Faut-il avoir une idée originale pour créer son entreprise ?

En matière d'entrepreneuriat, est-il vrai de dire que bonne idée rime avec succès ?

Non ! Je ne pense pas. Avoir une bonne idée, c'est bien. Faire du business avec, c'est mieux ! Je rencontre beaucoup d'entrepreneurs persuadés que la création d'entreprise va révolutionner leur vie. Et pour y arriver, ils cherchent à tout prix à s'inspirer des formules gagnantes des célèbres entrepreneurs (S. Jobs, X. Niel, M. Zuckerberg...). Partis d'une simple idée, ces génies ont bâti un empire. Alors, il est tentant de se dire "s'ils ont réussi, pourquoi pas moi ?!"Je crois qu'il faut d'abord travailler l'idée avant de viser le succès. Se dire comment faire pour rendre mon projet attrayant, attractif et lui trouver un positionnement intéressant. C'est primordial ! Une bonne idée, voire une très bonne idée peut faire un flop si le marché n'est pas mûr ! Souvenez-vous du Bi-Bop dans les années 90, l'ancêtre du portable...

Qu'entendez-vous par travailler sur l'idée ?

Peaufiner son projet, c'est d'abord réfléchir aux aspects marketing et donc réfléchir à son marché. Y a-t' il des concurrents ? Que font-ils ? Qui sont les fournisseurs ? Où en est la réglementation ? Le marché est-il concentré ? Captif ? S'agit-il d'une niche ?...Et ma cible ? Comment se comporte-t-elle ? Quel est son profil ?

Où trouver toutes ces réponses ? Grâce aux enquêtes ?

Oui mais pas uniquement ! Le web regorge d'informations. Il faut faire le tri. Chaque requête doit permettre de rebondir et d'affiner son idée, de se poser les bonnes questions. Lorsque je donne des cours sur ce sujet, je compare souvent cela à une enquête de police. C'est-à-dire que l'on identifie des pistes, et puis on creuse un peu comme une pelote de laine que l'on déroule. Cela prend du temps et on ne sait jamais où tout cela va nous mener. Et puis surtout, il y a l'intuition ! C'est primordial, c'est aussi ce qui nous différencie d'une machine !

Vous parlez des autres. Mais l'entrepreneur ne doit-il pas d'abord peaufiner son idée ?

Oui bien sûr ! C'est le fameux mix-marketing. Trouver "la bonne recette", "le bon ADN" qui va nous permettre de connecter l'offre à la demande et de pénétrer le marché. Plusieurs techniques existent mais la plus efficace consiste certainement à se demander "Sur ce marché, comment puis-je faire pour apporter quelque chose de nouveau ? De plus ? De différent ? De mieux ?" Et pas besoin de miser sur l'originalité absolue. On peut être boulanger ou plombier et très bien gagner sa vie (au prix de beaucoup de travail bien-sûr). Pour cartonner, l'offre doit absolument rencontrer une demande. Et si la demande n'existe pas, alors il faut la créer ou la stimuler. L'univers du web nous apprend chaque jour comment créer le besoin. L'industrie du luxe sait aussi très bien le faire, mais aussi tout ce qui touche à l'art, aux loisirs, aux services aux particuliers ou aux entreprises. Tous sont concernés par cette quête permanente de la création de besoin et/ou de valeur. Regardez également les millions (milliards ?) d'euros engrangés chaque année par le tourisme ou la restauration, ou par les sociétés de conseil. Au départ, il y a toujours quelqu'un qui apporte une solution, une réponse à une question, une recette. Et parfois, celui ou celle qui crée un marché de toute pièce. Et là, c'est bingo !!

Beaucoup trébuchent au moment du business plan. Mettre sur le papier l'idée que l'on a en tête : l'exercice est difficile ?!

Oui c'est vrai ! Le business plan, c'est l'art de présenter une idée, mais surtout de la mettre pour la première fois "en musique" autour d'une perspective business et financière. Et puis c'est parfois prendre conscience des faiblesses de son concept, de la pauvreté de la gamme proposée, de la saisonnalité, du BFR nécessaire, des soutiens et des connexions réseaux indispensables à la vie du projet.

Pas moyen d'éviter l'exercice ?

Lorsque l'on a besoin des banques et des investisseurs, non c'est indispensable ! Et lorsque l'on se lance en freelance, ou sur une activité nécessitant peu de moyens, je conseille souvent d'utiliser la matrice CANVAS. Un exercice simple au premier coup d'œil, mais délicat à synthétiser. Cet exercice a le mérite de coucher sur le papier plus rapidement, l'ADN du projet à un instant donné. Couplé à l'exercice du SWOT, c'est aussi un bon outil pour dégager les axes stratégiques de développement de son projet d'entreprise. Et puis, c'est enfin une solution idéale pour construire les éléments de langage dont nous aurons besoin pour communiquer.

Lors du plan de com' c'est cela ?

Oui, absolument ! Lorsque tous les contours marketing sont dessinés, il faut faire connaître son idée. Communiquer n'est pas vendre, mais difficile de vendre sans communiquer. Les éléments de langage servent à préciser les contours de la communication et à la rendre cohérente. Ces messages servent de "socle" à décliner selon les cibles. Un financier, un opérationnel, un prescripteur, un client rêveur ou inquiet… tous n'auront pas les mêmes sensibilités. A nous d'utiliser les bons "codes" pour être entendu ! La communication ce n'est pas du gavage ! La cible doit être réceptive. Il faut réussir à capter son attention et son intérêt en utilisant les bons angles.

En fait, vous nous conseillez de remplacer le "ce que je fais, ce que je suis" par "ce que je vous propose, ce que je vous fais gagner" ?

C'est complétement cela ! Je n'enlève pas une seule virgule !

Donc avec une bonne com', le succès business est garanti ?

Non, pas du tout ! Il reste une étape dans le cycle à traiter, c'est la dimension commerciale. Ainsi, la communication va proposer des supports très originaux qui sortent de l'ordinaire et des grands médias classiques. Se faire remarquer rime parfois avec audace, opportunité, et originalité. Mais lorsque votre cible connaît votre offre, et si vous ne faites rien, pas sûr que vos clients s'arrêtent dans votre magasin ou sur votre site web. Il faut maintenant savoir vendre ! Ou plutôt, il faut que votre cible achète. Sinon l'entreprise ne peut pas vivre ! Laissez-lui le choix ! Informez-la ! Eduquez-la ! Utilisez un bouche à oreille positif, misez sur le réseau, la recommandation, etc. Un plan d'actions cohérent et efficace ! En quelques mots : séduisez votre cible et rassurez-la !

Et donc ? Succès ou pas succès ?

On va dire que vous êtes sur la bonne route ! Mais le succès est aussi le résultat d'opportunités et de beaucoup de travail. Le succès est difficile à atteindre et très souvent éphémère. Le succès ne doit pas être le Graal qui nous pousse à nous lever chaque matin. Le succès c'est un fruit que l'on récoltera peut-être un jour. Le succès c'est la cerise sur le gâteau. Alors avant de vouloir à tout prix croquer la cerise, pensez à préparer un vrai beau gâteau !

Propos recueillis par Jean-Michel Ly en mars 2018

Pour aller plus loin, l'AFE vous propose deux guides téléchargeables :

Avril 2018