Comment créer une identité de marque ?

Création d'entreprise
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Moment redouté par certains, très attendu par d’autres, la création d’une identité de marque est un passage obligé pour toute entreprise qui souhaite se développer et se démarquer. Entre création de logo, développement de charte graphique ou de kit de communication, il est parfois difficile de faire rimer marketing, stratégie et image. Une étape charnière que Roxane Poissonnier, co-fondatrice de Sauce Blanche Disco Club, nous raconte.

« Kebab et Teuf » : les deux mots à l’origine de l’identité de marque de Sauce Blanche Disco Club, un bar/snack qui ouvrira prochainement ses portes à La Plagne, une station de ski savoyarde. 
Derrière ce concept qui détonne, face aux irréductibles restaurants montagnards, se cachent trois parisiens mordus de musique, de glisse   et de « bonne bouffe » : Roxane Poissonnier, Antoine Simonotti et Quentin Courtaugis. « Sauce Blanche Disco Club, c’est une vieille idée qui traînait dans la tête d’Antoine et Quentin depuis un moment de folie créative, à un anniversaire. Quelque temps plus tard, je suis revenue vers eux avec une opportunité de reprise de local à La Plagne. Ça a été le déclic, l’évidence », se souvient Roxane Poissonnier. Les trois amis décident alors de s’associer pour créer un lieu décalé, fun et surtout disco. Au cœur de ce projet, une identité de marque forte à créer... 

Interview Question/Réponse

Bpifrance Création : Racontez-nous la genèse du nom, du logo, de l’univers visuel : coup de foudre, débats infinis ou illumination nocturne ?

Roxane Poissonnier : Un peu de tout ! Je ne vais pas vous cacher qu’il y a eu des dizaines et des dizaines de débats sur le nom de notre bar/snack. Ça a d’ailleurs été notre plus grand défi à ce jour. « Sauce Blanche Disco Club » est l’une des premières idées qui est ressortie de nos séances de brainstorming, pour autant, il nous paraissait essentiel de prendre du recul, d’explorer toutes les pistes possibles, quand bien même le nom que nous avions trouvé nous semblait être une évidence. 
C’est  pour cette raison que mes associés et moi avons fait appel à nos communautés respectives sur les réseaux sociaux (RS).  Nous avons lancé des sondages pour voir lequel des deux noms shortlistés sortait du lot, et finalement notre première intuition était la bonne puisque « Sauce Blanche Disco Club » s’est largement démarqué.

C’est décalé, ça illustre parfaitement notre vision et c’est lisible pour nos clients. On parle de « sauce blanche » qui est une appellation assez universelle dans le secteur de la street food, et de « disco club » qui vous projette immédiatement dans une atmosphère festive mais aussi évoque l’appartenance à une communauté. 

Bpifrance Création : Et par la même occasion, cette opération sur les réseaux sociaux vous a permis de faire de l’acquisition clients ?

RP : En réalité, nous n’avions même pas pensé à ça ! Nous voulions simplement récolter des retours objectifs pour nous aider à choisir un nom et éviter de passer par la case Chi-Fou-Mi. Néanmoins, voyant que « la sauce prenait », nous avons effectivement commencé à teaser de plus en plus le projet sur les réseaux sociaux afin d’embarquer les gens !

Bpifrance Création : Dans vos sessions de brainstorming, comment avez-vous trouvé le bon équilibre entre rigueur stratégique et folie créative ?

RP : Dans nos sessions de brainstorming, Antoine, Quentin et moi avons souvent varié les environnements de travail : coworking, cafés, bars. Et de la même manière, il nous est arrivé d’alterner entre ateliers collectifs et individuels.  Nous pouvions ainsi prendre le temps de développer une idée de notre côté pour la soumettre ensuite aux autres lors de moments dédiés.

Nous avons également essayé de différencier les ateliers centrés sur la génération d’idées de ceux axés sur la prise de décision. Bien sûr, c’est plus facile à dire qu’à faire ! Quand une nouvelle idée arrive, alors que vous êtes dans un temps consacré au choix, vous n’allez pas vous priver de la partager. Le tout est de pouvoir l’intégrer, ou la mettre de côté et en débattre - si débat il doit y avoir - lors d’un autre point.

Bpifrance Création : Quels petits rituels ou outils utilisez-vous pour stimuler votre créativité pendant vos échanges (moodboards, playlists, moments de convivialité, etc.) ?

RP : Un peu de tout mon capitaine ! Effectivement, nous avons fait et écouté pas mal de playlists, car c’est un des éléments clés de notre lieu. Les musiques des années 70 nous ont vraiment aidés à planter le décor et à mettre en exergue des mots qui nous correspondaient. Par exemple, pendant notre phase de recherche de nom, j’ai épluché les sons qui passaient au Studio 54 de New York pour compiler tous les artistes phares de l’époque. M’immerger dans cet univers 70’s m’a beaucoup aidée à faire ressortir des messages clés. A côté de ça, Quentin, Antoine et moi nous sommes énormément inspirés de la pop culture, de punchlines, de pubs, voire de mèmes.

Les moodboards nous ont également beaucoup aidés dans la construction de notre identité de marque. Pinterest est un très bon outil pour ça. Grâce à ce genre de plateforme, nous avons pu partager nos impressions, notamment celles que nous avions du mal à verbaliser. Parfois les images sont plus parlantes que les mots, c’est pourquoi je trouve qu’il ne faut pas hésiter à user et abuser des moodboards. Par exemple, mes associés et moi avons fait des planches qui regroupaient tout ce que nous voulions éviter à tout prix. En tant que créateurs d’entreprises, on parle beaucoup de ce à quoi doit correspondre notre marque, mais rarement de ce qui ne la définit pas. Cet exercice pose presque les bases d’un brandbook, avec les do et les don’t

Et bien sûr, les apéros ont été une grande source de stimulation créative ! C’est à ce moment qu’on peut « think outside the box », comme les startuppers aiment à le dire. Le fait de sortir, de voir d’autres offres, d’échanger avec des gens qui sont en dehors de notre cercle nous a énormément aidés.

 

Bpifrance Création : Si votre marque était une personne, comment la décririez-vous (look, personnalité, valeurs, humour…) ?

RP : Si notre marque était une personne, je pense que ça serait quelqu’un de drôle, chaleureux et passionné par l’esprit des années 70, le vrai. Un vrai authentique, toujours en phase avec les plaisirs simples de la vie comme danser et partager.
Il aurait aussi un petit côté décalé et serait complètement déconnecté des trends TikTok. Un Jean-Claude Dusse moderne, en quelque sorte.

Bpifrance Création : Et à l’inverse, y a-t-il un mot qui résume ce que vous n’êtes pas ?

RP : Prétentieux !
 

Bpifrance Création : Vous êtes-vous fait accompagner par un graphiste ? Et si oui, comment l’avez-vous trouvé et sélectionné ?

RP : Effectivement, nous avons fait appel à un graphiste. D’ailleurs, plus qu’un graphiste, nous étions à la recherche d’un vrai Directeur Artistique, capable de nous épauler dans la construction de la marque comme dans le design d’intérieur de Sauce Blanche Disco Club. 
Là encore, c’est grâce à notre communauté sur les réseaux sociaux que nous avons pu sourcer de très beaux profils et trouver notre pépite. 
Nous avons été particulièrement sensibles à son univers, son expérience, sa vision, et bien sûr à son prix ! Cette personne a la grande force d’avoir une vision 360 de la marque, ce qui est très rassurant pour des créateurs d’entreprises. Il ne faut pas oublier que la direction artistique, ce n’est pas seulement le logo, c’est l’identité visuelle sur les réseaux sociaux, le merchandising et même le design d’intérieur.

Pour être transparente, c’est un budget que nous avions soupesé à l’origine. Au démarrage, mes associés et moi avions alloué un budget à la communication – dont la direction artistique faisait partie - mais nous nous sommes rapidement rendu compte que notre concept nous imposait de mettre plus de moyens sur ce segment.

Bpifrance Création : Avez-vous songé à recourir à une IA générative plutôt qu’à un graphiste pour produire certains visuels ?

RP : Pour être honnête, nous ne nous sommes même pas posé la question ! En premier lieu parce que ce n’est pas du tout l’état d’esprit de notre marque, et d’autre part, pour des raisons éthiques. 
Peut-être qu’un jour il nous arrivera de nous servir de l’IA pour retoucher une image ou faire une rapide story, mais jamais nous ne lui aurions confié la création de notre univers de marque. C’est trop important.
Pour qu’une image de marque soit complète, cohérente, émotionnelle et qu’elle aille au-delà du brief, l’humain est indispensable.
 

Bpifrance Création : Dans un secteur où beaucoup de marques se ressemblent, comment éviter le “déjà-vu” sans tomber dans la surenchère ?

RP : C’est un vrai défi ! Dans les stations de ski, les offres de restauration et clubbing se ressemblent beaucoup ; raclettes, vin chaud, ambiance terroir… C’est pourquoi, nous croyons beaucoup en notre proposition. Avec un kebab disco, pas besoin de surenchère puisqu’on ne joue pas dans la même catégorie. Je pense que c’est justement ce qui nous a permis d’assumer pleinement notre décalage, sans surenchère. 
 

Bpifrance Création : Selon vous, faut-il forcément que notre identité de marque se distingue radicalement de celle de nos concurrents ?

RP : Pas nécessairement. Si votre clientèle ressent la singularité de votre concept, si vous avez réussi à la distiller dans la direction artistique, l’offre, l’ambiance et même l’équipe, alors pas besoin de vous distinguer radicalement des autres. C’est votre personnalité et l’âme que vous donnerez à votre lieu qui fidéliseront votre clientèle. Il est plus intéressant d’être singulier qu’unique. 

Bpifrance Création : Enfin, quel conseil auriez-vous aimé recevoir lorsque vous vous êtes lancés dans la création de votre identité de marque ?

RP : Il y a beaucoup de conseils que j’aurais aimé recevoir avant de me lancer ! Pour créer un concept qui fonctionne, je pense qu’il faut se faire confiance. Comme je l’ai expliqué, nous avons beaucoup sollicité notre entourage et avons tenu compte de leurs avis et conseils pour de nombreuses phases stratégiques de notre projet. Néanmoins, nous n’avons jamais perdu de vue que les décideurs c’était nous. C’est pourquoi je recommande aux créateurs de ne pas tout prendre au pied de la lettre. Ne mettez pas de côté vos convictions et votre vision au profit de celles des autres. Vous devez apprendre à vous écouter car au bout du compte, c’est vous qui porterez le projet. Alors osez et soyez sûr de vous !

Mon deuxième petit tips serait de vous entourer de personnes qui challengent votre vision mais également d’autres qui la partagent .
 

Mélanie Bruxer - Rédactrice web
Novembre 2025