou brevets, des contrats, une organisation, etc.

  • Pour des raisons de procédure, l'offre de reprise par un repreneur extérieur est prise en compte tardivement, parfois plus d'un an après l'ouverture de la procédure, donc à un moment où les difficultés de l'entreprise peuvent être devenues insurmontables : démotivation des salariés, perte de confiance durable des clients et/ou des fournisseurs, éviction de marchés indispensables, etc.
  • Il y a peu d'aides directes pour financer ce type de reprise et il est parfois impossible de mobiliser de nouveaux crédits financiers. Toutefois, des plateformes locales permettent, sous certaines conditions, de financer le projet de reprise. Renseignez-vous auprès de votre chambre de commerce et d'industrie ou de votre chambre de métiers et de l'artisanat.
  • Sachez enfin que vous allez devoir déposer une offre de reprise publique. Cette offre doit être préparée avec une grande attention car elle détermine vos engagements : périmètre de reprise (matériels, outillage, stock, locaux, contrats de location et crédit-bail, contrats de travail, contrats clients, etc.), prix de cession et modalités de paiement, conditions à la reprise (l'accord par exemple des clients principaux pour maintenir les commandes), période d'indisponibilité des actifs de l'entreprise... L'offre et le profil du candidat repreneur sont examinés avec attention par le tribunal, qui vérifie leur sérieux.
En pratique, l'offre pourra être discutée par le tribunal de façon qu'elle soit améliorée, par exemple sur le montant du prix ou (très fréquemment) sur les droits des salariés nés antérieurement à la reprise (congés payés, heures de récupération, etc.).
  • C'est sur la base des différents dossiers présentés que le tribunal statuera sur la cession des actifs de l'entreprise, selon les critères imposés par la loi.

Son but est d'assurer dans les meilleures conditions et avec les meilleures garanties d'exécution :
- le maintien durable de l'emploi attaché à l'activité,
- et l'apurement du passif.

Identifier des entreprises en difficulté à reprendre

Vous trouverez des annonces d'entreprise en difficulté à reprendre sur les sites suivants :

  • Actify, la plateforme du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires
  • ASPAJ (Association syndicale professionnelle d'administrateurs judiciaires)
  • Enchères publiques
  • Infogreffe

Retrouver le replay de la masterclass : Reprendre une entreprise en difficulté : un bon plan ?

Revivez le live de notre masterclass « Reprendre une entreprise en difficulté », qui s'est tenue lors de notre évènement Big 2020. Elle est animée par Michel Pastural, directeur général du cabinet d'expertise comptable ACOFI, et Maxime Langet, administrateur judiciaire du cabinet B&L et associés.

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