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La joint-venture, ou coentreprise, est un outil stratégique souvent méconnu des entrepreneurs. Pourtant, elle permet à plusieurs entreprises de s’unir autour d’un projet commun, sans pour autant fusionner. Accès à de nouveaux marchés, mutualisation des risques, innovation partagée : ses usages sont multiples. Mais comment fonctionne-t-elle concrètement ?
Qu'est-ce qu'une joint-venture ?
La joint-venture (ou « coentreprise » en français) est un montage stratégique permettant à deux ou plusieurs entreprises de mutualiser leurs ressources et leurs compétences pour la réalisation conjointe d’un projet, tout en partageant les coûts, les profits et les risques.
La joint-venture peut adopter deux formes distinctes, selon la nature du projet.
La joint-venture contractuelle
La joint-venture contractuelle consiste en un accord de collaboration entre les entreprises, sans création d’une entité juridique distincte. Les partenaires restent juridiquement indépendants mais s’engagent, dans le cadre d’un contrat, à collaborer sur un projet spécifique.
Cette alliance stratégique est privilégiée pour les projets à durée limitée, c’est-à-dire pour les collaborations ponctuelles (événement, campagne marketing, partenariat exploratoire pour tester un marché, etc.).
Exemple : deux entreprises s’associent pour répondre à un appel d’offres public par le biais d’un contrat de groupement momentané d’entreprises (GME), sans créer de société commune.
La joint-venture sociétaire
La joint-venture sociétaire consiste pour les entreprises partenaires à créer une société autonome destinée à porter le projet commun. Cette société nouvelle dispose de sa propre personnalité juridique, de ses statuts, de son capital et de sa gouvernance.
La société nouvelle peut être qualifiée de filiale si l’un des partenaires détient plus de 50 % du capital. Dans le cas d’un contrôle paritaire (50/50), on parle de coentreprise conjointe plutôt que de filiale au sens strict.
Ce montage est privilégié pour les projets de plus grande envergure, c’est-à-dire lorsque le projet est structurant, durable, ou qu’il implique des investissements importants.
La coentreprise sociétaire sera intéressante pour une entreprise qui souhaite accéder à un nouveau marché géographique en s’associant avec un acteur local qui connaît les spécificités réglementaires, culturelles et commerciales du pays ciblé.
Exemple : Une entreprise française crée une société avec un partenaire indien pour produire et distribuer localement ses produits en Inde.
Avantages et inconvénients de la joint-venture
La création d'une coentreprise présente son lot d'avantages et d'inconvénients.
Avantages de la joint-venture | Inconvénients de la joint-venture |
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Comment créer une coentreprise ?
La création d’une joint-venture suit un certain nombre d’étapes.
Phase préparatoire et négociations
Les entreprises doivent d’abord négocier les grandes lignes de leur collaboration (objectifs, contributions, rôles). Cette phase de négociations donne lieu à la signature d’une lettre d’intention, puis à celle d’un protocole d’accord.
A noter : La signature d’un accord de confidentialité est également fortement recommandée.
A ce stade, les parties doivent réfléchir à la forme de leur collaboration. La structure d'une joint-venture peut être soit uniquement contractuelle (contrat de collaboration), soit à la fois contractuelle et sociétaire (contrat de collaboration + filiale commune).
Conclusion d'un contrat de collaboration
Il constitue le cadre de l'opération conjointe et contient au minimum les mentions suivantes :
- Identification des parties : dénomination complète, forme juridique, adresse, représentant légal.
- Préambule : contexte et objectifs du projet, motivations des partenaires.
- Objet du contrat : description précise du projet (R&D, distribution, service, etc.) et indication de la forme juridique éventuelle (simple contrat, société commune).
- Durée de la collaboration (à date fixe, objectif atteint, tacite reconduction, etc.).
- Apports des partenaires : nature et montant des apports (financiers, techniques, humains), modalités de versement et conditions suspensives éventuelles.
- Gouvernance et organisation : mise en place d’instances de pilotage (comité, direction, etc.) et modalités de prise de décision : quorum, majorité, droit de veto.
- Répartition des bénéfices et des pertes : règles de partage des résultats financiers, prise en charge des pertes, recettes, réinvestissements.
- Clause de financement : modes de financement (apports, prêts, subventions) et règles relatives à l’appel de fonds complémentaires.
- Propriété intellectuelle : propriété des brevets, licences, savoir-faire et conditions d’exploitation.
- Confidentialité : engagement de non-divulgation concernant les informations échangées.
- Clause d’exclusivité / non-concurrence : limitations sur les activités similaires que chaque partie peut mener de son côté.
- Clauses de retrait ou de sortie : conditions et modalités de départ de l’un des partenaires, rachat de parts, indemnités, préemption.
- Clause d’imprévision (révision) : réaction aux événements imprévus affectant l’économie du contrat et révision des obligations, prix, planning.
- Résiliation : conditions de rupture anticipée (manquement, insolvabilité, etc.), période de préavis, effets de la résiliation.
- Responsabilité et assurances : étendue de la responsabilité de chaque partie, exigences d’assurance.
- Mode de règlement des litiges : clause de médiation, arbitrage ou compétence juridictionnelle.
Création d'une structure juridique
Elle peut être envisagée par les partenaires afin de conforter l'accord de coopération. La structure peut prendre la forme d’une SAS, SARL, SA, etc.
Il convient de choisir une forme juridique adaptée au projet au regard de la législation du pays d'implantation et d'effectuer les formalités de constitution exigées dans celui-ci.
Les dispositions de l'accord contractuel de base et des statuts de la société (s'il y a création d'une structure juridique) doivent coïncider tant au niveau de leur durée qu'au niveau des modalités de fonctionnement.
En effet, le contrat de joint-venture prévoit généralement un régime paritaire qui peut entrer en contradiction avec les clauses statutaires de la forme juridique adoptée.
Quel est le régime fiscal de la coentreprise ?
Les cas de la joint-venture contractuelle et sociétaire doivent être distingués.
- Coopération par le biais d'un contrat
Les bénéfices tirés de cette opération sont répartis entre les entreprises selon une ventilation définie dans le contrat de collaboration.
Chaque partenaire est ensuite imposé pour la part de bénéfices lui revenant selon la législation fiscale de son lieu d'implantation. Une entreprise française sera, le plus souvent, soumise à l’impôt sur les sociétés (IS).
- Coopération par le biais d'un contrat et d'une filiale commune
Les bénéfices réalisés par cette filiale sont imposés selon la réglementation fiscale du pays d'implantation.
Quel est son statut des salariés ?
Les salariés d'une société créée dans le cadre d'une joint-venture sont soumis aux règles du droit du travail du pays d'implantation.
Lorsque la joint-venture est constituée sous la forme d’une société, cette nouvelle entité juridique peut recruter ses propres salariés.
- Soit le salarié est recruté directement par la coentreprise : le salarié signe un contrat de travail avec la coentreprise. Il peut venir de l’extérieur ou des effectifs d’une société partenaire en changeant d’employeur.
- Soit le salarié est mis à disposition de la coentreprise : le salarié reste employé par sa société d’origine, mais est mis à disposition de la coentreprise pour une durée déterminée. Un accord tripartite est signé entre le salarié, l’employeur d’origine et la joint-venture. La société d’origine continue de verser le salaire, mais la joint-venture peut rembourser tout ou partie de la rémunération.
Sur le territoire français, le prêt de main d'œuvre fait l'objet d'une réglementation spécifique.