Rejoindre un réseau de commerce coopératif et associé : y avez-vous pensé ?

Création d'entreprise
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Entreprendre en exprimant pleinement sa liberté de dirigeant indépendant tout en bénéficiant du soutien d’un collectif : c’est la promesse du modèle du commerce coopératif et associé. Plébiscité par de plus en plus d’entrepreneurs soucieux d’aligner leurs convictions personnelles à leur vie professionnelles, ce modèle ne manque pas d’avantages. Découverte.

Selon l’Insee, chaque année depuis près de 22 ans, le commerce coopératif et associé, performe plus que sa moyenne sectorielle de référence. « Cela montre bien qu’il y a un dynamisme et un savoir-faire, extrêmement fort et porteur lié à ce modèle. J’en veux pour preuve Les Mousquetaires qui ont racheté 294 magasins du groupe Casino , Intersport qui a racheté Go Sport, ou encore Jouet Club qui a racheté La Grand Récré », annonce fièrement Olivier Urrutia, délégué général de la Fédération du Commerce Coopératif et Associé.

Créée en 1963 par et pour ses adhérents, la Fédération du Commerce Coopératif et Associé est dédiée à l’accompagnement et au conseil de ses membres, tout en défendant et valorisant le modèle auprès des pouvoirs publics. 
Composée de 57 à 62 groupements adhérents pour 150 enseignes, ce modèle économique génère plus de 200 milliards d’euros de chiffre d’affaires, regroupe 36 000 chefs d’entreprises indépendants qui emploient près de 600 000 salariés. 
Pour nous parler de cette autre façon d’entreprendre, nous avons interrogé Olivier Urrutia, délégué général de la Fédération.
 

Interview Question/Réponse

Bpifrance Création : En quoi consiste le commerce coopératif et associé ?

Olivier URRUTIA : Le commerce coopératif et associé est la plus ancienne forme de commerce organisé en France puisqu’il remonte au dernier tiers du XIXe siècle. Bien sûr, à l’époque, il n’existait pas encore de réseaux en franchise (c’est arrivé un siècle plus tard) ou de groupes succursalistes. Il y avait plutôt d’un côté les commerçants-artisans et de l’autres, les grands groupes familiaux.

Dans ce contexte fait de rapports de forces - bien souvent en défaveur des petits commerçants isolés – a émergé le modèle coopératif dans le but de permettre aux indépendants de rester libres tout en bénéficiant du soutien d’un collectif. Concrètement, il s’agit d’une mutualisation des moyens et ressources afin d’atteindre des objectifs plus grands que ce qui est envisageable seul.
 

Bpifrance Création : Quelle forme juridique prennent ces groupements ?

OU : Il y en a plusieurs. Il arrive que certaines sociétés optent pour la SA ou la SAS, néanmoins, la grande majorité des coopératives de commerçants-détaillants sont organisées sous la forme juridique de société anonyme à capital variable. 
Le dénominateur commun est que la gouvernance du groupement doit être exercée collectivement par les commerçants au capital de l’entreprise (qui ont donc la qualité d’associés). De plus, ces derniers doivent être utilisateurs des services. 
 

Bpifrance Création : Qu'est-ce qui distingue cette forme de commerce de la franchise ?

OU : Plusieurs choses. Si, comme dans la franchise, on a affaire à des réseaux d’indépendants sous enseigne, la gouvernance est en revanche un élément différenciant dans le modèle coopératif et associé. On est davantage dans une relation horizontale que verticale dans la mesure où le commerçant associé à une double casquette : celle du franchiseur (c’est-à-dire, celui qui dirige la stratégie du réseau et qui est copropriétaire de l’enseigne) et celle du franchisé (l’indépendant qui gère son point de vente en autonomie).  

L’autre point important est que l’associé coopérateur est un indépendant au même titre que le franchisé. Cependant les droits et obligations entre la coopérative et l’associé coopérateur sont d’abord régis par des statuts et un règlement intérieur. Le contrat est optionnel et dans tous les cas accessoires à la qualité d’associé. L’associé coopérateur va décider chaque année en assemblée générale du montant de la cotisation et des services par un vote selon le principe « un associé, une voix ». La coopérative a vocation à faire redescendre ses propres bénéfices aux associés au travers des excédents ou via des investissements pris dans l’intérêt du réseau. Enfin, ce type de structure n’appartient à d’autres personnes que ses proposes associés coopérateurs qui sont nécessairement majoritaires. Donc en sommes, il n’y a qu’une seule poche à remplir in fine, celle de l’associé coopérateur !
 

Bpifrance Création : Quels sont les moyens mis en commun par les membres du groupement ?

OU : Il y a 150 ans, l’une des premières traductions de la mutualisation était l’achat groupé (ou collectif). Grâce à cela, les commerçants pouvaient bénéficier de bien meilleures conditions d’achat que lorsqu’ils opéraient seuls. 
Aujourd’hui, au-delà de l’achat collectif, les moyens mis en commun peuvent aller de la logistique, à la direction financière ou même la formation.  

 

Bpifrance Création : Quels sont les principaux domaines d'activité couverts par ce type de réseau ?

OU : Contrairement aux idées reçues, les coopératives et associés ne sont pas toutes des sociétés de la grande distribution alimentaire. D’ailleurs, pour la petite histoire, au XIXe siècle, il s’agissait davantage de bijouteries-joailleries. Donc même si de nos jours Leclerc ou Biocoop sont incontestablement les leaders, cela ne signifie pas pour autant que c’est un secteur plus porteur qu’un autre. Au sein de la Fédération du Commerce Coopératif et Associé on observe d’ailleurs un engouement croissant pour les coopératives de ventes ou de prestations de services.

Plus largement, on compte près de 40 secteurs d’activités qui vont de l’hôtellerie-restauration à l’audioptique en passant par la petite enfance ou la culture. On retrouve même des réseaux coopératifs dans la pharmaceutique ou le notariat. 
 

Bpifrance Création : Existe-t-il un profil type d'entrepreneur correspondant au commerce coopératif et associé ?

OU : Le commerce coopératif et associé correspond à un profil d’entrepreneur attaché à la place de l’humain au sein de la structure. Il faut également avoir un certain gout pour l’indépendance car au quotidien, la personne chargée d’animer le point de vente c’est l’entrepreneur et personne d’autre. C’est pourquoi je dirais que ce modèle est fait pour des entrepreneurs qui ont envie de mettre la main à la pâte. 

Bpifrance Création : A quoi s'engage-t-on lorsque l'on intègre un groupement coopératif ?

OU : Comme dans toute structure, il y a des droits et des devoirs. Être tenu informé de toute chose qui impacte la structure, être accompagné au mieux de vos intérêts dans le développement de votre entreprise, être partie prenante à toutes les décisions prises par la centrale sont des exemples de droits.

Les devoirs ont trait au respect du règlement intérieur, des statuts et de la politique de l’enseigne. On entend également par « devoir » un investissement humain plus ou moins encadré.
 

Bpifrance Création : Comment se passe la transmission d'une entreprise membre d'un groupement coopératif ?

OU : C’est une vraie question d’actualité ! Il y a deux ou trois ans, une étude de CCI France révélait que 30 % des PME seraient à céder dans les 10 prochaines années. Ces chiffres sont liés au départ massif d’une génération à la retraite, c’est pourquoi il y a un réel enjeu. Il s’agit de maintenir l’emploi et les services au niveau local, mais également de soutenir la création de valeur économique et sociétale.
Pour un impératif de sécurisation de réseau, c’est-à-dire la conservation du point de vente dans le réseau, plus de la moitié des groupements qu’on connait prévoient dans leurs statuts ou dans leur règlement intérieur des mécanismes de droits de priorité (comme le droit d’information préalable, le droit de préemption, le droit de préférence ou l’offre préalable de vente).
 

Bpifrance Création : Quels conseils donneriez-vous à un porteur de projet intéressé par ce type d'entrepreneuriat ?

OU : Le commerce coopératif et associé, c’est un peu avoir le beurre et l’argent du beurre ! C’est-à-dire que vous êtes un chef d’entreprise indépendant et en même temps, vous bénéficiez de tout ce qui ne fait pas l’indépendance, à savoir l’accompagnement, les moyens et les ressources d’un collectif. Personnellement, si j’étais entrepreneur et que j’avais la certitude que mon activité allait se suffire à elle-même, je me lancerais en indépendant. En revanche, si j’avais le moindre doute sur mon affaire au vu du climat géopolitique, social ou environnemental, je rejoindrais une coopérative. 
Être indépendant, propriétaire de mon magasin, être associé à la direction de l’entreprise comme si j’en étais un des patrons, tout en bénéficiant de l’appuis logistique, technologique et technique d’un collectif solide et expérimenté, c’est à mon sens beaucoup plus sûr pour entreprendre.

L’Insee a montré que les entreprises intégrées à des réseaux d’enseignes comme les nôtres avaient une pérennité à 5 ans 25 % plus importante que les commerces isolés. De plus, c’est le seul modèle économique d’entrepreneuriat reconnu officiellement au niveau mondial par l’ONU. En effet, selon les enquêtes d’impact socio-économique de l’ONU, ce modèle d’organisation est le seul à répondre au mieux aux objectifs de développement durable. 
Un modèle qui a donc de quoi séduire une GenZ en quête de sens, de justice sociale et de préservation de l’environnement.  

Mélanie Bruxer - Rédactrice web
Juin 2025