Dans cet article :
La période de formation d'une société est celle comprise entre le moment où les associés décident de la constituer et son immatriculation effective. Durant cette période, la société n’ayant pas encore la personnalité juridique, les associés doivent accomplir les actes nécessaires à sa création et à la préparation de son activité.
Quel est le point de départ de cette période de formation ?
Le point de départ de cette période n’est pas fixé par la loi, mais dépend de l’appréciation de plusieurs critères :
- date de dépôt des apports sur un compte bloqué,
- désignation du commissaire aux apports,
- signature des statuts,
- ouverture de compte,
- engagement de pourparlers, etc.
Concrètement, il convient d’apprécier l’intention des futurs associés pour déterminer le point de départ de la période de formation de la société.
L’administration fiscale, de son côté, a une lecture plus restrictive du point de départ de la période de formation. Elle estime, en effet, que la « simple intention de constituer une société et même l'engagement à cet effet de pourparlers […] ne suffisent pas à établir qu'un tel processus soit entamé. Il faut encore qu'ait été accompli un acte opposable aux tiers ».
Quelle est la durée de la période de formation ?
La durée de la période de formation n’est pas encadrée par un délai légal, mais il est recommandé de ne pas dépasser 6 mois. Au-delà, la société pourrait être requalifiée en société de fait, avec des conséquences lourdes : responsabilité indéfinie et solidaire des associés.
Quels actes peuvent être accomplis pendant la période de formation ?
Pendant cette phase, les associés fondateurs peuvent accomplir les actes préparatoires (signature des statuts, ouverture d’un compte bancaire, publication d’une annonce légale, etc.), mais aussi des actes d’exploitation nécessaires au démarrage effectif de l’activité, par exemple :
- signature d’un bail commercial,
- achat de matériel ou de marchandises,
- souscription d’assurances professionnelles,
- embauche de salariés,
- commande de prestations, etc.
Attention : Tous ces actes doivent être établis "au nom et pour le compte de la société en formation" (en indiquant le nom de la société et son futur siège social).
A défaut de cette mention, l'acte reste en principe à la charge de celui qui l'a passé.
La jurisprudence récente est venue assouplir ce principe : même en l’absence de la mention expresse "au nom et pour le compte de la société en formation", le juge peut apprécier si l’intention des parties était bien de conclure l’acte pour la société à naître et donc permettre la reprise de cet acte par la société une fois immatriculée.
Qui est responsable des actes conclus pendant la période de formation ?
Pendant la période de formation de la société, seule la personne qui a signé l’acte est responsable personnellement de ses engagements.
Dans les sociétés commerciales, les personnes ayant effectivement accompli l’acte sont responsables solidairement. Toutefois, la solidarité ne s’étend pas à tous les associés par défaut : les autres associés ne sont pas responsables, à moins qu’ils aient donné mandat.
Dans les sociétés civiles (SCI, SCP), les personnes signataires sont responsables à hauteur de leur participation dans l’acte. Par exemple, si deux associés signent un contrat de prestation de 10 000 € pour la SCI en formation, le prestataire peut réclamer à chaque associé sa part respective. Si rien n’est précisé dans l’acte, il peut demander 5 000 € à chacun. Les associés n’étant pas solidaires, le prestataire ne peut pas demander le paiement intégral à un seul des associés signataires.
Même en cas de reprise d'actes par la société, s’il est établi que l'engagement n'a pas été pris au nom de la société, les créanciers peuvent se retourner contre l'associé avec qui ils ont traité.
Il peut donc être prudent de prévoir dans les contrats une clause suspensive, c'est-à-dire une clause prévoyant que l'immatriculation de la société est une condition de validité du contrat.
Comment sont "repris" les actes par la société ?
A compter de son immatriculation, la société peut reprendre les actes accomplis dans son intérêt pendant la période de formation. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société, déchargeant ainsi les associés signataires de leur responsabilité.
Il existe 3 modalités de reprise :
- Pour les actes conclus avant la signature des statuts
Un état des actes accomplis pour le compte de la société avec indication, pour chacun d'eux, des obligations qui en résultent, est annexé aux statuts.
La signature des statuts vaut alors reprise automatique de ces engagements par la société lorsque celle-ci sera immatriculée.
En pratique, les associés qui ont effectué des dépenses pendant la période de formation, pourront se faire rembourser par la société dès le déblocage des fonds ou choisir de laisser les sommes sur un compte courant d'associé figurant au passif du bilan de la société.
- Pour les actes conclus entre la signature des statuts et l'immatriculation de la société
Les associés, lors de la signature des statuts, donnent mandat à un ou plusieurs d'entre eux pour prendre de nouveaux engagements jusqu'à l'immatriculation de la société. Le mandat peut être limité ou général, et doit figurer dans les statuts ou dans un acte séparé.
Mais, il doit être formulé de manière suffisamment précise en décrivant l'acte à accomplir, son objet et ses modalités principales. A défaut de précisions dans le mandat ou dans les statuts ou leurs annexes, l'acte n'est pas repris automatiquement par la société lors de son immatriculation.
Lorsque cette procédure est respectée, la reprise se fait automatiquement lors de l'immatriculation au Registre du commerce et des sociétés (RCS) et au Registre national des entreprises (RNE).
- Reprise des actes par décision expresse de la société
Si aucune des 2 procédures précédentes n'a été mise en œuvre, les associés peuvent décider de la reprise des actes par la société après son immatriculation au RCS.
Pour statuer sur ces actes, une décision devra être prise par la majorité fixée par les statuts, ou à défaut de précision dans les statuts, à la majorité simple, lors d'une assemblée générale.
Dans une EURL, l'associé unique devra porter la mention de la reprise des actes conclus au nom et pour le compte de la société en formation sur le registre spécial des décisions.
La jurisprudence a précisé que la société, une fois immatriculée, n'est tenue des engagements souscrits que si l'une de ces procédures a été respectée.
Frais d'établissement : aspect comptable
Les dépenses qui ont été engagées à l'occasion de la création de l'entreprise constituent les frais d'établissement.
Il s'agit principalement des frais de constitution (droits d'enregistrement, honoraires, coût des formalités) et des frais de premier établissement (frais de prospection et frais de publicité).
Ces frais peuvent être comptabilisés de 2 manières différentes :
- soit en charge, déductible intégralement la première année (exercice au cours duquel l'engagement a été fait),
- soit dans le compte d'actif du bilan 201 "frais d'établissement". Ils peuvent alors être amortis sur une période maximale de 5 ans.
Des exemples de clauses à faire figurer dans les statuts :
- Clause à faire figurer dans les statuts lorsqu'un état des actes a été établi.
"Un état des actes accomplis à ce jour pour le compte de la société en formation, avec l'indication pour chacun d'eux de l'engagement qui en résulte pour la société, est annexé aux présents statuts.
Cet état, dont les associés déclarent avoir pris connaissance, demeurera annexé aux présents statuts, dont la signature emportera reprise de ces engagements par la société lorsqu'elle aura été immatriculée au Registre du commerce et des sociétés (RCS)."
- Mandat donné à l'un des associés de passer des actes pour le compte de la société en formation.
"Les associés donnent mandat à Monsieur / Madame .............. de passer tous les actes nécessaires à la création de la société ............... et à la préparation de son activité, jusqu'à son immatriculation au Registre du commerce et des sociétés (RCS)."
- Résolution à faire figurer dans une assemblée générale qui statue sur la reprise des actes.
"La collectivité des associés, après avoir pris connaissance des actes accomplis par les fondateurs au nom et pour le compte de la société en formation ............... pendant la période de formation, déclare approuver successivement chacun de ces actes.
En conséquence, ces actes seront considérés comme ayant été accomplis par la société et seront repris dans les comptes du premier exercice social."