Dans cet article :
Les sociétés d'exercice libéral (SEL) ont été créées pour permettre aux membres des professions libérales d'exercer leur activité sous forme de sociétés de capitaux.
Généralités
Les SEL prennent les formes suivantes :
- SELARL, société d'exercice libéral à responsabilité limitée,
- SELAFA, société d'exercice libéral à forme anonyme,
- SELAS, société d'exercice libéral par actions simplifiée,
- SELCA, société d'exercice libéral en commandite par actions.
Une ordonnance du 8 février 2023, prise en application de la loi en faveur de l’activité professionnelle du 14 février 2022, simplifie et réunit les dispositions réglementant les différents types de société de professions libérales. Elle entrera en vigueur le 1er septembre 2024, laissant ainsi aux sociétés existantes le temps de se mettre en conformité. Ces dispositions seront complétées par des décrets d’application.
Il est également possible de constituer une société pluri-professionnelle d'exercice (SPE), qui a pour objet l'exercice en commun de plusieurs professions, aux côtés d’autres professions réglementées du droit et du chiffre. Les décrets propres à chaque à chacune des professions libérales déterminent le fonctionnement et notamment les associés devant être présent au capital.
Professions libérales concernées
L'objet social des SEL ne peut être que l'exercice en commun de la profession libérale exercée par les associés ou actionnaires.
Seules les professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire, ou dont le titre est protégé peuvent constituer une SEL. Ces professions sont regroupées en 3 familles :
- la famille des professions de santé ;
- la famille des professions juridiques ou judiciaires, comprenant limitativement les administrateurs et mandataires judiciaires, les avocats, les avocats au Conseil d'Etat et à la cour de cassation, les commissaires de justice, les greffiers des tribunaux de commerce et les notaires ;
- la famille des "professions techniques et du cadre de vie", qui réunit les autres professions libérales réglementées (notamment experts-comptables, commissaires aux comptes, architectes, géomètres-experts).
Actuellement, les professions judiciaires et juridiques peuvent être exercées dans des sociétés de droit commun. Il peut s’agir de sociétés commerciales traditionnelles comme la société à responsabilité limitée (SARL) ou la société par actions (SAS). Ce qui permet d’éviter les règles relatives aux SEL en matière de gouvernance et de cession de titres. À compter du 1er septembre 2024, les avocats, notaires, commissaires de justice, administrateurs et mandataires judiciaires ne pourront plus constituer de sociétés commerciales traditionnelles. Ils devront obligatoirement créer des SEL et choisir la forme de leur choix (SELAFA, SELARL, SELAS…). Les professionnels déjà en activité auront jusqu’au 31 août 2025 pour se mettre en conformité avec cette règle.
Associés
On distingue trois types d'associés.
- Les professionnels exerçant au sein de la société
Le professionnel exerçant doit répondre à 3 critères :
- être une personne physique ;
- avoir qualité pour exercer la profession concernée (c’est-à-dire posséder les diplômes ou qualifications nécessaires et être inscrit au tableau de l’ordre ou sur la liste professionnelle prévue par la réglementation) ;
- exercer effectivement sa profession, et ce, en toute indépendance.
Le professionnel exerçant doit :
- être associé de la société, directement ou par l’intermédiaire d’une société de participations financières de professions libérales ;
- détenir plus de la moitié du capital social.
- Les professionnels extérieurs à la société
Des dérogations aux règles de détention du capital social par les associés exerçants, existent dans chacune des 3 familles puisque :
- Pour les professions de santé et les professions techniques et cadre de vie, plus de la moitié du capital social peut être détenu par tout professionnel (ou personne morale) exerçant la profession constituant l’objet social de la société ou par des sociétés de participations financières de professions libérales ;
- Pour les professions juridiques, plus de la moitié du capital social peut être détenu par tout professionnel (ou personne morale) exerçant l’une quelconque des professions juridiques ou judiciaires ou par des sociétés de participations financières de professions libérales.
Dans les SELAS, il est possible d’émettre des actions à droits de vote double sous conditions. A compter du 1er septembre 2024, les SEL des familles des « professions juridiques ou judiciaires » et « professions techniques et du cadre de vie » (est donc exclue la famille des professionnels de santé) pourront émettre des actions à droits de vote double:
- aux actionnaires exerçant en dehors de la SEL, sans qu’ils soient majoritaires,
- ou à une autre partie des actionnaires qui exercent au sein de la SEL, même s’ils détiennent la majorité du capital.
- Les tiers non professionnels (personnes physiques ou morales)
Le plafond de leur participation est fixé par décret en Conseil d'Etat pour chaque profession.
Engagement financier
Le montant du capital social est fonction de la structure juridique commerciale retenue.
Il ne peut donc être inférieur à 37 000 euros pour une SELAFA ou une SELCA ; il est librement fixé par les statuts dans la SELARL et la SELAS.
Les apports en numéraire peuvent être libérés dans les mêmes conditions que pour les sociétés commerciales classiques.
A noter : les apports en industrie sont possibles dans les SELARL.
En ce qui concerne les apports en compte courant l'article 1 du décret du décret n°92-704 du 23 juillet 1992 fixe le plafond des sommes susceptibles d'être mises à la disposition de la société.
Ce montant doit être fixé par les statuts, sans pouvoir dépasser :
-trois fois la participation au capital, pour les comptes ouverts par les associés exerçant leur profession au sein de la SEL ou par leurs ayants droit devenus associés,
-une fois la participation au capital, pour les comptes ouverts par les autres associés.
À compter du 1er septembre 2024, seules les SEL exerçant une profession de santé seront concernées par ce décret. Les SEL qui exercent toutes les autres professions réglementées pourront organiser librement le fonctionnement de leurs comptes courants d’associés.
Fonctionnement
Dans les SELARL, le gérant doit être choisi parmi les associés exerçant leur profession libérale au sein de la société.
Dans les SELAFA, SELAS, SELCA, le président (de la SELAS ou du conseil d'administration ou de surveillance), les membres du directoire, les directeurs généraux et les 2/3 au moins des membres du conseil de surveillance ou du conseil d'administration doivent être des associés exerçant leur profession au sein de la société.
Les sociétés d’exercice libéral doivent, actuellement, envoyer chaque année, à l’ordre professionnel dont elles relèvent, un état récapitulant la composition de leur capital social.
À compter du 1er septembre 2024, cette obligation reste en vigueur. L’envoi devra également comprendre :
- un exemplaire des statuts à jour,
- un état de répartition des droits de vote,
- et une copie des documents contenant certaines clauses ayant été modifiées au cours de l’exercice.
Régime fiscal (société)
Les règles relatives aux sociétés commerciales s'appliquent.
Les SEL sont soumises à l'IS, sauf la SELARL unipersonnelle, soumise à l'IR mais elle peut opter pour l'IS.
Le résultat fiscal est déterminé d'après les règles applicables aux BIC (créances acquises et dépenses engagées), malgré l'objet civil des SEL.
Régime social
- Le régime social d'assimilés salariés s'applique aux dirigeants de SELAFA, de SELAS et aux gérants minoritaires de SELARL.
- Le régime des travailleurs non salariés s'applique aux gérants majoritaires de SELARL, aux dirigeants de SELARL unipersonnelle et de SELCA.
Une partie des sommes perçues au titre de dividendes ou d'un compte courant d'associé par l'associé lui-même, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité ou ses enfants mineurs non émancipés, est soumise aux cotisations sociales. Cette partie correspond à la part des revenus supérieure à 10 % du capital social, des primes d'émission et sommes versées en compte courant.
Transmission
Les SEL sont caractérisées par l'existence de règles renforcées en cas de cession des droits sociaux.
- Dans les SELARL : la cession de parts sociales à des tiers est soumise à un agrément qui doit être donné à la majorité des 3/4 des porteurs de parts sociales exerçant leur activité libérale au sein de la SEL.
- Dans les SELAFA : toutes les cessions d'actions sont décidées selon les modalités fixées dans les statuts : soit à la majorité de 2/3 des actionnaires exerçant leur profession au sein de la société, soit à la majorité de 2/3 des membres du conseil de surveillance ou d'administration exerçant leur profession au sein de la société.
- Dans les SELAS : l'agrément de nouveaux associés est donné à la majorité des 2/3 des associés exerçant leur profession au sein de la société.
- Dans les SELCA : l'agrément d'un actionnaire commanditaire est décidé par les associés commandités à la majorité des 2/3. L'agrément d'un associé commandité est donné à l'unanimité des associés commandités et à la majorité des 2/3 des actionnaires commanditaires.
À compter du 1er septembre 2024, les sociétés d’exercice libéral pourront prévoir, dans leurs statuts, les modalités de retrait de leurs associés. Cependant, les règles ne devront toutefois pas aller à l’encontre des dispositions prévues concernant notamment la détention du capital social dans chaque profession.
Avantages et inconvénients
- Principaux avantages
- Indépendance des membres des professions libérales préservée.
- Contrôle de la structure par des professionnels en exercice.
- Cession des droits sociaux réglementée.
- Responsabilité des associés limitée à leurs apports, sauf cas particuliers.
- Régime d'imposition pouvant être plus avantageux.
- Principaux inconvénients
- Frais et formalisme de constitution.
- Formalisme de fonctionnement.
Tableau comparatif des différentes formes
SELARL |
SELARL |
SELAFA |
SELAS |
SELCA |
||||||
|
2 au minimum |
1 |
2 au minimum |
1 au minimum |
4 au minimum dont 3 commanditaires au moins |
|||||
Capital minimum |
Pas de minimum |
Pas de minimum |
37 000 euros |
Pas de minimum |
37 000 euros |
|||||
Responsabilité civile professionnelle |
Oui personnellement sur l'ensemble de leur patrimoine et la SEL solidairement |
Oui personnellement sur l'ensemble de son patrimoine et la SEL solidairement |
Oui personnellement sur l'ensemble de leur patrimoine et la SEL solidairement |
Oui personnellement sur l'ensemble de leur patrimoine et la SEL solidairement |
Oui personnellement sur l'ensemble de leur patrimoine et la SEL solidairement |
|||||
Responsabilité des dettes sociales |
Limitée à leurs apports dans le capital social |
Limitée à ses apports |
Limitée à leurs apports dans le capital social |
Limitée à leurs apports dans le capital social |
Commandités : responsables indéfiniment et solidairement des dettes sociales |
|||||
Exercice des fonctions de direction |
Par un associé exerçant sa profession libérale au sein de la SEL |
Par un associé exerçant sa profession libérale au sein de la SEL |
Par un associé exerçant sa profession libérale au sein de la SEL |
Par un associé exerçant sa profession libérale au sein de la SEL |
Par un associé exerçant sa profession libérale au sein de la SEL |
|||||
Régime fiscal de la SEL |
IS |
IR sauf option pour l'IS |
IS |
IS |
IS |
|||||
Régime fiscal du gérant *distinction des revenus tirés de l'activité libérale et ceux tirés de l'activité de dirigeant à compter du 1er janvier 2024 |
Rémunération au titre de l'activité libérale : Gérant minoritaire ou égalitaire : à l'IR dans la catégorie des BNC Gérant majoritaire : à l'IR dans la catégorie des BNC |
Rémunération au titre de l'activité de gérant : Gérant minoritaire ou égalitaire : à l'IR dans la catégorie des traitements et salaires (TS) Gérant majoritaire : à l'IR dans la catégorie des traitements et salaires (TS) - art 62 du CGI |
Rémunération au titre de l'activité libérale : à l'IR dans la catégorie des BNC.
|
Rémunération au titre de l'activité de gérant : à l'IR dans la catégorie des traitements et salaires (TS) - art 62 du CGI. |
Rémunération au titre de l'activité libérale : à l'IR dans la catégorie des BNC
|
Rémunération au titre de l'activité de dirigeant : à l'IR dans la catégorie des traitements et salaires (TS)
|
Rémunération au titre de l'activité libérale : à l'IR dans la catégorie des BNC |
Rémunération au titre de l'activité de dirigeant : à l'IR dans la catégorie des traitements et salaires (TS) |
Rémunération au titre de l'activité libérale : à l'IR dans la catégorie des BNC |
Rémunération au titre de l'activité de dirigeant : à l'IR dans la catégorie des traitements et salaires (TS) - art 62 du CGI. |
Régime social du gérant |
Gérant minoritaire ou égalitaire : assimilé-salarié* Gérant majoritaire : TNS |
TNS |
Assimilé-salarié* |
Assimilé-salarié* |
TNS |
|||||
Cession des droits sociaux |
Décidée à la majorité des 3/4 des porteurs de parts exerçant leur profession au sein de la SEL |
_ |
Les modalités sont déterminées dans les statuts de la SEL |
Décidée à la majorité des 2/3 des porteurs de parts exerçant leur profession au sein de la SEL |
Selon la qualité de l'associé |
* Les gérants assimilés-salariés peuvent selon la nature de leur activité (ex. vétérinaires, experts-comptables) être tenus au paiement d'une cotisation supplémentaire de retraite complémentaire auprès du régime des travailleurs non-salariés.